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09/06/2010 | FRANCE | N°08-21217

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 juin 2010, 08-21217


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. Grégory X..., né le 11 juillet 1984 à Béziers, a été reconnu le 24 juillet 1984 par Mme Guylène X... ; que le 31 mars 1988, il a été reconnu devant l'officier d'état civil de Saint-Paul de la Réunion par M. Pierre Y... ; que par actes des 23 février et 13 mai 2004, il a fait assigner Mme Fabienne Z..., fille de Marcel Z..., décédé le 17 février 2003, en recherche de paternité et en établissement de sa filiation naturelle par la possession d'état à l'égard de Marcel Z... ;


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait g...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. Grégory X..., né le 11 juillet 1984 à Béziers, a été reconnu le 24 juillet 1984 par Mme Guylène X... ; que le 31 mars 1988, il a été reconnu devant l'officier d'état civil de Saint-Paul de la Réunion par M. Pierre Y... ; que par actes des 23 février et 13 mai 2004, il a fait assigner Mme Fabienne Z..., fille de Marcel Z..., décédé le 17 février 2003, en recherche de paternité et en établissement de sa filiation naturelle par la possession d'état à l'égard de Marcel Z... ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré ces deux actions irrecevables, alors, selon le moyen :

1° / que si l'établissement de la filiation est impossible dès lors qu'une autre filiation est légalement établie, l'action en établissement judiciaire de la filiation étant de ce fait irrecevable comme s'opposant à une filiation différente, rien ne s'oppose à ce qu'une même action ait pour double objet d'une part de contester la filiation existante, d'autre part d'établir une autre filiation ; qu'en l'espèce, dans le cadre même de son action tendant à voir établir sa filiation à l'égard de M. Z..., M. X... avait pris soin de contester sa reconnaissance volontaire par M. Pierre Y... (cf conclusions d'appel, p 4) ; qu'en déclarant irrecevable l'action intentée par cela seul que M. X... ne justifiait pas avoir engagé préalablement et avec succès une procédure distincte à l'encontre de M. Y... en contestation de la reconnaissance effectuée par lui, la cour d'appel a ajouté au principe de chronologie et violé par fausse application l'article 338 ancien du code civil ;

2° / que, subsidiairement, M. X... produisait en cause d'appel de nouvelles pièces pour justifier de la fausseté de sa filiation avec M. Y... et de la réalité de sa possession d'enfant naturel à l'égard de M. Z... ; qu'en confirmant le jugement ayant également statué sur le bien fondé de l'action engagée par M. X... sans s'expliquer sur ces documents de preuve nouveaux invoqués par le demandeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 563 du code de procédure civile et 338 ancien du code civil ;

Mais attendu d'abord, qu'après avoir justement rappelé que l'ancien article 338 du code civil disposait que tant qu'elle n'était pas contestée en justice une reconnaissance rendait irrecevable l'établissement d'une autre filiation naturelle qui la contredirait, les juges du fond ont constaté que M. X... n'avait entrepris à l'encontre de M. Y... aucune action en contestation de la reconnaissance effectuée par lui,- la seule mention dans les écritures d'appel du caractère contestable de la paternité de M. Y..., qui n'était pas dans la cause, ne pouvant tenir lieu d'action dirigée contre ce dernier- ; qu'ils ont pu déduire de cette seule constatation que l'action de M. X... en établissement de sa filiation naturelle était irrecevable ;

Et attendu ensuite, que ni les premiers juges ni les juges d'appel n'ont statué au fond et que la cour d'appel n'avait pas à s ‘ expliquer sur des éléments relatifs au bien-fondé d'actions qu'elle déclarait irrecevables ;

D'où il suit, qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif à la nécessité d'une action préalable en contestation de reconnaissance, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen pris en ses deux dernières branches :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt énonce qu'en interjetant appel alors même que le premier juge avait clairement rappelé une règle fondamentale du droit de la filiation que le code civil exprime de façon claire et compréhensible par tous n'ouvrant la possibilité d'aucune interprétation, M. X... a agi abusivement en interjetant appel alors même qu'il n'a présenté aucun argument de droit devant la cour se contentant d'affirmation sur l'absence de lien de filiation avec M. Y... en contradiction avec l'évidence des mentions de son acte de naissance ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'abus dans l'exercice du droit d'appel, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 28 août 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les actions en recherche de paternité et en établissement de sa filiation naturelle par la possession d'état intentées par Monsieur Grégory X... à l'encontre de Mademoiselle Fabienne Z... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'acte de naissance de M. X... révèle que, s'il a été déclaré sous le seul nom de jeune fille de sa mère alors dans les liens du mariage, il a ensuite été reconnu le 31 mars 1988 par M. Y..., établissant ainsi une filiation naturelle, le fait qu'il s'agisse du mari de sa mère étant sans effet sur la validité de cette reconnaissance ; l'article 338 du Code civil dispose que, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, une reconnaissance rend irrecevable l'établissement d'une autre filiation naturelle qui la contredirait ; M. X... ne justifie pas d'avoir engagé avec succès une procédure à l'encontre de M. Y... en contestation de la reconnaissance effectuée par lui ; il n'aurait pas même pu mettre en cause M. Y... dans la présente instance puisque celle-ci ne peut être introduite que pour autant que la filiation précédemment établie ait été annulée ; dès lors, c'est très justement que le premier juge a déclaré M. X... irrecevable ; au vu des pièces versées aux débats et en l'absence d'élément nouveau susceptible d'être soumis à son appréciation, la Cour, s'appropriant l'exposé des faits établi par le premier juge, estime que ce dernier par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « selon l'article 340 du Code civil, la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée ; la preuve ne peut en être rapportée que s'il existe des présomptions ou indices graves ; néanmoins, si l'enfant est déjà doté d'une filiation naturelle, l'action en recherche de paternité contre un autre individu ne peut être déclarée recevable que si l'inexactitude de la première filiation est préalablement établie ; dès lors, il est fait obligation à l'enfant de contester la reconnaissance dont il a fait l'objet avant de pouvoir agir en recherche de paternité ; en l'espèce, M. X..., qui se contente de produire une copie d'une partie de son livret de famille et ne fournit aucune pièce d'identité récente, ne dément pas avoir fait l'objet d'une reconnaissance par M. Y... le 31 mars 1988 comme en témoigne la copie de son acte de naissance du 24 / 02 / 2004 émanant de la mairie de Béziers (34) ; or, il est indiscutable qu'il n'a entrepris aucune action en contestation ou annulation de cette reconnaissance de sorte que sa filiation est toujours établie à l'égard de M. Y... ; par ailleurs, il se contente de verser aux débats diverses attestations lapidaires, non circonstanciées, qui se contentent d'affirmer, sans aucun caractère démonstratif ou explicatif, que Madame X... Marie Guylène a eu une relation avec Monsieur Z... Marcel en 1983 et que, de cette relation, est né X... Grégory né le 11 / 07 / 1984 ; en outre, il est démontré que ce sont Monsieur Z... et la grand-mère du demandeur (A... dont l'existence de relations intimes avec Monsieur Z... n'est pas contestée) qui ont gagné ensemble le chèque du loto ; de la sorte, les versements réguliers du compte de l'intéressé sur celui de Grégory ne constituent en aucun cas la preuve d'une volonté d'entretien d'un père à l'égard de son fils ; l'ensemble de ces éléments conduit à l'irrecevabilité des actions intentées par Grégory X... à l'encontre de Fabienne Z... » ;

1- ALORS QUE, si l'établissement de la filiation est impossible dès lors qu'une autre filiation est légalement établie, l'action en établissement judiciaire de la filiation étant de ce fait irrecevable comme s'opposant à une filiation différente, rien ne s'oppose à ce qu'une même action ait pour double objet d'une part de contester la filiation existante, d'autre part d'établir une autre filiation ; qu'en l'espèce, dans le cadre même de son action tendant à voir établir sa filiation à l'égard de Monsieur Z..., Monsieur X... avait pris soin de contester sa reconnaissance volontaire par Monsieur Pierre Y... (cf. conclusions d'appel, p. 4) ; qu'en déclarant irrecevable l'action intentée par cela seul que Monsieur X... ne justifiait pas avoir engagé préalablement et avec succès une procédure distincte à l'encontre de Monsieur Y... en contestation de la reconnaissance effectuée par lui, la Cour d'appel a ajouté au principe de chronologie et violé par fausse application l'article 338 ancien du Code civil.

2- ALORS QUE (subsidiairement) monsieur X... produisait en cause d'appel de nouvelles pièces pour justifier de la fausseté de sa filiation avec Monsieur Y... et de la réalité de sa possession d'enfant naturel à l'égard de Monsieur Z... ; qu'en confirmant le jugement ayant également statué sur le bien fondé de l'action engagée par Monsieur X... sans s'expliquer sur ces documents de preuve nouveaux invoqués par le demandeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 563 du Code de procédure civile et 338 ancien du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Grégory X... à payer à mademoiselle Z... la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QU'« en interjetant appel, alors même que le premier juge avait clairement rappelé une règle fondamentale du droit de la filiation que le code civil exprime de façon claire et compréhensible par tous et n'ouvrant la possibilité d'aucune interprétation, M. X... a agi abusivement, alors même qu'il n'a présenté aucun argument de droit devant la Cour, se contentant d'affirmations sur l'absence d'un lien de filiation avec M. Y... en contradiction avec l'évidence des mentions de son acte de naissance ; cette obstination fautive a occasionné un préjudice à l'intimée excédent les frais irrépétibles » ;

1°) ALORS QU'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure qui sera prononcée en vertu du premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt du chef de son dispositif condamnant Monsieur X... au paiement de dommages et intérêts pour abus du droit d'interjeter appel ;

2°) ALORS subsidiairement QUE l'exercice d'une action en justice ne peut constituer une faute susceptible de donner lieu à des dommages-intérêts par cela seul que la demande est mal fondée dans ses références juridiques et ne repose sur aucune argumentation juridique ; qu'en outre, l'action en contestation de la filiation résultant d'une reconnaissance volontaire par le mari de la mère biologique ne peut être fondée exclusivement sur des arguments de droit et repose nécessairement sur des éléments de pur fait ; que la Cour d'appel a reproché à Monsieur X... de s'être contenté d'affirmations sur l'absence de lien de filiation avec Monsieur Y... en contradiction avec l'évidence des mentions de son acte de naissance et de n'avoir présenté aucun argument de droit ; qu'en déduisant de cette seule circonstance, attestant au demeurant de la prise en compte par Monsieur X... de la condition de recevabilité rappelée par le premier juge, un abus du droit d'interjeter appel, la Cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE, s'il est aisément compréhensible, le principe de chronologie ne prête pas moins à interprétation s'agissant des modalités procédurales de sa mise en oeuvre ; qu'il est en effet discuté en doctrine du fait de savoir si une même action peut avoir pour double objet d'une part de contester la filiation existante, d'autre part d'établir une autre filiation ; que la Cour d'appel a déduit l'abus de droit du seul fait que le premier juge avait clairement rappelé la règle fondamentale de la chronologie en matière de filiation, règle que le Code civil exprime de façon claire et compréhensible par tous ; qu'en statuant ainsi quand Monsieur X..., loin d'ignorer cette règle, insistait sur le fait que son action était à la fois une action en contestation et en établissement de filiation et qu'elle était, ainsi, recevable, la Cour d'appel a de nouveau violé les articles 1382 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-21217
Date de la décision : 09/06/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 28 août 2007, 06/00001

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 28 août 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 jui. 2010, pourvoi n°08-21217


Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.21217
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