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28/12/2006 | FRANCE | N°99LY01620

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2006, 99LY01620


Vu la requête, enregistrée le 20 mai 1999, présentée pour la société ETUDES ET PROJETS dont le siège est 28 avenue du Grugliasco à Echirolles (38432), par Me Arrue, avocat au barreau de Lyon ;

La société ETUDES ET PROJETS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 951546 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 12 mars 1999, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la commune d'Oz-en-Oisans la somme de 1 392 893 francs outre intérêts de droit à compter du 17 mai 1995 ;

2°) de rejeter la demande de condamnation présentée contre elle par la co

mmune d'Oz-en-Oisans devant le Tribunal ;

3°) subsidiairement, de condamner les sociét...

Vu la requête, enregistrée le 20 mai 1999, présentée pour la société ETUDES ET PROJETS dont le siège est 28 avenue du Grugliasco à Echirolles (38432), par Me Arrue, avocat au barreau de Lyon ;

La société ETUDES ET PROJETS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 951546 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 12 mars 1999, en ce qu'il l'a condamnée à verser à la commune d'Oz-en-Oisans la somme de 1 392 893 francs outre intérêts de droit à compter du 17 mai 1995 ;

2°) de rejeter la demande de condamnation présentée contre elle par la commune d'Oz-en-Oisans devant le Tribunal ;

3°) subsidiairement, de condamner les sociétés Carron, Montaner et Sitalp à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

4°) de condamner la commune d'Oz-en-Oisans à lui verser la somme de 20 000 francs au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 300-4 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 2006 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Payet-Morice se substituant à Me Arrue, avocat de la société ETUDES ET PROJETS et de Me Mermillod-Blondin, avocat de la commune d'Oz-en-Oisans ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête :

Considérant que dans la nuit du 29 au 30 octobre 1990, un afflux d'eau, de boue et de matériaux alluvionnaires provenant des pistes de ski aménagées pour le compte du Siepaveo a submergé une partie des installations de la nouvelle station du hameau d'Olmet dont la commune d'Oz-en-Oisans avait confié la réalisation, par voie de convention d'aménagement de ZAC, à la société Sadi devenue Gid puis Territoires 38 ; que par jugement du 12 mars 1999, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné, à hauteur de 3 383 505 francs, les sociétés Carron et Montaner chargées du terrassement des pistes, à indemniser la commune qui, vis-à-vis de cet ouvrage public, invoquait sa qualité de tiers ; que, relevant que certains aménagements de la ZAC d'Olmet avaient contribué à aggraver les conséquences de la coulée, le Tribunal a condamné la société ETUDES ET PROJETS, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle de maître d'oeuvre de la ZAC, à indemniser la commune des désordres imputables à ces manquements, soit 1 392 893 francs ;

Sur le droit à indemnisation de la commune d'Oz-en-Oisans :

Considérant que la commune d'Oz-en-Oisans, qui n'a pas été partie au marché conclu entre la société Sadi et la société ETUDES ET PROJETS pour la maîtrise d'oeuvre de la ZAC d'Olmet ne peut, même si le marché a été passé pour son compte, se prévaloir des manquements de l'un des signataires à ses obligations contractuelles ; que, dès lors, la société ETUDES ET PROJETS est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal s'est fondé sur ses obligations contractuelles de maître d'oeuvre pour la condamner à indemniser la commune ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la commune d'Oz-en-Oisans et la société Territoire 38 en première instance ;

Considérant que la commune se prévaut de la réception de certains équipements d'infrastructure de la ZAC qui a eu pour effet, en application de l'article 15 du cahier des charges annexé à la convention d'aménagement, de lui transférer la gestion de l'équipement et la garantie décennale qui s'attache à cette charge ; que le seul ouvrage qui, au 29 octobre 1990, avait fait l'objet d'une réception et dont le fonctionnement a concouru à la réalisation du sinistre est la buse du Roubier installée sous le parking central et la voie communale n° 4 ;

Considérant, en premier lieu, que la submersion des équipements implantés à l'est de la station est due à l'obstruction rapide par des roches et des branchages de la grille placée à l'entrée de la buse ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce dispositif devait être conçu et avait été livré à la requérante pour absorber d'autres crues que celles du bassin versant du Roubier après stabilisation des plates formes et enrochement des ouvrages formant soutènement des pistes de ski, de telle sorte que les matériaux détritiques et alluvionnaires ne puissent être entraînés par les eaux de ruissellement ; que l'ouvrage ayant été exposé à des conditions anormales d'utilisation, la commune n'établit pas qu'il serait impropre à sa destination au sens des principes dont s'inspire l'article 1792 du code civil ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à rechercher la responsabilité décennale du maître d'oeuvre afin d'obtenir réparation de la part de désordres consécutifs au refoulement de l'eau en amont de la canalisation du Roubier et que n'ont pas indemnisés les participants à l'aménagement du domaine skiable ;

Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas allégué que les autres canalisations des cours d'eau traversant la station auraient été réceptionnées et transférées à la commune d'Oz-en-Oisans à la date du sinistre ; que, par suite, les demandes de ladite collectivité tendant à ce que la société ETUDES ET PROJETS l'indemnise des désordres liés au fonctionnement de ces ouvrages sur le fondement de la garantie décennale ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ETUDES ET PROJETS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal l'a condamnée à verser à la commune d'Oz-en-Oisans la somme de 1 392 893 francs outre intérêts de droit à compter du 17 mai 1995 ;

Sur le droit à indemnité de la société Territoire 38 :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société ETUDES ET PROJETS :

Considérant, en premier lieu, qu'en sa qualité d'aménageur de la ZAC d'Olmet, la société Territoire 38 est fondée à demander réparation à la société ETUDES ET PROJETS des conséquences du dysfonctionnement des ouvrages qui n'avaient pas fait l'objet d'une réception au 29 octobre 1990 ; que la possibilité ouverte au maître de l'ouvrage de rechercher, avant la réception, la responsabilité des entreprises chargées de l'exécution des travaux à raison des risques de ruines d'un ouvrage dont elles avaient la garde ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité de chaque locateur, notamment du concepteur, du fait des manquements à ses obligations contractuelles ; que, par suite, la société ETUDES ET PROJETS ne saurait utilement soutenir que la société Territoire 38 ne pouvait agir que sur le fondement de la responsabilité pour risques encourus par le gardien des ouvrages défectueux ;

Considérant, en second lieu, que si la digue du canal du Sauget a été submergée et n'a pu empêcher l'inondation de la voie d'accès à la ZAC et du talus aval du bâtiment n° 9, il ne résulte pas de l'instruction que ce phénomène ait eu d'autres causes que le brusque déversement d'eau et de matériaux depuis les plates-formes non stabilisées des pistes de ski en cours de réalisation ; que la société Territoire 38 n'établit pas l'existence d'un manquement de la société ETUDES ET PROJETS à ses obligations contractuelles dans la conception et la surveillance de réalisation de cet ouvrage hydraulique ; que, par suite et en tout état de cause, il y a lieu de rejeter la demande de rectification du lit, seul chef de préjudice encore en litige, à hauteur de 120 000 francs, qui soit lié à la crue de ce torrent ;

Considérant, en troisième lieu, que le canal du Roubier dont l'insuffisance de dimensionnement ne ressort pas de l'instruction, n'a pu, en lui-même, contribuer à la submersion des installations implantées à l'entrée est de la ZAC, dès lors que les eaux que cet ouvrage aurait dû évacuer ont été refoulées par l'obstruction de la buse placée en aval ; que les dégâts infligés aux tennis, aux parkings et aux abords de la gare de la télécabine du Poutran proviennent du fonctionnement de la buse, réceptionnée et placée, ainsi qu'il est dit plus haut, sous la garde de la commune d'Oz-en-Oisans ; que, par suite, les désordres consécutifs à la submersion de ce secteur ne sont pas imputables au fonctionnement du canal du Roubier et ne sauraient engager la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que la rupture de pente excessive au point de confluence des canaux du Ruisseau du Lac Noir et du Roubier a perturbé l'écoulement des eaux et favorisé l'arrivée de nappes d'eau en amont du confluent de ces deux cours d'eau ; que le dysfonctionnement de cet ouvrage hydraulique a aggravé la submersion des terrains de jeux, des parkings et des abords de la gare du Poutran ; qu'il sera fait une exacte appréciation de l'incidence de l'erreur de conception affectant ledit ouvrage en fixant à 20 pour-cent la part de responsabilité de la société ETUDES ET PROJETS dans la survenance des dommages causés à ce secteur de la ZAC et que n'ont pas été condamnés à indemniser les participants à l'aménagement du domaine skiable ;

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu de condamner la société ETUDES ET PROJETS à verser à la société Territoires 38 une somme de 18 049,96 euros correspondant à 20 pour-cent de l'évaluation non contestée des frais de nettoyage général des installations ; qu'en revanche, le parking central ayant fait l'objet d'une réception, les 8 et 31 décembre 1988, qui a eu pour effet d'en transférer la propriété à la commune, l'aménageur ne saurait se prévaloir d'une créance trouvant sa cause dans l'obligation d'en reconstituer la plate-forme ; qu'en outre, l'aménagement de coursiers de sécurité représente une amélioration de l'ouvrage non susceptible d'être indemnisée ; que les frais non indemnisés par le Tribunal de correction du lit du Sauger et les honoraires sur les travaux de réfection dudit ouvrage sont sans lien avec la faute engageant la responsabilité du maître d'oeuvre ; qu'enfin l'existence d'un préjudice commercial n'est pas établie ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort de l'article 256 du code général des impôts et de l'article 25 du cahier des charges annexé à la convention d'aménagement de la ZAC d'Olmet que la vente des terrains viabilisés, dont le prix intègre nécessairement le coût de réalisation des espaces publics, est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'assujettir l'indemnité de 18 049,96 euros au taux de 18,60 pour-cent en vigueur à la date du présent arrêt ; que la condamnation TTC mise à la charge de la société ETUDES ET PROJETS s'élève à 21 407,25 euros ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu d'assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 1995, date d'enregistrement de la demande de première instance et de prononcer la capitalisation des intérêts au 9 décembre 1998, date d'enregistrement du mémoire présenté à cette fin ;

Sur les recours en garantie de la société ETUDES ET PROJETS :

Considérant que la société ETUDES ET PROJETS n'identifiant aucune faute imputable aux sociétés Carron, Montaner et Sitalp dans la conception des exutoires d'eau pluviales compris dans le périmètre de la ZAC d'Olmet, lesdites conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'appel incident de la commune d'Oz-en-Oisans et de la société Territoire 38 :

Considérant que par mémoire, enregistré le 12 décembre 1998, avant la clôture de l'instruction, la commune d'Oz-en-Oisans et la société Territoire 38 ont présenté une demande de capitalisation des intérêts courant sur le principal ; qu'elles sont fondées à soutenir que le Tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en omettant de statuer sur ces conclusions en tant qu'elles se rapportent à la condamnation de 1 398 893 francs prononcée au bénéfice de la commune ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de capitalisation des intérêts présentée par la commune d'Oz-en-Oisans ;

Considérant que le présent arrêt annule le jugement en ce qu'il condamne la société ETUDES ET PROJETS à indemniser la commune d'Oz-en-Oisans et rejette en totalité les conclusions indemnitaires de cette collectivité ; que, par voie de conséquence, la demande de capitalisation des intérêts ne peut qu'être rejetée ;

Sur l'appel provoqué de la commune d'Oz-en-Oisans et de la société Territoire 38 dirigé contre les sociétés Carron et Montaner :

Considérant que les conclusions de la commune d'Oz-en-Oisans et de la société Territoire 38 tendant à l'annulation du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leur demande de capitalisation des intérêts assortissant la condamnation mise à la charge des sociétés Carron et Montaner au titre de l'indemnisation des dommages de travaux publics subis par la commune relèvent d'un litige distinct ; que, présentées après le délai d'appel, elles sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions des sociétés Carron et Montaner :

Considérant que par son arrêt n° 99LY01430, la Cour statue sur les conclusions des sociétés tendant à la contestation du rejet du surplus des recours en garantie qu'elles ont présentés devant le Tribunal contre les sociétés Sitalp et ETUDES ET PROJETS ; que les conclusions présentées aux mêmes fins dans le cadre de la présente instance sont devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

Considérant que, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune d'Oz-en-Oisans à payer à la société ETUDES ET PROJETS la somme de 1 000 euros ; que, d'autre part, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune d'Oz-en-Oisans et de la société Territoire 38 dirigées contre les sociétés Carron et Montaner, qui ne sont pas parties perdantes ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions des sociétés Carron et Montaner dirigées contre les sociétés Sitalp et ETUDES ET PROJETS.

Article 2 : Le jugement n° 951546 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 12 mars 1999, en ce qu'il omet de statuer sur la demande de capitalisation des intérêts sur la condamnation de 1 392 893 francs mise à la charge de la société ETUDES ET PROJETS au bénéfice de la commune d'Oz-en-Oisans, est annulé.

Article 3 : La condamnation de 1 392 893 francs HT (212 345,17 euros) outre intérêts de droit à compter du 17 mai 1995, mise à la charge de la société ETUDES ET PROJETS au bénéfice de la commune d'Oz-en-Oisans par le jugement n° 951546 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 12 mars 1999, est annulée.

Article 4 : La société ETUDES ET PROJETS versera à la société Territoire 38 la somme de 21 407,25 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 1995 et la capitalisation des intérêts au 9 décembre 1998.

Article 5 : La commune d'Oz-en-Oisans versera à la société ETUDES ET PROJETS la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des demandes présenté par la commune d'Oz-en-Oisans et la société Territoire 38 devant le Tribunal, le surplus des conclusions de la requête, le surplus des conclusions présentées par la commune d'Oz-en-Oisans et la société Territoire 38 sont rejetés.

Article 7 : Le dispositif non annulé du jugement n° 951546 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 12 mars 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 99LY01620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 99LY01620
Date de la décision : 28/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GRABARSKY
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : ARRUE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-12-28;99ly01620 ?
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