AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que, le 15 septembre 1995, l'indivision X..., composée de Mmes Odette et Wanda X... et de MM. Franck et Libério X..., a vendu un immeuble à la Communauté de communes de l'agglomération Grenobloise dite Grenoble Alpes Métropole (la communauté) ; que, le 15 novembre 1988, M. Libério X... avait, sur cet immeuble, sans le consentement de ses coïndivisaires, consenti à la société Domaine Saint-Ame, dont il était le gérant, un bail enregistré le 2 mars 1989 ;
Attendu que la société Domaine Saint-Ame fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 mars 1999) d'avoir déclaré le bail inopposable aux coïndivisaires et à l'acquéreur et d'avoir, en conséquence, dit les occupants du bien sans droit ni titre et ordonné leur expulsion, alors, selon le moyen :
1 / qu'en accueillant les prétentions par lesquelles, en cause d'appel, les consorts X... sollicitaient la nullité du bail consenti par leur coïndivisaire, sans rechercher si la société Domaine Saint-Ame avait été mise en mesure de répondre à ces écritures desquelles il résultait qu'elles avaient été produites et notifiées le jour même de l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 16 et 923 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en retenant que, parce qu'elle le jugeait inopposable à ses coïndivisaires pour avoir été consenti par M. Libério X... à la société Domaine Saint-Ame sans mandat spécial à cette fin, le bail dont s'agissait devait être déclaré également inopposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé de cette charge, la cour d'appel a violé l'article 815-3 du Code civil ;
3 / qu'en décidant que, parce que les dispositions de l'article 815-3 du Code civil n'auraient pas été respectées par M. Libério X... à l'égard de ses coïndivisaires, le bail consenti à la société Domaine Saint-Ame était inopposable à l'acquéreur des immeubles occupés, faisant ainsi application de dispositions ne le concernant pas, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si ce contrat de location, qui avait été enregistré le 2 mars 1989, n'avait pas acquis date certaine avant la vente conclue le 15 décembre 1995, ce qui suffisait pour qu'il fût opposable au nouveau propriétaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1743 du Code civil ;
4 / qu'en énonçant de manière péremptoire que, "manifestement", l'acquéreur du tènement immobilier ignorait l'existence du bail consenti à la société Domaine Saint-Ame, sans donner aucun motif de nature à justifier pareil postulat, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que, la société Domaine Saint-Ame qui n'a élevé aucune contestation avant la clôture des débats sur la recevabilité des conclusions des consorts X..., n'est pas recevable à mettre en oeuvre devant la Cour de cassation un moyen qu'elle aurait dû invoquer devant la cour d'appel ;
Attendu, ensuite, que, le bail consenti par un indivisaire sans le consentement des autres, même s'il a date certaine, est, en tant qu'il porte partiellement sur la chose d'autrui, inopposable à l'acquéreur du bien en ayant fait l'objet ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Domaine Saint-Ame aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Domaine Saint-Ame à payer d'une part à la communauté Grenoble Alpes Métropole d'autre part aux consorts X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quatre.