Sur le moyen unique, pris en ses trois branches du pourvoi principal et le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 septembre 1997), que la société Hesnault a fait parvenir à la société Dapharm un chèque de 2 200 000 francs tiré sur la BNP, en lui précisant qu'il était destiné à " couvrir (des) urgences et quatre factures pro forma afin d'expédier sans délai, les marchandises " et lui demandant " de ne pas le mettre en banque puisque c'est un chèque de garantie " ; que s'estimant créancière envers l'organisme destinataire des marchandises la société Dapharm a mis à l'encaissement le chèque émis à son profit par la société Hesnault, laquelle a formé opposition à son paiement ; que la société Dapharm a saisi la juridiction des référés aux fins de mainlevée de l'opposition ;
Attendu que la société Hesnault et la BNP font grief à l'arrêt de la mainlevée de l'opposition, alors, selon le pourvoi, 1° que, dans la mesure où les conditions posées par la loi au regard des engagements de garantie sont réunies, cette garantie peut consister en la remise d'un chèque assorti de la condition qu'il ne sera porté à l'encaissement que si le tiers dont les obligations sont ainsi garanties ne les exécute pas ; qu'en affirmant que le chèque de garantie n'existait pas en droit français, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 28 du décret-loi du 30 octobre 1935 ; alors, 2° que constitue une utilisation frauduleuse légitimant l'opposition au paiement la remise à l'encaissement d'un chèque qui a été préalablement adressé au bénéficiaire à titre de garantie, alors que cette garantie est devenue sans objet ; qu'en ordonnant la mainlevée de l'opposition formée par l'émetteur du chèque litigieux au motif qu'il ne soutenait pas que le chèque litigieux ait été perdu ou volé, et qu'il n'établissait pas que le chèque ait été utilisé de façon " manifestement " frauduleuse, ce qui supposerait sa falsification ou sa contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article 32 du décret-loi du 30 octobre 1935 ; alors, 3° qu'il appartient au bénéficiaire d'un chèque sollicitant la mainlevée d'une opposition à paiement d'établir qu'il est titulaire d'un droit sur la provision ; qu'en faisant droit à la demande de la société Dapharm sans avoir relevé que le chèque avait été remis à l'encaissement dans le délai prévu par l'article 52 du décret-loi du 30 octobre 1935, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32 dudit décret-loi ; alors 4° que le chèque, dont la remise est assortie de la condition qu'il ne sera pas porté à l'encaissement si le tiers dont les obligations sont ainsi garanties ne les exécute pas, est licite ; qu'en statuant pourtant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 28 du décret-loi du 30 octobre 1935 ; et alors, 5° que constitue une utilisation frauduleuse légitimant l'opposition au paiement la remise à l'encaissement d'un chèque qui a été préalablement adressé au bénéficiaire à titre de garantie, cette garantie étant devenue sans objet ; qu'en ordonnant cependant la mainlevée de l'opposition formée par l'émetteur du chèque de garantie, la cour d'appel a violé l'article 32 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
Mais attendu, d'une part, qu'un chèque est un instrument de paiement que le bénéficiaire peut faire encaisser même dans le cas où il lui a été " remis à titre de garantie ", sauf à lui à en restituer le montant si le paiement reçu était indu ; que la cour d'appel a statué, à bon droit, en ce sens ;
Attendu, d'autre part, que le droit d'obtenir paiement d'un chèque ne pouvant être subordonné à la réalisation d'une condition, ne constitue pas une utilisation frauduleuse justifiant l'opposition, la remise de ce chèque à l'encaissement, même s'il a été reçu à titre de garantie ; que la cour d'appel a statué à bon droit en ce sens ;
Attendu, enfin, que le bénéficiaire d'un chèque peut agir en mainlevée de l'opposition tant que celle-ci garde effet, à savoir jusqu'à la prescription de l'action contre le tiré ; qu'il ne résulte pas des conclusions échangées en instance d'appel qu'il y ait été prétendu que cette prescription était intervenue ; que la cour d'appel n'a, dès lors, pas privé sa décision de base légale à cet égard ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident.