Met hors de cause, sur leur demande, Mme Juliette Courtignon, M. Jean-Pierre Courtignon et Mme Evelyne Courtignon ;
Attendu que MM. Robert et Jacques Courtignon ont constitué, en 1962, une société civile, dénommée Société foncière Courtignon (la Société foncière), qui a acquis des lots d'un immeuble ; que Robert Courtignon est décédé en 1984, laissant pour lui succéder sa veuve et ses deux enfants, Jean-Pierre et Evelyne ; que, le 25 novembre 1986, par un acte passé devant M. X..., notaire, membre de la SCP X... et Y... (la SCP), la Banque populaire de la Côte-d'Azur (la banque) a consenti un prêt personnel d'un million de francs à M. Jacques Courtignon et à sa fille Catherine ; que ce prêt était garanti par un cautionnement hypothécaire de la Société foncière, représentée à l'acte par M. Jacques Courtignon, son administrateur ; que la banque a inscrit l'hypothèque sur l'immeuble ; que, le 26 janvier 1990, Mme veuve Courtignon et ses enfants, Jean-Pierre et Evelyne (les consorts Courtignon), agissant en qualité d'héritiers et d'associés de la Société foncière, ont assigné la banque et M. X... en mainlevée de l'hypothèque, faisant valoir que M. Jacques Courtignon était sans pouvoir pour consentir cette sûreté et que les associés n'y avaient jamais donné leur accord ; que la banque ayant, de son côté, assigné M. Jacques Courtignon en remboursement du prêt, les instances ont été jointes ; que l'arrêt attaqué, a déclaré nul le cautionnement, a condamné M. Jacques Courtignon à rembourser à la banque une somme de 846 237,23 francs avec intérêts conventionnels et a partagé la responsabilité d'un défaut de ce remboursement par moitié entre la SCP et la banque ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par la SCP :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la responsabilité de la SCP au regard de la banque, alors que, en condamnant le notaire à réparer pour moitié le préjudice que celle-ci subirait si l'emprunteur n'exécutait pas la condamnation prononcée contre lui au titre du remboursement du prêt, bien que la banque ne subît, au jour où elle statuait, aucun préjudice actuel et certain, la cour d'appel aurait condamné le notaire à réparer un préjudice hypothétique et aurait violé ainsi l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que consacrant le principe de la responsabilité du notaire, la cour d'appel a seulement prononcé une condamnation subordonnée à la réalisation d'un événement déterminé le défaut de paiement, total ou partiel, par l'emprunteur, de la dette leur incombant- et dont la survenance entraînerait nécessairement un préjudice également déterminé le montant de l'impayé ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas ordonné la réparation d'un préjudice hypothétique, n'a pas violé le texte visé par le moyen lequel n'est donc pas fondé ;
Et, sur le moyen unique du pourvoi incident élevé par la Banque populaire de la Côte-d'Azur :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir procédé à un partage de responsabilité entre la SCP et la banque, alors que, en ayant mis à la charge de celle-ci une partie du préjudice résultant de la perte de la sûreté, provoquée par le manquement du notaire à son obligation d'assurer la validité et l'efficacité des actes instrumentés, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que si un notaire ne peut être déchargé de son devoir de conseil en considération des compétences personnelles de son client, en revanche, la faute commise par ce dernier et qui constitue une cause du dommage qu'il a subi peut, le cas échéant, être retenue pour fonder un partage de responsabilité ; qu'ayant relevé que la banque avait commis une faute en négligeant de procéder ou faire procéder à la vérification des pouvoirs de M. Jacques Courtignon qui avait la qualité de mandataire de droit de la société, c'est à bon droit que la cour d'appel a partagé la responsabilité entre cette banque et la SCP, dans une mesure qu'elle a souverainement appréciée ; que le moyen est donc sans fondement ;
Mais, sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de garantie formée par la SCP contre M. Jacques Courtignon, l'arrêt énonce que le notaire avait tous les moyens de déceler la faute commise par celui-ci ;
Attendu qu'en statuant ainsi après avoir relevé que la garantie par la société d'un prêt qui profitait exclusivement à M. Courtignon consommait une forme d'abus de biens sociaux ou de crédit social, et que celui-ci, qui n'avait pu ignorer l'irrégularité de l'engagement qu'il souscrivait au nom de la société, avait commis une faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et énonciations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la demande de garantie formée par la SCP contre M. Jacques Courtignon devait être rejetée, l'arrêt rendu le 14 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.