Joint en raison de leur connexité les pourvois nos 97-19.131, 97-18.481 et 97-18.509 ;
Attendu que dans l'après-midi du 7 juillet 1992 Mme Z..., qui était accouchée le 30 juin 1992 à la clinique Belledonne, a souffert d'intenses douleurs abdominales et a été transportée dans cette clinique à 23 heures, où les médecins qui l'ont examinée, M. X..., gynécologue, et M. Y..., chirurgien, ont constaté qu'elle présentait une température élevée et que sa numération globulaire révélait une hyperleucocytose ; qu'ils ont prescrit un traitement contre la douleur, mais aucune antibiothérapie ; que, pendant la journée du 8 juillet et la nuit du 8 au 9, les douleurs et la fièvre ont subsisté, tandis que les résultats d'un examen d'urine montraient la présence de leucocytes en grand nombre et de germes en cours d'identification et que des troubles hémodynamiques ont commencé ; qu'au cours de la matinée du 9 juillet, Mme Z... a présenté un collapsus cardiovasculaire aggravé avec marbrure au niveau des membres inférieurs, hypotension et pouls faible, les résultats d'une numération montrant une leucopénie majeure, et M. Y... a procédé à une laparotomie et M. X... a un curetage, un cathéter étant en outre mis en place dans l'artère humérale droite afin de surveiller la pression artérielle ; que les troubles hémodynamiques se sont considérablement aggravés après cette intervention pendant l'après-midi du 9 juillet et la nuit du 9 au 10 et que, dans la matinée du 10 juillet, Mme Z... a fait l'objet d'une hystérectomie ; qu'elle a dû être transférée ensuite dans un service de réanimation d'un hôpital public où elle a subi, en raison de phénomènes de nécrose ischémique des extrémités, de multiples amputations aggravées par une ostéite calcanéenne gauche, nécessitant quatorze interventions chirurgicales jusqu'en octobre 1993, date de la consolidation ; que, statuant sur l'action en réparation de son préjudice engagée par Mme Z... contre la clinique et les deux praticiens, l'arrêt attaqué, retenant qu'elle avait été victime d'une infection utérine nosocomiale lors de son accouchement avec péritonite généralisée compliquée d'une septicémie, puis d'un choc septique avec coagulation intravasculaire disséminée ayant entraîné la nécrose ischémique des extrémités, les a condamnés in solidum à réparer l'entier préjudice de Mme Z... ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi formé par la société clinique Belledonne :
Attendu que la clinique reproche à la cour d'appel d'avoir retenu sa responsabilité dans l'infection nosocomiale et ses suites et invoque des griefs tirés d'une absence de preuve d'une contamination utérine au cours de l'accouchement, de dénaturations du rapport d'expertise ou de conclusions concernant le mode de contamination ou le défaut d'étude épidémiologique ou d'enquête, enfin, de l'absence, d'une part, de caractérisation d'une faute, d'autre part, de recherche du caractère imprévisible et inévitable de l'infection et du respect des mesures d'hygiène ;
Mais attendu que la cour d'appel a, d'abord, énoncé à bon droit qu'une clinique est présumée responsable d'une infection contractée par le patient lors d'une intervention pratiquée dans une salle d'opération, à laquelle doit être assimilée une salle d'accouchement, à moins de prouver l'absence de faute de sa part ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel se fondant sans le dénaturer sur le rapport d'expertise, a constaté que Mme Z..., qui, comme toute femme venant d'accoucher présentait un terrain favorable à la prolifération et à la diffusion rapide dans la circulation sanguine de germes pathogènes par les voies génitales, avait été contaminée par des streptocoques bêta hémolytique du groupe A infectant la sphère ORL ; que la juridiction du second degré a encore relevé que Mme Z..., qui n'était pas porteuse d'une angine lors de son entrée à la clinique n'avait pu se contaminer elle-même ni être contaminée, compte tenu de la localisation de l'infection, par des personnes venues la voir après l'accouchement ; qu'enfin, la cour d'appel a retenu que le seul mode de transmission de ces bactéries à Mme Z... ne pouvait provenir que du réservoir nasal d'un membre du personnel soignant qui au moment de l'accouchement se trouvait à proximité de ses voies génitales ; que de cet ensemble de présomptions les juges d'appel ont souverainement estimé qu'il était établi que Mme Z... avait bien été victime d'une infection nosocomiale contractée lors de l'accouchement ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel n'avait pas à caractériser de faute de la clinique eu égard à la présomption de responsabilité pesant sur elle en matière d'infection nosocomiale, et qu'elle a procédé à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise en constatant que la clinique n'apportait aucun élément de nature à démontrer qu'elle n'avait commis aucune faute dans le fonctionnement de son service, de sorte qu'elle ne s'exonérait pas de la présomption pesant sur elle ;
Sur le moyen unique, chacun pris en leurs diverses branches, des pourvois formés par M. X... et M. Y... ;
Attendu qu'à l'encontre de l'arrêt attaqué ces deux praticiens invoquent des griefs tirés d'une dénaturation du rapport des experts, d'une contestation de l'erreur de diagnostic qui leur est imputée, d'une absence de recherche relative à l'effet qu'aurait eu une antibiothérapie ordonnée dès l'arrivée de Mme Z... à la clinique, d'une pose du cathéter qui aurait été étrangère aux attributions de M. X..., d'une réparation injustifiée de l'intégralité du préjudice de Mme Z... et d'une condamnation in solidum qui n'aurait pu être prononcée sans préciser la part de responsabilité incombant à chaque co-auteur ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé le rapport des experts mais en a apprécié la portée, a relevé que si les cas d'infection utérine étaient devenus rares les deux médecins, eu égard à leur expérience et à leurs connaissances en matière de maternité et de ses suites ainsi qu'aux symptômes présentés par Mme Z... quelques jours après l'accouchement, ne pouvaient invoquer la rareté de l'infection pour excuser leur erreur de diagnostic ;
Attendu, ensuite, que la juridiction du second degré a constaté, en se fondant sur le rapport d'expertise, que l'hyperthermie, la polynucléose et les urines purulentes présentées par Mme Z... lors de son arrivée à la clinique imposaient une antibiothérapie dont l'absence était contraire aux données acquises de la science ; que l'arrêt ajoute qu'eu égard en particulier au fait que les streptocoques contaminant étaient très sensibles aux antibiotiques usuels, la prescription d'un antibiotique à large spectre aurait permis d'éviter le choc septique aux conséquences catastrophiques dont Mme Z... a été victime ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel a retenu que les deux médecins avaient encore commis une faute dans l'indication trop tardive de l'hystérectomie, seule capable d'éradiquer le foyer infectieux, et que le choix de l'artère humérale pour la mise en place d'un cathéter artériel avait accéléré l'apparition de nécroses, étant observé à cet égard que M. X..., chargé avec son confrère M. Y..., du traitement de Mme Z... depuis son arrivée à la clinique, n'a pas soutenu en cause d'appel qu'il aurait été étranger à la prescription de la pose de ce cathéter ;
Attendu que la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé les fautes commises par les deux praticiens, a pu déduire de cet ensemble de circonstances que ces fautes étaient la cause certaine et directe de l'entier préjudice subi par Mme Z... et prononcer contre eux une condamnation in solidum, peu important que dans leurs rapports entre eux, ils n'aient pas demandé un partage de responsabilité ;
Et attendu que les pourvois des deux médecins présentent un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les trois pourvois.