Attendu que la société Smith et Nephew a, par l'entremise de la société de courtage d'assurance SECA, souscrit à deux assurances de groupe destinées à ses cadres, l'une, relevant du régime de prévoyance de la Caisse générale interprofessionnelle des cadres (CGIC), auprès de la compagnie d'assurances La France pour les risques décès-invalidité, l'autre, relevant d'une police individuelle de groupe, auprès de la compagnie Commercial Union, pour le risque accident corporel ; que Patrick X..., cadre de la société Smith et Nephew, a adhéré à ces deux assurances en désignant dans un premier temps comme bénéficiaire son épouse, Mme Z..., dont il a divorcé en avril 1990, et sa fille ; qu'après avoir remis à son employeur en juin 1990 un premier document relatif à une modification des bénéficiaires, il lui en a remis un second le 10 décembre 1991 dans lequel il désignait comme bénéficiaire de l'assurance individuelle accident sa concubine, Mme Y... et sa fille Laeticia X..., chacune à concurrence de 50 %, ce document étant ensuite transmis par l'employeur au courtier, qui a avisé la compagnie Commercial Union de ce changement ; que Patrick X... est décédé en mars 1992 dans des conditions permettant à ses ayants droit de bénéficier des deux assurances ; qu'un litige est survenu à propos du capital correspondant à l'assurance de prévoyance qui a été intégralement versé par la compagnie France Vie à la fille du défunt ; que Mme Y..., soutenant que son concubin avait aussi fait connaître, en juin 1990, à la société Smith et Nephew qu'il entendait la désigner comme bénéficiaire, à hauteur de 50 %, de cette assurance, a engagé une action en justice ; que l'arrêt attaqué (Angers, 6 mai 1996), retenant que la société Smith et Nephew avait commis une faute qui avait privé Mme Y... de la chance d'être désignée comme bénéficiaire de l'assurance de prévoyance a condamné cette société à payer une somme de 400 000 francs à Mme Y... et l'a déboutée de l'action en garantie qu'elle avait formée contre la CGIC et la société de courtage SECA ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Smith et Nephew fait d'abord grief à la cour d'appel de l'avoir condamnée à payer la somme de 400 000 francs à Mme Y... alors que, de première et deuxième part, elle aurait statué par des motifs hypothétiques, et alors que, de troisième part, elle n'était pas tenue d'une obligation de conseil vis-à-vis de son salarié adhérent à l'assurance de groupe en ce qui concerne la rédaction des documents et la désignation des bénéficiaires ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'en juin 1990 Patrick X... avait effectivement remis à son employeur un document écrit de sa main, mais qui n'était ni daté ni signé et qui ne comportait pas de précision quant à l'assurance concernée, dans lequel il indiquait qu'il entendait désigner comme bénéficiaire du capital décès, par parts égales, sa fille et sa concubine, d'autre part, que ce document avait été classé dans le dossier, sans aucune transmission au courtier ou à l'assureur ; que la juridiction du second degré, qui n'a pas statué par des motifs hypothétiques, a pu déduire de ces constatations que la société Smith et Nephew, tenue en sa qualité de souscripteur d'une assurance de groupe d'un devoir de renseignement et de conseil vis-à-vis de son salarié adhérent, devoir qui ne se limitait pas à la phase d'adhésion au contrat, aurait dû attirer l'attention de Patrick X... sur le caractère " inexploitable " du document qu'il lui remettait et qu'elle avait commis une faute en ne le faisant pas et en se bornant à le classer ; qu'enfin, s'agissant de la perte de chance qu'aurait eu Mme Y... d'être effectivement désignée comme bénéficiaire de cette assurance de prévoyance, la cour d'appel a souverainement apprécié la probabilité de cet événement ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Smith et Nephew reproche encore à la cour d'appel d'avoir écarté sa demande de garantie formée contre la CGIC et contre la société de courtage SECA alors que, d'une part, la juridiction se serait bornée à un motif d'ordre général, et alors que, d'autre part, le courtier aurait manqué à son devoir de conseil en ne l'interrogeant pas sur le point de savoir si l'adhérent ne souhaitait pas étendre la modification des bénéficiaires de l'assurance individuelle de groupe à l'assurance de prévoyance ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui n'a pas statué par un motif d'ordre général, a relevé que la CGIC n'avait eu aucun rôle d'intermédiaire et que le courtier n'avait jamais été informé du document reçu par le seul employeur en juin 1990 ; qu'enfin, ayant constaté cette absence d'information et le fait que la société de courtage avait seulement été avertie en décembre 1991 par la société Smith et Nephew de la décision de Patrick X... de modifier les bénéficiaires de la seule assurance individuelle accident, la cour d'appel a légalement justifié sa décision quant à l'absence de manquement de ce courtier à son devoir de conseil ;
Et attendu que le pourvoi présente un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.