CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'association FNDIR,
- l'association UNADIF,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 13 octobre 1994, qui dans la procédure suivie contre Alain X..., pour contestation de crimes contre l'humanité, a relaxé le prévenu et débouté les parties civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ;
" aux motifs propres et adoptés que selon le jugement, il apparaît que " le commandant du camp d'Auschwitz " de mai 1940 à décembre 1943 a évalué à 250 000 les victimes exterminées et à 500 000 celles mortes d'autres causes ;
" " qu'à la fin de l'année 1944, 400 000 juifs hongrois ont été tués ; que 110 000 autres ont été transférés de Roumanie aux fins d'extermination ; qu'Adolf Eichmann a estimé à 4 millions le nombre des juifs tués dans les camps et à 6 millions le nombre total des morts ;
" " considérant que le jugement du tribunal de Nuremberg n'a pas fixé le chiffre des victimes tuées à Auschwitz ; qu'il n'est pas prouvé que d'autres juridictions française ou internationale aient été plus précises ; 11e B 13/ 10/ 94 n° dossier 2939/ 94 ;
" " que le nombre de victimes a été à l'évidence énorme, sans qu'il soit possible de le déterminer " ;
" que le prévenu a retenu le seul premier chiffre d'un article historique, agissant ainsi avec mauvaise foi, mais que cette indication même très sensiblement inférieure ne saurait constituer la contestation de crime contre l'humanité, délit qui ne fait pas référence au nombre de victimes ;
" alors que, d'une part, l'existence de l'élément matériel constitutif du crime contre l'humanité ne dépend pas du chiffre des victimes qui ont été exterminées ; qu'il en va de même du délit de contestation de crime contre l'humanité, qui est constitué du seul fait que le prévenu en proclamant " Auschwitz 125 000 morts ! " a sciemment minimisé l'ampleur et le caractère massif des victimes exterminées au camp d'Auschwitz, dans le cadre d'une action concertée visant à détruire et à massacrer un peuple à raison de son appartenance à un groupe, en niant par là même l'existence d'un crime contre l'humanité perpétré à Auschwitz ;
" alors que, d'autre part, en s'abstenant d'examiner cette expression dans son contexte, à raison de la ponctuation dont elle était assortie, comme elle y avait été pourtant expressément invitée par les conclusions des parties civiles, qui faisaient valoir que celle-ci avait été utilisée pour montrer que les thèses défendues par le prévenu sur le mythe du massacre de six millions de juifs et des chambres à gaz triomphaient, la cour d'appel a privé de base légale sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si la contestation du nombre des victimes de la politique d'extermination dans un camp de concentration déterminé n'entre pas dans les prévisions de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, la minoration outrancière de ce nombre caractérise le délit de contestation de crimes contre l'humanité prévu et puni par ledit article, lorsqu'elle est faite de mauvaise foi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'Alain X... a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, sous la prévention de contestation de crimes contre l'humanité, pour avoir exposé aux regards du public, en novembre 1992, des affichette auto-collantes, de couleur verte, portant la mention " Auschwitz 125 000 morts ", et pour avoir publié, en décembre 1992, la même mention, dans un encart de couleur jaune, en première page du numéro 43 du mensuel Révision, dont il est directeur de la publication ;
Attendu que pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, l'arrêt confirmatif attaqué énonce notamment que la seule indication d'un nombre de victimes, même très inférieur aux évaluations les plus modérées, ne saurait constituer la contestation de crimes contre l'humanité prévue par la loi, celle-ci ne définissant ni directement, ni par les décisions des juridictions auxquelles elle fait référence, le nombre des victimes comme un élément constitutif de l'infraction ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, tout en relevant par ailleurs la mauvaise foi du prévenu, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte ci-dessus visé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 13 octobre 1994, mais seulement en ses dispositions concernant l'action civile des associations FNDIR et UNADIF, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.