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04/06/1996 | FRANCE | N°94-84405

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 1996, 94-84405


REJET du pourvoi formé par :
- X... Eddy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 28 juin 1994, qui l'a condamné, pour complicité d'ingérence, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 486, 510, 513, 591 et 592 du Code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour, composée de Mme Krieger-Bour, président, de MM. Pfister et Die

tenbeck, conseillers, en présence de Mlle Vervier, substitut général, assistée ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Eddy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 28 juin 1994, qui l'a condamné, pour complicité d'ingérence, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 486, 510, 513, 591 et 592 du Code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour, composée de Mme Krieger-Bour, président, de MM. Pfister et Dietenbeck, conseillers, en présence de Mlle Vervier, substitut général, assistée de Melle Bound, premier greffier, après avoir, à son audience publique du 24 mai 1994, sur rapport de M. Pfister, conseiller, accompli dans l'ordre légal des formalités prescrites par l'article 513 du Code de procédure pénale et avoir avisé les parties qu'un arrêt serait rendu le 28 juin 1994, a délibéré conformément à la loi et statué comme suit ;
" de sorte que ces énonciations, faisant état d'une constante présence du ministère public et du greffier aux côtés de la Cour, excluent toute certitude quant à l'observation du principe fondamental selon lequel ne peuvent participer au délibéré qu'exclusivement le président et ses conseillers et ne permettent donc pas à la chambre criminelle d'exercer son contrôle sur la régularité et la composition de la juridiction qui a rendu cette décision " ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué, reproduites au moyen, suffisent à établir que le président et les conseillers composant la cour d'appel ont délibéré de l'affaire, conformément à la loi, en l'absence du ministère public et du greffier ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 121-6, 121-7 et 432-12 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe de l'application immédiate de la loi pénale plus douce, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... Eddy coupable de complicité d'ingérence ;
" aux motifs que le délit d'ingérence reproché à Y... Jacques prévu et réprimé par l'article 175 de l'ancien Code pénal autorisait toutefois les maires dans les communes dont la population ne dépassait pas 1 500 habitants à passer des marchés avec les communes qu'il représentait sous réserve que le montant global desdits marchés passés dans l'année n'excèdent pas 75 000 francs et à condition que le maire s'abstienne d'assister et de participer à toute délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l'approbation de ces marchés ; que l'article 432-12 du nouveau Code pénal alinéa 2 a étendu aux communes de 3 500 habitants la possibilité pour les maires de traiter avec la commune dont ils sont élus et augmenté à 100 000 francs le montant annuel des marchés autorisés mais en maintenant dans l'alinéa 5 dudit article l'interdiction pour le maire de participer à la délibération du conseil municipal relative à l'approbation du contrat ; qu'en l'espèce, si la population de Marmoutier est inférieure à 3 500 habitants, il y a lieu de relever que la délibération du conseil municipal du 5 juillet 1990 qui a attribué à l'entreprise X... les travaux relatifs à l'école primaire de Marmoutier, chiffrés à 99 852, 62 francs TTC, s'est tenue sous la présidence de Y... Jacques ; qu'ainsi X... Eddy ne peut sur le fondement de ce dernier texte conclure que l'infraction qui lui est reprochée n'a pas d'existence légale ; qu'en effet, il est exclu du bénéfice de ces dispositions aux motifs que la délibération du conseil municipal du 5 juillet 1990 ne s'est pas tenue conformément aux prescriptions de l'alinéa 5 du même article ;
" alors que la prohibition générale édictée par l'article 432-12 du Code pénal ne s'appliquant pas aux communes ayant moins de 3 500 habitants dès lors que le montant des travaux annuel est inférieur à 100 000 francs et que la convention a été passée dans les formes prévues par le dernier alinéa de ce texte, il s'ensuit nécessairement que, dans ce contexte, le délit de prise illégale d'intérêts comme celui d'ingérence incriminé par l'article 175 ancien ne peut être retenu que si se trouvent cumulativement réunis ces 2 éléments tenant le premier à la taille de la commune et l'importance du marché, le second à la forme de passation de la convention, de sorte qu'en l'absence d'un de ces éléments, l'infraction n'est pas caractérisée ; que, dès lors, l'article 432-12 en ce qu'il a porté de 1 500 à 3 500 habitants l'effectif des communes pouvant ce prévaloir de cette dérogation et de 75 000 à 100 000 francs le montant des travaux pouvant être confiés au maire adjoint ou aux conseillers municipaux constitue nécessairement une disposition pénale plus douce devant par conséquent recevoir application immédiate aux poursuites en cours ; qu'il s'ensuit en l'espèce, l'effectif de la commune de Marmoutier étant inférieur à 3 500 habitants et le marché rétrocédé par sa société au maire de cette commune étant d'un montant de 99 852, 62 francs T. T. C., il en résultait en vertu de la modification des termes de l'incrimination que ce marché s'avérait licite et que, par conséquent, les 2 éléments nécessaires pour que puisse être retenu le délit de prise illégale d'intérêts dans le cadre d'une commune n'ayant pas 3 500 habitants ne se trouvaient pas réunis de sorte que la Cour, en décidant du contraire sur le seul fondement que cette convention n'aurait pas été autorisée dans les formes exigées tant par l'article 175 de l'ancien Code que par l'article 432-12 du nouveau Code, a méconnu le principe susvisé et privé sa décision de toute base légale ;
" et alors que, en toute hypothèse, l'arrêt attaqué, faute d'avoir constaté que le prévenu ait connu la participation du maire à la délibération du conseil municipal approuvant la conclusion du marché, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 121-7 du Code pénal " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, lors de la séance du conseil municipal de Marmoutier, présidée par son maire en exercice, Y... Jacques, le 5 juillet 1990, les travaux de rénovation de l'école primaire de cette commune ont été attribués à la société anonyme X..., selon un devis du 27 juin 1990 pour un montant total de 179 000 francs, comprenant la fourniture et la pose de pavés sur une surface de 443 m2 pour un montant de 99 852, 62 francs ; que X... Eddy a confié la réalisation des travaux aux ouvriers de la société à responsabilité limitée MFE dont Y... Jacques était gérant ; que la société X... a acquitté le prix de la fourniture des pavés, pour le compte de la société MFE, et a payé à celle-ci la facture correspondant au prix de la pose des pavés, avant de percevoir elle-même de la commune le prix de la totalité du marché de travaux ;
Attendu que, pour retenir à la charge de X... Eddy la complicité d'ingérence, par aide et assistance, sur le fondement des articles 175, 59 et 60 du Code pénal en vigueur avant le 1er mars 1994, la cour d'appel énonce notamment que le prévenu, en sa qualité de représentant légal de la société anonyme X..., à laquelle les travaux de rénovation de l'école primaire de Marmoutier avaient été officiellement attribués, a en connaissance de cause participé à l'intervention occulte de la SARL MFE gérée par Y... Jacques, dont il connaissait la qualité de maire, et facilité la sous-traitance à cette entreprise d'une partie de ces travaux dans des conditions irrégulières ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision au regard tant de l'article 175 ancien que de l'article 432-12 nouveau du Code pénal ;
Qu'en effet, la circonstance que le maire ait présidé une délibération du conseil municipal autorisant la conclusion d'un contrat dans lequel il prend un intérêt rend inapplicables les dispositions moins sévères relatives aux seuils de la prise d'intérêts prohibée au sens de l'article 432-12 précité ;
Qu'au surplus, si la prise d'intérêts du maire a été en l'espèce inférieure à 100 000 francs, le montant total du contrat, objet de la délibération, a été supérieur à cette somme ;
Qu'enfin, les juges ont caractérisé la participation du prévenu aux faits qui ont préparé l'infraction et qui l'ont consommée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-84405
Date de la décision : 04/06/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi pénale de fond - Loi plus douce - Rétroactivité - Ingérence de fonctionnaires - Prise d'intérêts - Seuils de tolérance.

1° INGERENCE DE FONCTIONNAIRES - Prise d'intérêts - Seuils de tolérance - Article du Code pénal - Application dans le temps.

1° Les dispositions de l'article 432-12 nouveau du Code pénal sont divisibles, de sorte que les dispositions moins sévères relatives aux seuils de tolérance de la prise d'intérêts sont applicables aux infractions commises avant leur entrée en vigueur (solution implicite).

2° INGERENCE DE FONCTIONNAIRES - Maire - Prise d'intérêts - Participation à la délibération du conseil municipal autorisant la conclusion d'un contrat - Effet - Exclusion des seuils de tolérance de prise d'intérêts.

2° MAIRE - Délit d'ingérence - Prise d'intérêts - Participation à la délibération du conseil municipal autorisant la conclusion d'un contrat - Effet - Exclusions des seuils de tolérance de prise d'intérêts.

2° La circonstance que le maire ait présidé une délibération du conseil municipal, autorisant la conclusion d'un contrat dans lequel il prend un intérêt, rend inapplicables les dispositions relatives aux seuils de tolérance de la prise d'intérêts au sens tant de l'article 175 ancien que de l'article 432-12 nouveau du Code pénal.

3° INGERENCE DE FONCTIONNAIRES - Maire - Prise d'intérêts - Seuil de la prise d'intérêts prohibée - Appréciation - Montant global du contrat.

3° MAIRE - Délit d'ingérence - Prise d'intérêts - Seuil de la prise d'intérêts prohibée - Appréciation - Montant global du contrat.

3° Le seuil de 100 000 francs prévu par l'article 432-12 nouveau du Code pénal s'apprécie par référence au montant global du contrat soumis à la délibération du conseil municipal, et non d'après le montant de la prise effective d'intérêts.


Références :

3° :
Code pénal 175
nouveau Code pénal 432-12

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 28 juin 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 1996, pourvoi n°94-84405, Bull. crim. criminel 1996 N° 231 p. 708
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 231 p. 708

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.84405
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