REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt n° 123/94 de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 février 1994, qui, dans l'information suivie contre lui, du chef de diffamation publique envers un particulier, a rejeté sa requête en nullité et ordonné le retour de la procédure au juge d'instruction.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 13 avril 1994, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 32 alinéa 1er, et 50 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 85, 86 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité de la plainte de M. Y... ;
" aux motifs que l'examen de la plainte montre que celle-ci, qui articule et qualifie les diffamations à raison desquelles la poursuite est intentée et indique les textes dont l'application est demandée, répond aux prescriptions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'une plainte initiale peut être complétée par les plaignants au cours de leur audition par le juge d'instruction avant que le magistrat n'ait communiqué ladite plainte au procureur de la République (arrêt attaqué p. 4, alinéas 3, 4) ;
" 1° alors qu'en matière de diffamation, le plaignant doit qualifier de manière précise les faits dénoncés et viser les textes de loi applicables, à peine de nullité de la plainte ; que deux plaintes concomitantes visant les mêmes faits sous deux qualifications différentes encourent la nullité ; qu'en l'espèce, M. Y... a déposé le même jour deux plaintes contre X... visant les mêmes termes de l'article paru dans le journal Z... du 1er mars 1993 mais sous la qualification pour l'une de diffamation envers un particulier et pour l'autre de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public ; qu'en énonçant que la première plainte était régulière, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que, selon les termes de la plainte qualifiant de diffamation envers un particulier, l'article litigieux mentionnait la qualité de conseiller général de M. Y... et la plainte indiquait que le but poursuivi était de le déconsidérer auprès des électeurs ; qu'en énonçant néanmoins que cette plainte était conforme aux prescriptions de l'article 50 de la loi de 1881, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal quotidien régional Z... a publié, dans son numéro daté du 1er mars 1993, un article annoncé en première page par le titre " Scandale du golf de Nice Y... et son épouse cités dans le nouveau développement judiciaire de la plainte du Conseil général " ; qu'en page intérieure, l'article, non signé, était titré : " La justice devra déterminer, au vu des éléments déposés vendredi auprès du doyen des juges d'instruction, les responsabilités du député et de sa femme dans le détournement d'une subvention de 750 000 francs " ; que l'article rendait compte de l'évolution d'une information suivie sur la plainte du Conseil général des Alpes-Maritimes, des chefs d'escroquerie, abus de confiance et soustraction de deniers publics, en énonçant notamment :
" Me Wagner, avocat de la partie civile, a déposé, vendredi dernier entre les mains du doyen des juges d'instruction de Nice, M. Jean-Pierre Renard, des documents comptables et statutaires mettant en cause le député des Alpes-Maritimes, Y..., candidat aux élections législatives dans la seconde circonscription et son épouse " ;
Qu'après avoir rappelé la " faillite " d'une société de sponsoring motocycliste A... dont Y... était associé, l'article imputait à ce dernier, devenu député et conseiller général des Alpes-Maritimes, d'être intervenu en février 1989 pour obtenir du bureau du Conseil général le vote d'une subvention demandée par l'association Golf de Nice, et perçue par une société à responsabilité du même nom, dont Mme Y... était titulaire de parts ;
Attendu qu'à raison de ces faits, commis pendant la campagne pour les élections législatives, Y... a porté plainte avec constitution de partie civile, le 28 mai 1993, contre X..., directeur de la publication du journal Z... ; que ladite plainte, enregistrée sous le numéro 49.622/93 du Parquet et 50/93 de l'instruction, tout en incriminant la totalité de l'article, a articulé les propos mettant en cause Y..., et les a qualifiés de diffamation publique envers " M. Y..., candidat à la députation ", en visant les articles 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, 42 et 44 de la loi du 29 juillet 1881 ; que cette plainte a été suivie d'un réquisitoire introductif, en date du 9 juillet 1993, articulant les faits, les qualifiant de diffamation, et visant les articles 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, 42 et 44 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que X... a présenté à la chambre d'accusation, le 23 novembre 1993, une requête en annulation, sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale, en excipant de la nullité de la plainte, et de la procédure subséquente, en raison d'une erreur de qualification, l'article 32 de la loi précitée ne pouvant être appliqué, selon lui, à des faits visant un candidat à la députation ;
Attendu que, pour rejeter la requête, la chambre d'accusation énonce que l'examen de la plainte montre que celle-ci, qui articule et qualifie les diffamations à raison desquelles la poursuite est intentée et indique les textes dont l'application est demandée, répond aux prescriptions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; que l'arrêt ajoute qu'il appartiendra à la juridiction de jugement d'apprécier si les allégations ou imputations de l'article incriminé ont porté atteinte à l'honneur ou à la considération " du particulier Y... " au sens des articles 29 et 32 de la loi précitée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation n'a pas encouru le grief de la seconde branche du moyen, dès lors qu'il n'appartient pas à la juridiction d'instruction d'apprécier le bien-fondé de la qualification retenue par l'acte initial de la poursuite ;
Attendu que le moyen de nullité pris de la concomitance de cet acte avec une seconde plainte déposée le même jour, incriminant les mêmes faits sous la qualification de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, n'a pas été soumis à la chambre d'accusation ; que, dès lors, en application des dispositions de l'article 174, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, le requérant, qui connaissait cette circonstance et qui n'a pas excipé de l'incertitude qu'elle aurait pu créer dans son esprit, n'est plus recevable à en faire état, notamment devant la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.