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14/02/1994 | FRANCE | N°93-81537

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 février 1994, 93-81537


REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Philippe,
- Y... François,
prévenus,
- la SA Chantiers Beneteau, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 26 novembre 1992 qui, dans les poursuites exercées contre Fernand Z..., Philippe X... et François Y..., a condamné le premier, pour banqueroute, les deux autres pour complicité de banqueroute, à 18 mois d'emprisonnement et 30 000 francs d'amende chacun et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile des Chantiers Beneteau.
LA COUR, r>Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits e...

REJET et CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Philippe,
- Y... François,
prévenus,
- la SA Chantiers Beneteau, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 26 novembre 1992 qui, dans les poursuites exercées contre Fernand Z..., Philippe X... et François Y..., a condamné le premier, pour banqueroute, les deux autres pour complicité de banqueroute, à 18 mois d'emprisonnement et 30 000 francs d'amende chacun et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile des Chantiers Beneteau.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I. Sur les pourvois de Philippe X... et de François Y... :
(sans intérêt) ;
II. Sur le pourvoi de la SA Chantiers Beneteau :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 47, 50 et 211 de la loi du 25 janvier 1985, des articles 2, 3, 86, 87, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la SA Chantiers Beneteau ;
" aux motifs " que l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture ;
"... que l'article 50 de cette même loi précise que tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture doivent se soumettre à la procédure de vérification des créances ;
"... qu'il existe une corrélation entre la règle de la suspension des poursuites et la procédure de vérification des créances ;
"... que la victime d'une infraction ne peut pas poursuivre l'action civile devant la juridiction pénale afin d'obtenir la condamnation de son débiteur à des dommages-intérêts ; qu'elle doit se soumettre à la règle et à la procédure ci-dessus rappelées ;
"... que l'article 211 de la loi du 25 janvier 1985 n'ouvre pas à une partie civile la possibilité de saisir la juridiction répressive " ;
" alors que la victime d'une infraction est recevable à se constituer partie civile dans les poursuites intentées contre son débiteur du chef de banqueroute, dès l'instant que celui-ci n'est pas soumis personnellement à la procédure collective atteignant la société ; qu'en l'espèce, en considérant que la SA Chantier Beneteau devait se soumettre aux règles de vérification des créances, alors même que la procédure collective de la SARL Bleu Marine n'avait pas été étendue à ses dirigeants condamnés personnellement des chefs de banqueroute et de complicité de banqueroute, en sorte que ce trait commun retrouvait toute son application, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la SA Chantiers Beneteau ;
" aux motifs que le préjudice allégué par la SA Chantiers Beneteau n'est ni personnel, ni exclusif ; que non seulement de nombreux créanciers sont dans son cas mais encore que la situation de dépendance de Bleu Marine, vis-à-vis de Beneteau, est surabondamment démontrée par le rapport des experts qui ont notamment annexé une lettre d'un syndic à la liquidation des biens d'une société Aude Yachting, lequel écrit " cette opération (...) démontre l'influence prépondérante, sinon l'immixtion de Beneteau dans la direction commerciale et financière de ses concessionnaires Aude Yachting et Bleu Marine à qui elle a dicté ses ordres " ;
" alors que, d'une part, dans le cadre d'une procédure collective, l'existence d'un intérêt propre d'un créancier, victime d'une banqueroute des prévenus, détermine son droit aux dommages-intérêts ; que cet intérêt particulier est caractérisé dès l'instant qu'il y a détournement par le débiteur d'une partie de son actif ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher si la demanderesse avait subi un préjudice spécifique du fait de la condamnation des prévenus pour banqueroute et complicité de banqueroute, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, la demanderesse faisait valoir dans des conclusions régulièrement déposées que c'était le faux bilan dressé le 31 septembre destiné à masquer la situation largement déficitaire de la société Bleu Marine qui avait permis aux prévenus d'obtenir de la société Chantier Beneteau diverses prorogations d'échéances qu'elle n'aurait jamais accordées si elle avait connu la véritable situation de son concessionnaire déclarée en cessation de paiement depuis le 1er décembre 1981 et que cette stratégie, qui masquait les détournements opérés par le gérant et les associés, avait été reconnue par Z... lui-même ; qu'en s'abstenant néanmoins de répondre à ces conclusions déterminantes qui démontraient que le préjudice particulier de la demanderesse résultait de l'usage frauduleux d'une comptabilité fictive par les prévenus à son détriment, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, si en cas de poursuites pour banqueroute, le créancier ne peut obtenir devant la juridiction répressive le montant de sa créance, il conserve le droit de demander réparation du préjudice particulier résultant de l'infraction à toutes les personnes étrangères à la procédure collective ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société anonyme les Chantiers Beneteau s'est constituée partie civile contre Fernand Z..., gérant de la SARL Bleu Marine, déclaré coupable de banqueroute par tenue d'une comptabilité fictive et par détournement d'actif et contre Philippe X... et François Y... déclarés complices de Fernand Z... ;
Attendu que, pour dire irrecevable la constitution de partie civile des Chantiers Beneteau, la cour d'appel relève que les dispositions des articles 47, 50 et 211 de la loi du 25 janvier 1985 interdisent aux créanciers, soumis à la procédure de vérification des créances, de porter leur action devant la juridiction répressive ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'action de la partie civile était dirigée contre des prévenus qui ne faisaient pas eux-mêmes l'objet d'une procédure collective, la cour d'appel a méconnu le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur les pourvois de Philippe X... et de François Y... :
Les REJETTE ;
II. Sur le pourvoi de la SA Chantiers Beneteau :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 novembre 1992, en ses dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-81537
Date de la décision : 14/02/1994
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Recevabilité - Banqueroute - Action d'un créancier - Action dirigée contre une personne non soumise à une procédure collective.

BANQUEROUTE - Action civile - Action d'un créancier - Recevabilité - Action dirigée contre une personne non soumise à une procédure collective

SOCIETE - Société en général - Banqueroute - Action civile - Action d'un créancier - Recevabilité - Action dirigée contre une personne non soumise à une procédure collective

En cas de poursuites pour banqueroute, le créancier ne peut obtenir devant la juridiction répressive le montant de sa créance mais il conserve le droit de demander à toute personne étrangère à la procédure collective réparation du préjudice particulier résultant de l'infraction. (1).


Références :

Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 47, art. 50, art. 211

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 novembre 1992

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1980-06-16, Bulletin criminel 1980, n° 189, p. 490 (rejet), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1981-06-10, Bulletin criminel 1981, n° 193, p. 522 (cassation), et les arrêts cités ;

Chambre criminelle, 1988-03-22, Bulletin criminel 1988, n° 140, p. 363 (cassation partielle sans renvoi) ;

Chambre criminelle, 1993-10-11, Bulletin criminel 1993, n° 283 (1), p. 713 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 fév. 1994, pourvoi n°93-81537, Bull. crim. criminel 1994 N° 63 p. 132
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1994 N° 63 p. 132

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tacchella, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Monestié.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Hecquard.
Avocat(s) : Avocats : MM. Choucroy, Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.81537
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