Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 20 avril 1989, M. Roger Y... a assigné sa soeur, Mme A..., en liquidation-partage de la succession de leurs parents, les époux Z..., agriculteurs de leur vivant ; que, le même jour, Mme X..., épouse de M. Roger Y..., a assigné les deux cohéritiers en paiement solidaire de la créance de salaire différé par elle invoquée ; que l'arrêt attaqué (Amiens, 12 janvier 1993), a ordonné la liquidation-partage tant de la communauté ayant existé entre les époux Z... que de leurs successions respectives, mais a débouté Mme X... de sa demande en paiement d'un salaire différé ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 65 du décret modifié du 29 juillet 1939, si le descendant d'un exploitant agricole est marié et si son conjoint participe également à l'exploitation dans les conditions mentionnées à l'article 63, chacun des époux sera réputé légalement bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé au taux fixé au deuxième alinéa dudit article 63 ; qu'il suffit donc, pour que le droit au salaire différé existe au profit du conjoint, que le conjoint descendant ait travaillé dans l'exploitation familiale sans être associé aux bénéfices ni aux pertes, et sans recevoir de salaire en argent en contrepartie de sa collaboration ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme X... a effectivement travaillé dans l'exploitation familiale de 1955 à 1973, sans recevoir aucune rémunération ; que son époux a également à l'époque commencé à être aide familial avant de devenir salarié ; qu'en conséquence, les conditions permettant à Mme X... de bénéficier d'un contrat de travail à salaire différé étaient remplies ; qu'en jugeant cependant, que cette dernière n'avait pas vocation à recevoir un salaire différé, du seul fait que son époux, M. Roger Y... avait cessé le 30 juin 1955 d'être aide familial pour devenir salarié, bien que Mme X... eût continué à travailler dans l'exploitation familiale dans les mêmes conditions, c'est-à-dire sans aucune rémunération, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 63 et 65 du décret modifié du 29 juillet 1939 ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 65 de ce décret que le descendant marié d'un agriculteur doit participer à l'exploitation familiale, pour que son conjoint puisse prétendre également au bénéfice d'un salaire différé ;
Qu'il s'ensuit que, pris en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur la seconde branche du même moyen :
Vu l'article 1371 du Code civil, ensemble les principes régissant l'enrichissement sans cause ;
Attendu que si le conjoint du descendant d'un exploitant agricole n'est pas titulaire d'un droit propre pour prétendre à une créance de salaire différé, l'article 65 du décret modifié du 29 juillet 1939 n'a pu avoir pour objet de l'exclure du bénéfice de toute indemnisation ; qu'il s'ensuit que l'action de in rem verso lui demeure ouverte, faute pour ce conjoint de disposer d'une autre action ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande, l'arrêt attaqué énonce que l'obstacle de droit au paiement d'un salaire différé à son profit, obstacle résultant de la perte par son mari de sa qualité d'aide familial, ne saurait être tourné par le biais de l'action de in rem verso ;
En quoi la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.