La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/1994 | FRANCE | N°92-11843

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 mars 1994, 92-11843


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., en tant que mandataire à la liquidation judiciaire de la société Bar, a réclamé à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Cantal (la caisse) restitution des intérêts perçus sur ses comptes au-delà du taux légal, dès lors que le taux effectif global n'avait pas été mentionné dans la convention de prêt, ni dans les bordereaux d'escompte, et qu'en tout cas, l'incidence des dates de valeur n'avait pas été appréciée pour déterminer le taux des crédits ; qu'en outre, il a prétendu que la responsabilité de la caisse ét

ait engagée parce que la pratique des taux abusifs avait contribué à la ruin...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., en tant que mandataire à la liquidation judiciaire de la société Bar, a réclamé à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Cantal (la caisse) restitution des intérêts perçus sur ses comptes au-delà du taux légal, dès lors que le taux effectif global n'avait pas été mentionné dans la convention de prêt, ni dans les bordereaux d'escompte, et qu'en tout cas, l'incidence des dates de valeur n'avait pas été appréciée pour déterminer le taux des crédits ; qu'en outre, il a prétendu que la responsabilité de la caisse était engagée parce que la pratique des taux abusifs avait contribué à la ruine de la société ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir retenu que la stipulation d'intérêt conventionnel, qui n'a pas donné lieu à un écrit, est affectée d'une nullité relative, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il s'agit d'une nullité absolue et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1907 du Code civil et 4 de la loi du 28 décembre 1966 ;

Mais attendu que les dispositions d'ordre public de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 ayant été, comme celles de l'article 1906 du Code civil, édictées dans le seul intérêt de l'emprunteur, leur méconnaissance est sanctionnée par la nullité relative de la reconnaissance de l'obligation de payer des intérêts conventionnels ; que l'action en nullité s'éteint si elle n'a pas été exercée pendant 5 ans à compter de cette reconnaissance ; que celle-ci peut résulter de la réception sans protestation ni réserve des relevés de comptes par l'emprunteur ; qu'en se prononçant en ce sens, la cour d'appel a fait une exacte application de la loi ; que, dès lors, en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. X... fait également grief à l'arrêt de l'avoir débouté de son action en responsabilité engagée contre la caisse, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le banquier qui fournit à un de ses clients des moyens de crédit d'un coût excessif par rapport à ses facultés objectives commet une faute ; qu'en énonçant que cette faute n'a lieu que si la situation du client est irrémédiablement compromise, la cour d'appel, qui concède que les conditions du crédit consenti à la société Bar " étaient lourdes ou, même, trop lourdes à supporter ", a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que chacun de ceux qui ont concouru à causer un entier dommage est tenu de le réparer en totalité ; qu'en relevant, pour écarter l'action de M. X..., qu'il appartenait à la société Bar de prendre les mesures qui auraient permis de réduire le coût du crédit auquel elle avait recours, sans justifier que la faute de la société Bar a été la cause exclusive du dommage causé à ses créanciers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les frais financiers imposés par la caisse n'étaient pas plus onéreux que ceux pratiqués par les autres établissements de crédit, auxquels recourait la société Bar concurrentiellement, et qui auraient été disposés à se substituer à la caisse, et qu'à l'ouverture du redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire avait demandé à bénéficier des mêmes conditions et fait apparaître que les frais litigieux n'étaient pas insupportables pour l'équilibre de la trésorerie de la société, ni incompatibles pour elle avec toute rentabilité ; que la cour d'appel a, dès lors, pu dénier que la caisse ait eu une politique de crédits ruineux pour la société, puis préciser que les financements accordés n'auraient été, dès lors, abusifs que s'ils avaient été accordés à un client en situation irrémédiablement compromise et que la réduction des charges financières pesant sur la société Bar relevait de l'initiative de ses dirigeants ;

D'où il suit qu'en ses deux premières branches, le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1338 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que la nullité relative affectant les actes non conformes aux dispositions de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 peut être couverte par l'acceptation ultérieure, réalisée, en l'espèce, par le silence gardé par l'emprunteur sur les conditions énoncées dans les bordereaux d'escompte ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1131 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes, l'arrêt retient que la pratique des dates de valeur suivie par la caisse n'apparaît pas différente de ce que les usages bancaires autorisent, de telle sorte que les frais financiers n'en sont pas affectés de façon significative ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les opérations litigieuses, autres que les remises de chèques en vue de leur encaissement, n'impliquaient pas que, même pour le calcul du montant des intérêts, les dates de crédit ou de débit soient différées ou avancées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt a rejeté les demandes, sans répondre aux conclusions par lesquelles M. X... soutenait que la caisse avait engagé sa responsabilité en payant des chèques non signés ou revêtus d'une fausse signature et en en imputant les montants au débit du compte de la société Bar ; que la cour d'appel a ainsi méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa première branche :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-11843
Date de la décision : 29/03/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° PRET - Prêt d'argent - Intérêts - Taux - Taux effectif global (loi du 28 décembre 1966) - Article 4 - Fondement - Intérêt exclusif de l'emprunteur.

1° PRET - Prêt d'argent - Intérêts - Taux - Taux effectif global (loi du 28 décembre 1966) - Article 4 - Méconnaissance - Effets - Nullité relative de la reconnaissance de l'obligation de payer des intérêts conventionnels 1° INTERETS - Intérêts conventionnels - Taux - Taux effectif global (loi du 28 décembre 1966) - Article 4 - Méconnaissance - Effets - Nullité relative de la reconnaissance de l'obligation de payer des intérêts 1° INTERETS - Intérêts conventionnels - Taux - Taux effectif global (loi du 28 décembre 1966) - Article 4 - Fondement - Intérêt exclusif de l'emprunteur.

1° Les dispositions d'ordre public de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 ayant été, comme celles de l'article 1907 du Code civil, édictées dans le seul intérêt de l'emprunteur, leur méconnaissance est sanctionnée par la nullité relative de la reconnaissance de l'obligation de payer des intérêts conventionnels.

2° INTERETS - Intérêts conventionnels - Nullité - Action en nullité - Prescription - Prescription quinquennale - Point de départ - Date de la reconnaissance de l'obligation.

2° PRESCRIPTION CIVILE - Applications diverses - Prescription quinquennale - Article 1304 - alinéa 1er - du Code civil - Intérêts - Intérêts conventionnels - Reconnaissance de l'obligation de les payer - Nullité - Action en nullité - Point de départ - Date de la reconnaissance 2° PRET - Prêt d'argent - Intérêts - Taux - Taux conventionnel - Nullité de la reconnaissance de l'obligation de payer les intérêts - Action en nullité - Prescription - Prescription quinquennale - Point de départ - Date de la reconnaissance 2° INTERETS - Intérêts conventionnels - Stipulation d'intérêts - Absence d'écrit - Défaut de protestation au reçu des relevés de compte - Effets - Reconnaissance de l'obligation de payer les intérêts - Possibilité 2° PRET - Prêt d'argent - Intérêts - Taux - Taux conventionnel - Absence d'écrit - Défaut de protestation au reçu des relevés de compte - Effets - Reconnaissance de l'obligation de payer les intérêts - Possibilité.

2° L'action en nullité de la reconnaissance de l'obligation de payer des intérêts conventionnels s'éteint si elle n'a pas été exercée pendant 5 ans à compter de cette reconnaissance ; celle-ci peut résulter de la réception sans protestation ni réserve des relevés de comptes par l'emprunteur.

3° BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Maintien du crédit - Entreprise en difficulté - Situation irrémédiablement compromise - Nécessité.

3° Ayant relevé que les frais financiers imposés par une banque n'étaient pas plus onéreux que ceux pratiqués par les autres établissements de crédit auxquels recourait une société concurrentiellement et qui auraient été disposés à se substituer à la banque, et qu'à l'ouverture du redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire avait demandé à bénéficier des mêmes conditions et fait apparaître que les frais litigieux n'étaient pas insupportables pour l'équilibre de la trésorerie de la société, ni incompatibles pour elle avec toute rentabilité, une cour d'appel a pu dès lors dénier que la banque ait eu une politique de crédits ruineux pour la société, puis préciser que les financements accordés n'auraient été, dès lors, abusifs que s'ils avaient été accordés à un client en situation irrémédiablement compromise et que la réduction des charges financières pesant sur la société relevait de l'initiative de ses dirigeants.

4° CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Confirmation - Validité - Conditions - Double condition de l'article 1338 du Code civil - Caractère cumulatif.

4° INTERETS - Intérêts conventionnels - Taux - Taux effectif global (loi du 28 décembre 1966) - Article 4 - Nullité relative - Exclusion - Confirmation - Silence de l'emprunteur (non) 4° PRET - Prêt d'argent - Intérêts - Taux - Taux effectif global (loi du 28 décembre 1966) - Article 4 - Nullité relative - Exclusion - Confirmation - Silence de l'emprunteur (non).

4° La confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer. Viole dès lors, l'article 1338 du Code civil une cour d'appel qui, pour rejeter une demande en restitution des intérêts perçus sur les comptes bancaires d'une société par une banque au-delà du taux légal, retient que la nullité relative affectant les actes non conformes aux dispositions de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 peut être couverte par l'acceptation ultérieure, réalisée par le silence gardé par l'emprunteur sur les conditions énoncées dans les bordereaux d'escompte.

5° COMPTE COURANT - Solde débiteur - Intérêts - Calcul - Application des " dates de valeur " - Conditions - Remise de chèques en vue de leur encaissement.

5° COMPTE COURANT - Solde débiteur - Intérêts - Calcul - Dates de valeur - Nullité - Exclusion - Remises de chèques en vue de leur encaissement 5° BANQUE - Compte courant - Solde débiteur - Entrée en compte des opérations - Dates de valeur - Conditions - Remise de chèques en vue de leur encaissement 5° BANQUE - Compte courant - Solde débiteur - Entrée en compte des opérations - Opérations autres que les remises de chèques en vue de leur encaissement - Entrée en compte immédiate.

5° Viole l'article 1131 du Code civil la Cour d'appel qui, pour rejeter une demande en restitution d'intérêts perçus par une banque sur les comptes d'une société, retient que la pratique des dates de valeur suivie par la banque n'apparaît pas différente de ce que les usages bancaires autorisent, de telle sorte que les frais financiers n'en sont pas affectés de façon significative alors que les opérations litigieuses, autres que les remises de chèques en vue de leur encaissement, n'impliquaient pas que, même pour le calcul du montant des intérêts, les dates de crédit ou de débit soient différées ou avancées.


Références :

2° :
4° :
4° :
5° :
Code civil 1131
Code civil 1304 al. 1
Code civil 1338
Loi 66-1008 du 28 décembre 1966 art. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 06 novembre 1991

DANS LE MEME SENS : (1°). Chambre civile 1, 1992-01-21, Bulletin 1992, I, n° 22 (1), p. 14 (rejet). DANS LE MEME SENS : (4°). Chambre civile 1, 1981-02-11, Bulletin 1981, I, n° 53 (2), p. 42 (rejet), et les arrêts cités. DANS LE MEME SENS : (5°). Chambre commerciale, 1993-04-06, Bulletin 1993, IV, n° 138, p. 94 (cassation partielle). A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1992-01-21, Bulletin 1992, I, n° 22 (2), p. 14 (rejet). A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1983-01-19, Bulletin 1983, IV, n° 22, p. 18 (rejet)

arrêt cité ; Chambre commerciale, 1983-05-02, Bulletin 1983, IV, n° 127 (1), p. 109 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 mar. 1994, pourvoi n°92-11843, Bull. civ. 1994 IV N° 134 p. 104
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 134 p. 104

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Leclercq.
Avocat(s) : Avocats : M. Capron, la SCP Defrénois et Levis.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.11843
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award