Sur la troisième branche du moyen unique, qui est préalable :
Attendu que par lettre du 11 mars 1986, l'Union des syndicats sédentaires CFDT-FGTE a notifié, en application de l'article L. 412-12, alinéa 3, du Code du travail, aux sociétés Thoresen Car Ferries Ltd, Normandy Car Ferries (France), Townsend Car Ferries Ltd et Voyages Townsend Thoresen la désignation de M. X..., délégué syndical de l'agence de Boulogne-sur-Mer de la société Townsend Car Ferries, en qualité de délégué syndical central d'entreprise au sein de l'unité économique et sociale alléguée entre les agences Townsend Car Ferries Ltd de Boulogne-sur-Mer, Calais et Paris, les agences Thoresen Car Ferries Ltd de Cherbourg et du Havre, l'agence Voyages Townsend Thoresen de Paris et la société Normandy Ferries du Havre ;
Attendu qu'il est reproché au jugement attaqué d'avoir reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés concernées, alors que les dispositions législatives et réglementaires françaises relatives aux institutions représentatives du personnel sont des lois de police inapplicables aux sociétés qui n'ont pas leur siège social en France et insusceptibles d'adaptation ; qu'ainsi, en prenant en considération la circonstance que les sociétés et succursales françaises, qu'il déclarait constituer une unité économique et sociale, dépendaient d'une société holding ayant son siège en Grande-Bretagne, analyse qui impliquait que certaines conséquences de la reconnaissance d'une telle unité pouvaient être tirées à l'étranger, le tribunal a conféré un effet extraterritorial aux dispositions françaises et a violé les articles 3 du Code civil et L. 412-12 du Code du travail ;
Mais attendu que les lois relatives à la représentation des salariés et à la défense de leurs droits et intérêts sont des lois de police s'imposant à toutes les entreprises et organismes assimilés qui exercent leur activité en France et qui sont dès lors tenus de mettre en place les institutions qu'elles prévoient à tous les niveaux des secteurs de production situés sur le territoire national ; que ces institutions remplissent l'ensemble des attributions définies par la loi, à la seule exception de celles qui seraient incompatibles avec la présence à l'étranger du siège social, mais que rien ne s'oppose à ce que le délégué syndical central d'une entreprise étrangère possédant en France des agences ait pour interlocuteur le chef d'entreprise ou son représentant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;
Mais sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article L. 412-12 du Code du travail ;
Attendu que pour décider que les quatre sociétés concernées constituaient une unité économique et sociale, le jugement a retenu qu'elles dépendaient toutes quatre de la même société holding et étaient en conséquence liées par la même stratégie commerciale et financière ;
Attendu cependant que ces constatations, relatives au pouvoir de coordination auquel était subordonnée leur politique financière et commerciale, ne pouvaient caractériser, au sein de l'ensemble formé par les seules sociétés concernées, la concentration entre les mêmes mains du pouvoir de direction, élément constitutif, avec l'identité ou la complémentarité des activités et la communauté des travailleurs, de l'unité économique et sociale ;
Qu'ainsi, le tribunal d'instance n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE le jugement rendu le 23 septembre 1986, entre les parties, par le tribunal d'instance du Havre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Pont-Audemer