Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société civile immobilière " Le Clos des peintres " (la SCI) a été constituée en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier et que la Société d'études et de réalisation d'ensembles sociaux (SERES) a été désignée en qualité de gérant ; que l'implantation des bâtiments s'étant avérée en infraction au permis de construire, les travaux ont dû être interrompus jusqu'à l'obtention d'un nouveau permis de construire, lequel a autorisé la construction d'un nombre de logements inférieur à celui prévu initialement ; qu'imputant ces circonstances à faute du gérant, deux associées de la SCI, la Compagnie Européenne de Banque (CEDI) et la Compagnie financière pour l'investissement immobilier (COFINVIM) l'ont assigné en réparation de leur préjudice ; que l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef a retenu que les deux sociétés associées exerçaient une action individuelle en réparation du préjudice personnel qu'elles avaient subi du fait des agissements fautifs du gérant de la SCI, et accueilli la demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches tel qu'il figure au mémoire ampliatif et est reproduit en annexe :
Attendu que ce moyen, en sa première branche, conteste l'existence d'un préjudice personnel, distinct du préjudice social, subi par la CEDI et la COFINVIM, en sa seconde branche, invoque l'absence de qualité d'un associé pour exercer l'action sociale en responsabilité contre le gérant ; en sa troisième branche reproche à la cour d'appel de n'avoir pas recherché la portée et l'étendue des quitus donnés à la SERES par l'assemblée des associés de la SCI ;
Mais attendu, d'abord, que le jugement du tribunal de grande instance, confirmé en cela par l'arrêt attaqué, avait écarté le moyen de la SERES invoquant l'irrecevabilité de l'action de la CEDI et de la COFINVIM en relevant que ces dernières pouvaient exercer une action individuelle en réparation de leur préjudice personnel et qu'il a retenu l'existence d'un tel préjudice ; qu'en cause d'appel, la SERES n'a pas critiqué dans ses conclusions déposées le 4 mai 1983 et le 28 février 1984 ces appréciations du premier juge ; qu'ainsi la SERES est irrecevable à contester pour la première fois devant la Cour de Cassation l'existence d'un préjudice personnel ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a expressément précisé qu'elle ne statuait pas sur le fondement de l'action sociale ut singuli d'un associé ;
Attendu, enfin, que la juridiction du second degré a décidé à bon droit qu'un quitus donné au gérant par les associés réunis en assemblée n'avait d'effet que dans les rapports du gérant avec la société et ne pouvait faire obstacle à l'exercice d'une action en réparation du préjudice personnel subi par des associés ;
Que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SERES responsable envers la CEDI et la COFINVIM, alors que, d'une part, le préjudice ne serait pas déterminé ; alors que, de deuxième part, les motifs de cette décision ne permettraient pas de connaître la nature de la faute imputée à la SERES, et alors que, enfin, ces imprécisions ne mettraient pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient, d'une part, que la société SERES avait, de sa propre initiative, fait exécuter des travaux de construction non conformes aux prescriptions du permis de construire sans avoir préalablement obtenu une modification de celui-ci et d'autre part, que l'interruption du chantier pendant deux ans ainsi que la réduction du programme immobilier qui s'en était suivie avaient entraîné un préjudice financier pour les sociétés CEDI et COFINVIM, détentrices de 40 % des parts sociales ; que par ces motifs, qui caractérisent à la fois la faute délictuelle commise par la société gérante ainsi que la nature du dommage qui en est résulté pour chacune des deux personnes morales associées de la SCI, les juges du fond ont justement admis, dans son principe, la responsabilité qui incombait à la SERES à l'égard des associés, l'expertise ordonnée ayant pour seul objet de déterminer l'étendue du préjudice ; que l'arrêt est ainsi légalement justifié ;
Rejette les deux premiers moyens ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 113-1 du Code des assurances ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, d'une part, que les pertes et dommages occasionnés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, d'autre part, que les exclusions de garantie contenues dans une police d'assurance ne sont valables que si elles sont formelles et limitées ;
Attendu que la SERES avait contracté auprès de l'Union des Assurances de Paris (UAP) une police " responsabilité civile promoteur de construction ", mais que cet assureur a refusé sa garantie en invoquant l'application d'une clause de cette police excluant de la garantie les conséquences pécuniaires de la responsabilité de l'assuré du fait " d'opérations délibérément entreprises ou exécutées en infraction avec des textes réglementaires régissant les opérations de construction " ; que la cour d'appel, infirmant de ce chef le jugement du tribunal, a estimé que la SERES avait délibérément entrepris et commencé d'exécuter une construction sans respecter le permis de construire et commis ainsi une infraction, de sorte que l'UAP était fondée à décliner sa garantie ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en l'absence de faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, laquelle suppose qu'il ait voulu non seulement l'action ou l'omission génératrice du dommage, mais encore le dommage lui-même, et alors que la clause litigieuse n'était pas suffisamment limitée pour que l'assuré puisse connaître exactement l'étendue de sa garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne l'obligation de garantie de l'Union des Assurances de Paris, l'arrêt rendu le 6 juin 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy