Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 1982) que M. René Estournet, président de la société anonyme Estournet Frères Transports (la société) de 1970 au 9 octobre 1975, date de son décès, était tenu, comme représentant de la société, de s'affilier, comme salarié de celle-ci, à la Caisse de retraite par répartition des ingénieurs, cadres et assimilés (la Caisse) ; que M. René Estournet s'abstint de procéder à cette affiliation ; que la Caisse, par une demande introduite le 21 mai 1979, réclama à la société lé paiement des cotisations dues pour la période susvisée, tandis que la société imputant à M. René Estournet la faute de ne s'être pas affilié à la Caisse, demandait la condamnation des héritiers de M. René Estournet au paiement de dommages-intérêts ; que M. X..., administrateur de la succession, faisant valoir que la demande de la société avait été introduite le 14 février 1980 et que le non-paiement des cotisations à la Caisse, constituait un fait dommageable pour la société nécessairement connu par elle au plus tard le troisième trimestre de 1975, époque du décès de M. René Estournet, soutint que l'action en responsabilité dirigée contre la succession de ce dernier était éteinte par la prescription triennale prévue par l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir écarté cette prétention au motif que la société "n'avait eu connaissance de l'existence du fait dommageable que lors de sa révélation par la mise en demeure de la Caisse, le 2 avril 1979", alors, selon le pourvoi, d'une part, que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité des administrateurs n'est fixé à la date de révélation du fait litigieux que si celui-ci a été dissimulé à la société ; que, dès lors, la cassation est encourue pour la violation de l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966, alors, d'autre part, qu'en tout cas, les juges devaient rechercher si le fait dommageable allégué avait été dissimulé ; qu'une telle recherche s'imposait d'autant plus que l'obligation d'affilier les employés aux régimes obligatoires de retraite et de Sécurité sociale incombe à l'employeur, c'est-à-dire à la personne morale lorsqu'il s'agit d'une société, et qu'en conséquence, ainsi que le faisait valoir M. X..., es qualités, dans ses conclusions, la société Estournet, était la première à savoir si son président était affilié à la Caisse et si les cotisations étaient réglées ; que faute d'avoir procédé à cette recherche, la Cour d'appel a omis de donner une base légale à sa décision qui encourt la cassation au vu de l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu que la Cour d'appel, en faisant ressortir que M. René Estournet était le seul à savoir qu'il ne s'était pas affilié à la Caisse et qu'ainsi, la société n'avait pu connaître cette situation qu'à la date à laquelle elle avait été révélée par la réclamation de la caisse, a procédé à la recherche invoquée ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir ordonné une mesure d'expertise "en vue de rechercher les éléments permettant de déterminer la nature et l'importance du préjudice allégué par la société", aux motifs, selon le pourvoi, que les parties ne fournissent aucune justification à l'appui de leurs prétentions respectives et que la Cour d'appel ne dispose pas dès lors d'éléments d'appréciation suffisants pour déterminer si la somme réclamée par la société aux ayants droit de René Estournet, à titre de dommages-intérêts, est de nature à réparer le préjudice causé par le comportement de ce dernier, alors qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve que la Cour d'appel, qui constate la carence totale de la société dans la preuve qui lui incombait, de l'existence et de l'importance du préjudice dont elle demandait la réparation ne pouvait ordonner une expertise suppléant cette carence ; que l'arrêt attaqué a violé l'article 146 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la Cour d'appel, qui n'a pas constaté la carence de la société dans l'administration de la preuve, n'a fait qu'apprécier souverainement l'opportunité de la mesure qu'elle a ordonnée ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 23 février 1982 par la Cour d'appel de Paris.