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05/07/2021 | FRANCE | N°451174

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 05 juillet 2021, 451174


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Me C... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande tenant à l'abrogation du décret n° 47-817 du 9 mai 1947 relatif aux droits et émoluments des avocats postulants des départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle, de renvoyer au Conseil constitutionnel la

question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Cons...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Me C... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté sa demande tenant à l'abrogation du décret n° 47-817 du 9 mai 1947 relatif aux droits et émoluments des avocats postulants des départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin et de la Moselle, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de l'article 51 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et de l'article 80 de la même loi du 31 décembre 1971, ainsi que de l'article 8 de la loi du 20 février 1922 sur l'exercice de la profession d'avocat et la discipline du Barreau en Alsace et Lorraine.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule, son article 34 et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi du 20 février 1922 ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, notamment son article 10, dans sa rédaction issue de l'article 51 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, et son article 80 ;

- le décret n° 47-817 du 9 mai 1947 ;

- la décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. D'une part, aux termes des deux premiers alinéas de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans leur rédaction issue du 6° du I de l'article 51 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. / Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés ". Aux termes de l'article 80 de la même loi du 31 décembre 1971 : " La présente loi sera applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à l'exception du chapitre V de son titre Ier, et sous réserve du maintien des règles de procédure civile et d'organisation judiciaire locales. " D'autre part, l'article 8 de la loi du 20 février 1922 sur l'exercice de la profession d'avocat et la discipline du Barreau en Alsace et Lorraine dispose que : " Devant les tribunaux des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les avocats inscrits au tableau près ces tribunaux sont admis à représenter les parties, à postuler, à conclure, et, d'une manière générale, faire tous les actes de procédure. Ils exerceront ce droit de représentation dans les conditions prévues par les lois locales dont les dispositions en cette matière sont maintenues en vigueur (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que si le législateur a, par le 6° du I de l'article 51 la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, remplacé le principe d'un encadrement des honoraires de postulation qui résultait du premier alinéa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 par leur fixation libre au travers de la conclusion d'un accord entre l'avocat et son client, il n'a pas rendu applicable ce nouveau dispositif dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle pour lesquels, en vertu du renvoi auquel procède l'article 80 de la loi du 31 décembre 1971, demeure le principe de la tarification des honoraires de postulation des avocats, dans des conditions définies par les dispositions du décret n° 47-817 du 9 mai 1947 relatif aux droits et émoluments des avocats postulants dans ces trois départements pris sur le fondement de l'article 8 de la loi du 20 février 1922.

4. Les articles 10 et 80 de la loi du 31 décembre 1971, qui sont applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarés conformes à la Constitution. Le moyen tiré de ce que les dispositions du premier alinéa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015, prévoyant le principe de libre fixation des honoraires de postulation des avocats et celles de l'article 80 de la même loi dont résulte le maintien du principe d'une tarification de ces honoraires dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en tant qu'elles ont pour effet d'accroitre la différence entre le droit commun et le droit applicable dans ces départements, méconnaissent le principe d'égalité soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 80 de la loi du 31 décembre 1971 est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451174
Date de la décision : 05/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2021, n° 451174
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Moreau
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451174.20210705
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