Vu la procédure suivante :
La société Casden Banque Populaire SA, à l'appui de sa demande tendant au dégrèvement de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2015, a produit un mémoire, enregistré le 14 juin 2019 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 1900190 du 15 juillet 2019, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Casden Banque Populaire SA, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 1er, 2, 4, 6 et 7 de la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le Conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, approuvée par la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, notamment son article 107 ;
- la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Pour la détermination du bénéfice net soumis à l'impôt sur les sociétés, le V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du pays du 18 décembre 2015, instaure un dispositif de plafonnement, à hauteur de 5 % du montant des services extérieurs, de la déductibilité des frais généraux afférents à leur siège social et supportés par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie. L'article 2 de la même loi du pays modifie l'article 529 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie pour faire entrer ces frais généraux non déductibles dans l'assiette de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Son article 6 renvoie à des arrêtés du gouvernement le soin de préciser, notamment, les services extérieurs à prendre en compte pour l'application du plafonnement. En vertu du premier alinéa de l'article 7 de la loi du pays du 18 décembre 2015, les dispositions de cette loi sont entrées en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie, soit le 30 décembre 2015.
3. La société requérante soutient que les articles 1er, 2, 4 et 6 de la loi du pays du 18 décembre 2015 méconnaissent les principes d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Elle soutient également que l'article 7 de cette loi du pays méconnaît les exigences de l'article 16 de cette Déclaration en donnant un effet rétroactif aux dispositions de cette loi. Elle soutient enfin que l'article 6 de cette même loi, qui renvoie à un arrêté le soin de déterminer les services extérieurs pris en compte, et son article 7, qui ne définit pas les conditions d'entrée en vigueur du mécanisme de plafonnement, sont entachés d'incompétence négative.
4. Si les dispositions de l'article 2 de la loi du pays du 18 décembre 2015, qui ont trait à l'assiette de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, ne sont pas applicables au litige dès lors que ce dernier ne porte que sur la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, ses articles 1er, 4, 6 et 7 sont en revanche applicables au litige. Les dispositions de ces articles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause les articles 1er, 4, 6 et 7 de la loi du pays du 18 décembre 2015.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des articles 1er, 4, 6 et 7 de la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article 2 de la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Casden Banque Populaire SA, au congrès de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président et à la ministre des outre-mer.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.