Vu la procédure suivante :
M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1404964 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 15NC01007 du 4 février 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril et 30 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 mars 2017, présentée par M. et MmeA....
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. et Mme A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., associé de plusieurs sociétés en nom collectif (SNC), a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt du fait d'investissements réalisés dans l'île de la Réunion par ces SNC, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par Electricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements en cause n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année. M. et Mme A...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 4 février 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur appel contre le jugement du 24 mars 2015 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.
Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. ". Aux termes de l'article L. 83 du même livre : " Les administrations de l'État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel (...). ".
3. Il résulte de ces dispositions que le droit de communication reconnu à l'administration fiscale par les articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales a seulement pour objet de lui permettre, pour l'établissement et le contrôle de l'imposition d'un contribuable, de demander à un tiers ou, éventuellement, au contribuable lui-même, sur place ou par correspondance, de manière ponctuelle, des renseignements disponibles sans que cela ne nécessite d'investigations particulières ou, dans les mêmes conditions, de prendre connaissance et, le cas échéant, copie de certains documents existants qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Ce droit de communication ne s'exerce que sur des documents de service que les personnes destinataires des demandes de l'administration fiscale détiennent du fait de leur activité. Un document de service au sens des dispositions précitées de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales s'entend de tout document ou donnée élaboré dans le cadre des missions de l'organisme à raison desquelles celui-ci est regardé comme soumis au contrôle de l'autorité administrative.
4. La cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits qui n'est entachée d'aucune dénaturation, que les demandes adressées par l'administration à EDF dans le cadre de son droit de communication avaient pour objet d'obtenir des informations sur l'existence et les dates de raccordement effectif des installations concernées au réseau public d'électricité, que les données brutes reportées dans les tableurs fournis par l'administration à EDF étaient détenues par celle-ci dans le cadre de ses obligations de service et que le contenu des attestations fournies par EDF se limitait à des données issues de documents de service. La cour n'a, en tout état de cause, commis aucune erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en en déduisant que les documents et renseignements ainsi transmis par EDF à l'administration n'avaient nécessité ni retraitement de données ni investigations particulières de la part de l'opérateur et qu'ils entraient dans la catégorie des documents de service au sens des dispositions de l'article L. 83 précitée du livre des procédures fiscales. Elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que les demandes de communication adressées par l'administration à EDF pouvaient porter sur plusieurs années d'imposition non prescrites.
5. En second lieu, aux termes l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, " l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l' article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
6. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'administration n'était pas tenue d'indiquer les modalités d'exercice du droit de communication, notamment la date des demandes de communication, et que la circonstance qu'une erreur matérielle ait pu, le cas échéant, être commise par EDF sur les dates des différentes demandes de communication était sans incidence sur l'obligation d'information qui pèse sur l'administration. La cour n'a par ailleurs pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en relevant, pour juger que l'administration s'était acquittée de son obligation d'information au sens de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, que la proposition de rectification à laquelle étaient annexées les réponses et attestations d'EDF indiquait la teneur des informations demandées avec une précision suffisante et mentionnait l'identité du tiers qui avait communiqué à l'administration les renseignements en cause.
Sur les motifs de l'arrêt attaqué relatifs au bien-fondé des impositions :
7. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2010 en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...). ". Aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code dans sa rédaction applicable à l'année litigieuse : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article, au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...). ".
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la cour, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments développés devant elle et a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la date à retenir était celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date. Elle n'a pas davantage dénaturé les faits qui lui étaient soumis en estimant que le raccordement était nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, dès lors qu'il n'était pas contesté devant elle que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes.
9. En second lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ".
10. Les requérants se prévalaient en appel, sur le fondement de ces dispositions, du paragraphe n° 148 de l'instruction référencée 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 aux termes duquel : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ". Ces dispositions sont susceptibles d'être invoquées par les contribuables pour faire échec à un redressement opéré par l'administration fiscale lorsque les conditions posées par l'instruction sont remplies, notamment celle qui est énoncée au paragraphe 22, qui définit les investissements ouvrant droit à réduction d'impôt dans les termes suivants : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. ". La cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il ne ressortait pas des énonciations de l'instruction du 30 janvier 2007 que l'administration ait entendu donner, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, une interprétation du texte fiscal différente de celle qui figure au point 8 ci-dessus, qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.