Vu la procédure suivante :
La société Groupe Bruxelles Lambert a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution de la retenue à la source opérée sur les dividendes qu'elle a reçus de la société Suez au titre des années 1997 à 2002. Par un jugement n° 1004035 du 14 octobre 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 10PA05766 du 21 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Groupe Bruxelles Lambert contre ce jugement.
Par un pourvoi, quatre nouveaux mémoires et trois mémoires en réplique, enregistrés les 18 juillet 2012, 9 janvier, 22 mars et 17 octobre 2013, 20 janvier et 9 avril 2014 et 5 et 28 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Groupe Bruxelles Lambert demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond de faire droit à son appel ;
3°) d'ordonner au ministre de verser aux débats les courriers produits dans le cadre de la procédure d'infraction engagée par la Commission européenne ;
4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles portant, d'une part, sur le refus d'accorder aux actionnaires non résidents le bénéfice des garanties procédurales accordées aux actionnaires résidents pour lesquels le délai de réclamation ne commence à courir qu'à partir du moment où ils ont été informés, par l'avis d'imposition, du délai imparti pour présenter la réclamation, d'autre part, sur le délai de réclamation limité à deux ans pour les non résidents soumis à un impôt prélevé par voie de retenue à la source, même s'ils sont en situation fiscalement déficitaire, alors que ce délai ne commence à courir, pour les résidents soumis à l'impôt par voie d'enrôlement, s'ils sont en situation fiscalement déficitaire, qu'au moment où ils reviennent en situation bénéficiaire, et enfin, sur l'obligation de l'administration fiscale d'un Etat membre de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de dégrèvement d'office, lorsqu'elle est saisie d'une réclamation introduite après l'expiration des délais ordinaires contre une imposition qui se révèle contraire au droit communautaire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention fiscale signée entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de la société Groupe Bruxelles Lambert ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 décembre 2015, présentée par la société Groupe Bruxelles Lambert ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit belge Groupe Bruxelles Lambert a perçu au cours des années 1997 à 2002 des dividendes de la société française Suez dont elle détenait plus de 5 % du capital, à raison desquels elle a supporté à une retenue à la source au taux de 15 % en application des articles 119 bis et 187 du code général des impôts et de la convention fiscale signée entre la France et la Belgique le 10 mars 1964 dont elle a demandé en vain le remboursement ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2010 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande de restitution de cette imposition ;
2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) / Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : (...) b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'absence de mention sur un avis d'imposition adressé par l'administration au contribuable du caractère obligatoire de la réclamation préalable, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit exercer cette réclamation, fait obstacle à ce que les délais de réclamation lui soient opposables ; qu'en revanche, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le contribuable demande la restitution d'impositions versées par lui ou acquittées par un tiers sans qu'un titre d'imposition ait été émis ;
3. Considérant, d'une part, qu'en jugeant que, faute d'un titre d'imposition, la société n'était pas fondée à soutenir qu'en l'absence de la mention des voies et délais de recours sur un tel titre, aucun délai de forclusion n'était opposable à sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source acquittée spontanément, pour son compte, par la société française distributrice, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ;
4. Considérant, d'autre part, que la cour a suffisamment motivé son arrêt et n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les sociétés résidant en France soumises à l'impôt sur les sociétés et les sociétés non-résidentes soumises à la retenue à la source à raison de la perception de dividendes de source française n'étaient pas placées dans une situation identique au regard des modalités de recouvrement de l'impôt sur les dividendes et que cette diversité de techniques d'imposition était, d'une part, liée et proportionnée à la différence de situation entre ces deux catégories de sociétés, d'autre part, justifiée par la nécessité de garantir l'efficacité du recouvrement de l'impôt ;
5. Considérant, en outre, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la société n'était pas fondée à invoquer une prétendue discrimination entre les sociétés non-résidentes et les sociétés résidentes au regard de l'obligation de mention des voies et délais de recours prévue par l'article R. 421-5 du code de justice administrative dès lors que l'impôt sur les dividendes est acquitté spontanément par ces deux catégories de sociétés, sans émission préalable d'un titre d'imposition, qu'il s'agisse de l'impôt sur les sociétés pour les sociétés résidentes ou de la retenue à la source pour les sociétés non-résidentes ; que son moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu les principes d'équivalence des garanties procédurales et, par suite, de non-discrimination entre résidents et non résidents dans l'exercice de la libre circulation des capitaux garantie par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut dès lors qu'être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin (...) " ;
7. Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'aucun principe du droit communautaire n'imposait à l'administration fiscale d'instruire au fond la demande présentée par la société et de faire usage du pouvoir gracieux qui lui est conféré par l'article R. 211-1 du code général des impôts précité ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit aux conclusions de la société Groupe Bruxelles Lambert tendant à ce qu'il soit ordonné au ministre de verser aux débats les courriers produits dans le cadre de la procédure d'infraction engagée par la Commission européenne et à ce que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie de questions préjudicielles, que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Groupe Bruxelles Lambert est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Bruxelles Lambert et au ministre des finances et des comptes publics.