Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre et 22 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Paul A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 juillet 2006 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a décidé d'une part qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours tendant à bénéficier des repos compensateurs accumulés depuis 1989 à compter du 1er février 2003, et a d'autre part rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;
Vu le décret n° 94-1047 du 6 décembre 1994 ;
Vu le règlement intérieur du groupement des bases d'hélicoptères en date du 30 août 1971 ;
Vu l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 19 août 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, brigadier de la police nationale, mécanicien sauveteur secouriste à la base d'hélicoptères de la sécurité civile de Bordeaux, entré en service le 9 janvier 1989 et atteint par la limite d'âge de son emploi le 24 mars 2005, a déféré au tribunal administratif de Bordeaux la décision implicite du ministre de l'intérieur ayant rejeté sa demande tendant à ce que le bénéfice des repos compensateurs qu'il avait accumulés depuis 1989 lui soit accordé à compter du 1er février 2003 et jusqu'à la date prévue de son départ à la retraite, le 27 mars 2005 ; que l'administration ayant, par une décision en date du 30 mars 2004, autorisé l'intéressé à quitter ses fonctions de manière anticipée le 30 avril 2004, le tribunal administratif a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête en tant qu'elles portaient sur la période allant du 30 avril 2004 au 27 mars 2005 et en a rejeté le surplus ; que M. A se pourvoit contre ce jugement dans la mesure de ce rejet ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article IV-2 du règlement intérieur du groupement des bases d'hélicoptères du ministère de l'intérieur en date du 30 août 1971, applicable jusqu'à l'intervention d'un nouveau règlement intérieur approuvé par arrêté du ministre de l'intérieur du 19 août 1997, pris en application de l'article 13 du décret du 6 décembre 1994 fixant le régime applicable aux personnels navigants du groupement des moyens aériens : " Toute heure supplémentaire effectuée au delà de la durée hebdomadaire de travail fera l'objet de récupération heure pour heure " et qu'aux termes de l'article IV-3 : " La récupération des heures supplémentaires peut être groupée en une seule fois dans la limite d'un maximum de quinze jours, à prendre avant le 1er mai de l'année suivant la naissance du droit./Pour le surplus, les repos compensateurs seront accordés par le chef de base, dans les délais les plus brefs après l'acquisition du droit et, compte tenu des allégements de service que peut permettre dans certains cas la situation opérationnelle./Lorsque la situation technique et opérationnelle ainsi que l'état des effectifs d'un détachement temporaire le permettent, le chef de détachement doit attribuer sur place, des repos compensateurs " ;
Considérant que les dispositions de l'article IV-3 du règlement intérieur en date du 30 août 1971 n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'interdire le report dans le temps des repos compensateurs non pris au cours de l'année suivant la naissance du droit à récupération ; que si l'article 5 du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires dispose que " Le congé pris pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle... ", ces dispositions ne sont applicables qu'aux congés annuels ; que, par suite, en jugeant que les repos compensateurs acquis au cours d'une année et non pris avant le 1er mai de l'année suivante étaient perdus, le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu par suite d'annuler l'article 2 de son jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure l'affaire au fond ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de M. A a été reçue le 29 janvier 2003 par le ministre de l'intérieur ; que le délai de recours contentieux contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur cette demande expirait le 29 mai 2003 ; que par suite la requête de M. A enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 27 mai 2003 n'était pas tardive ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A avait acquis depuis 1989 un nombre de jours de congés compensateurs supérieurs à celui dont la récupération a été assurée par le départ en congé le 30 avril 2004, compte tenu en particulier des droits acquis avant 1994 auxquels, comme le requérant le fait valoir, l'arrêté du 6 décembre 1994 en disposant en son article unique que " L'ensemble des congés récupérateurs acquis par les personnels navigants du groupement d'hélicoptères et non pris à la date de publication du décret du 6 décembre 1994 est annulé ", a porté une atteinte illégale ; que par suite, la décision du ministre refusant le bénéfice des congés compensateurs à une date antérieure au 30 avril 2004 est entachée d'illégalité et qu'il y a lieu de l'annuler ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à M. A au titre des frais exposés par lui devant le Conseil d'Etat et en première instance et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 27 juillet 2006 est annulé.
Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur rejetant la demande de M. A tendant à bénéficier des repos compensateurs à une date antérieure au 30 avril 2004 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Paul A et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.