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17/12/2021 | FRANCE | N°21PA05500

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 17 décembre 2021, 21PA05500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du 20 mai 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre au préfet de police procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen (SIS).

Par un jugement n°2108156 du 20 septembre 2021, le magistrat d

signé par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces arrêtés et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du 20 mai 2021 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre au préfet de police procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen (SIS).

Par un jugement n°2108156 du 20 septembre 2021, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet de police de procéder à l'effacement du signalement de M. A... B... dans le système d'information Schengen (SIS).

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil du 20 septembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du tribunal administratif a fait droit au moyen tiré d'une violation de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Mileo, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen (SIS) ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les observations de Me Ozeki pour M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant bangladais né le 13 juin 1982 à Sylhet (Bangladesh), entré en France en 2011 selon ses déclarations, a, le 11 août 2011, sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du

6 décembre 2012, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 15 octobre 2013 notifiée le 21 octobre suivant. Il a, le 13 janvier 2014, été mis en possession d'un titre de séjour en raison de son état de santé, et en a obtenu le renouvellement jusqu'au

23 novembre 2017. Par un arrêté du 31 janvier 2019, le préfet du Morbihan a refusé de renouveler une nouvelle fois ce titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français.

2. M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 mai 2021 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement de son signalement au fichier SIS. Le préfet de police fait appel du jugement du 20 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Sur la requête du préfet de police :

3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... soutient être soigné pour un diabète de type 2, une hypertension artérielle et une hypertriglycéridémie, ainsi que pour un asthme et une stéatose hépatique.

5. Pour annuler l'arrêté en litige comme pris en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus, le premier juge s'est référé à un certificat médical d'un médecin de ville du

28 mai 2021, aux termes duquel " un défaut de prise en charge provoquera des lésions irréversibles pouvant conduire au décès (pronostic vital engagé) ". Il a en outre estimé que

M. A... B... ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Bangladesh, compte tenu des lacunes du système de santé de ce pays, de son taux de pollution de l'air susceptible d'entraîner une aggravation importante de son asthme et du fait que le médicament Metformine, qui lui est quotidiennement administré, ainsi que l'insuline n'y sont, selon un rapport de l'OMS de 2016, pas disponibles dans les établissements de santé et de soins.

6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si son diabète nécessite un traitement par la prise de Metformine et d'insuline, les certificats médicaux et les autres pièces d'ordre médical produits par M. A... B... ne sont pas suffisants pour démontrer qu'il ne pourrait bénéficier d'un tel traitement dans son pays, alors que, dans son avis émis le 26 novembre 2018 sur sa dernière demande de renouvellement de son titre de séjour, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé qu'il pourrait effectivement bénéficier des soins appropriés à son état dans son pays et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Ces certificats et ces pièces ne permettent pas davantage de démontrer que son asthme ne pourrait être pris en charge au Bangladesh. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus pour annuler ses arrêtés du 20 mai 2021.

7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B..., devant le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil, et en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... B... :

8. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-00245 du 31 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné délégation à M. D... C..., attaché d'administration de l'État, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles la police des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés en litige doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français comporte l'exposé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, il est suffisamment motivé.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français n'aurait pas donné lieu à un examen complet de la situation de M. A... B....

11. En quatrième lieu, M. A... B... ne saurait, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français en litige, invoquer utilement les dispositions de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII sur les demandes de titre de séjour présentées sur le fondement de l'article L. 425-9 du même code.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si M. A... B... se prévaut de la durée de sa présence en France et de son insertion professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la présence de son épouse dans son pays, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus, ou qu'il reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision refusant à M. A... B... le bénéfice d'un délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, l'exception que

M. A... B... tire de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, à l'encontre de la décision mentionnée ci-dessus, ne peut qu'être écartée.

15. En deuxième lieu, en mentionnant expressément dans son arrêté portant obligation de quitter le territoire français que le comportement de M. A... B... constitue une menace pour l'ordre public et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'exécution de cet arrêté, le préfet de police a suffisamment motivé ce même arrêté en ce qu'il lui refuse le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

16. En troisième lieu, M. A... B... ne conteste pas s'être soustrait à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français qui a été décidée à son encontre par un arrêté du préfet du Morbihan du 31 janvier 2019. C'est donc à bon droit au regard des article L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de police a estimé qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'exécution de la nouvelle obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet, pour lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, l'exception que

M. A... B... tire de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, à l'encontre de la décision mentionnée ci-dessus, ne peut qu'être écartée.

18. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. /Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article

L. 612-11. "

19. En visant ces dispositions, et en faisant expressément référence à la menace pour l'ordre public que représente la présence de M. A... B..., à la durée de sa présence sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi qu'à la précédente mesure d'éloignement dont il avait fait l'objet le 31 janvier 2019, l'arrêté en litige comporte l'exposé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il ne ressort d'ailleurs pas de cette motivation que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de M. A... B....

20. En troisième lieu, si M. A... B... se prévaut de la durée de sa présence en France et de son insertion professionnelle et conteste la menace que sa présence en France représenterait pour l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en se fondant sur les motifs rappelés ci-dessus, le préfet de police aurait entaché sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français, d'une erreur manifeste d'appréciation.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé ses arrêtés du 20 mai 2021. Les conclusions à fin d'injonction de

M. A... B... ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les conclusions de M. A... B... présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que M. A... B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2108156 du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Montreuil du 20 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05500
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : MILEO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-17;21pa05500 ?
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