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29/09/2022 | FRANCE | N°21DA00372

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 29 septembre 2022, 21DA00372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1902071 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle Mme B... a été assujettie au titre de l'année 2014 et des pénalités correspondantes, d

'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 7...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1902071 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle Mme B... a été assujettie au titre de l'année 2014 et des pénalités correspondantes, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2021 et 9 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de Mme D... B... l'imposition supplémentaire et les pénalités dont elle a été déchargée par le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- même si aucun formalisme déclaratif n'est imposé pour prendre l'engagement d'exploiter les équipements pendant au moins sept ans, la production tardive des courriers des 11 mars 2014 et 3 avril 2018, sans date certaine, ne permet pas d'établir que la société F... avait pris l'engagement d'utiliser effectivement pendant au moins sept ans les investissements en cause ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il limite les conséquences de la non-satisfaction des conditions d'éligibilité aux avantages fiscaux prévus à l'article 199 undecies B du code général des impôts, à la seule sanction prévue par l'article 1740-00 A du code général des impôts à l'encontre de l'entreprise exploitante ;

- pour motiver les rectifications, l'administration ne s'est pas appuyée sur les réponses apportées par la société exploitante ; par ailleurs, l'absence de transmission des documents consultés lors de la vérification de comptabilité de la société exploitante n'a privé la contribuable d'aucune garantie puisque, comme il est indiqué dans le mémoire, elle a pu obtenir une copie des documents auprès de l'entreprise concernée ;

- l'article 199 undecies B du code général des impôts prévoit que pour les investissements dont la durée normale d'utilisation est égale ou supérieure à sept ans, la réduction d'impôt est applicable lorsque l'entreprise locataire prend l'engagement d'utiliser pendant sept ans au moins ces investissements ; or, le service a relevé que les documents contractuels entre la SNC C... et la société exploitante F... ne font pas mention de l'engagement par cette dernière d'exploiter les chauffe-eaux pendant une durée minimale de sept ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Banchel et Me Leclerc, demande à la cour, d'une part, de rejeter la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du code général des impôts ;

- l'obligation d'exploiter l'installation pendant sept ans est une obligation unilatérale d'exploitation pour laquelle aucun formalisme n'est exigé ; l'administration admet cette absence de formalisme mais n'en tire pas les conclusions dès lors qu'elle persiste à exiger la production d'un engagement écrit et préalable ;

- seule la sanction prévue par l'article 1740-00 A du code général des impôts à l'encontre de l'entreprise exploitante peut être appliquée, à l'encontre de celle-ci, en cas d'absence de respect de l'engagement d'exploitation de sept ans.

Par une ordonnance du 16 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 21 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est associée de la société en nom collectif (SNC) C... qui a été créée dans le but de réaliser des investissements productifs neufs sur le territoire de la Guadeloupe. Elle a bénéficié de la réduction d'impôt sur le revenu, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, pour un investissement de chauffe-eaux solaires acquis par cette société et qu'elle a loués au cours de l'année 2014 à la société à responsabilité limitée (SARL) F..., installée en Guadeloupe. Par une proposition de rectification du 14 décembre 2017, l'administration a remis en cause le bénéfice de l'avantage fiscal dont Mme B... avait bénéficié au titre de l'année 2014. En conséquence, l'administration l'a assujettie, au titre de l'année 2014, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, assortie de pénalités, dont elle a été déchargée par un jugement du 27 novembre 2020 du tribunal administratif de Lille. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant (...) une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est mis en service. (...) / Si, dans le délai de cinq ans de son acquisition (...), l'investissement ayant ouvert droit à réduction d'impôt est cédé ou cesse d'être affecté à l'activité pour laquelle il a été acquis ou créé, (...) la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle cet événement est intervenu. (...) / La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quinzième à dix-huitième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies (...) / Pour les investissements dont la durée normale d'utilisation est égale ou supérieure à sept ans, et qui sont loués dans les conditions prévues au vingt-sixième alinéa, la réduction d'impôt prévue est applicable lorsque l'entreprise locataire prend l'engagement d'utiliser effectivement pendant sept ans au moins ces investissements dans le cadre de l'activité pour laquelle ils ont été acquis ou créés. / (...) ". Aux termes du I de l'article 217 undecies du code général des impôts : " (...) / La déduction prévue au premier alinéa s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions suivantes sont réunies : / 1° Le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ou pour la durée normale d'utilisation du bien loué si elle est inférieure ; / 2° Le contrat de location revêt un caractère commercial ; / 3° L'entreprise locataire aurait pu bénéficier de la déduction prévue au premier alinéa si, imposable en France, elle avait acquis directement le bien ; / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les associés d'une société soumise au régime d'imposition de l'article 8 du code général des impôts peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu, à proportion de leurs droits dans la société, à raison des investissements productifs réalisés par la société dans le cadre d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement productif est mis en service. L'investissement productif doit ensuite être conservé et affecté à l'activité pour laquelle il a été acquis pendant un délai de cinq ans. Lorsque l'investissement locatif est donné en location, le contrat de location doit être conclu pour une durée au moins égale à cinq ans. Si la condition relative à la conservation et l'affectation de l'investissement productif pendant cinq ans n'est pas respectée, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année durant laquelle intervient la cession de l'investissement productif ou la cessation de l'affectation du bien. Pour les investissements donnés en location dont la durée normale d'utilisation est égale ou supérieure à sept ans, la réduction d'impôt prévue est également subordonnée à l'engagement pris par l'entreprise locataire d'utiliser effectivement pendant sept ans au moins l'investissement loué.

4. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 14 décembre 2017 adressée à Mme B... que, pour remettre en cause le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur le motif que la condition relative à l'engagement par la société F... d'exploiter les chauffe-eaux solaires pendant une durée minimale de sept ans n'était pas respectée au vu des documents contractuels, établis entre cette société et la SNC C..., consultés au cours de la vérification de comptabilité dont la société exploitante des investissements avait fait l'objet. L'administration a également relevé qu'il ressortait des documents contractuels établis entre la société F... et l'utilisateur final des chauffe-eaux solaires que le matériel devient la propriété de l'utilisateur à partir du 61ème mois suivant le début de la location, pour conclure que la condition relative à l'engagement d'exploiter les chauffe-eaux solaires pendant une durée minimale de sept ans ne pouvait pas être respectée.

5. Le constat que le contribuable remplit les conditions pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est fait par le juge de l'impôt, au terme de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet.

6. Il résulte de l'instruction que Mme B... a produit, à l'appui de sa réclamation préalable du 4 décembre 2018, une attestation de la société F... datée du 11 mars 2014 aux termes de laquelle elle s'engageait à exploiter l'équipement jusqu'au 84ème mois après le début de la mise en exploitation, soit une durée de sept ans. Si l'administration soutient que les documents consultés par elle lors de la vérification de comptabilité dont la société exploitante des investissements a fait l'objet ne comportaient pas une telle attestation, l'administration admet toutefois ne pas avoir pris copie des documents contractuels sur lesquels elle s'est fondée pour estimer que cette condition n'était pas respectée. Si l'administration soutient que ces documents n'ont pas date certaine, elle reconnait toutefois qu'aucun formalisme n'est exigé par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts pour cet engagement. Dès lors, c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont Mme B... a bénéficié au titre de l'année 2014, au motif que la condition relative à l'engagement par la société F... d'exploiter les chauffe-eaux solaires pendant une durée minimale de sept ans n'était pas respectée.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déchargé Mme B... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

8. Il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme D... B....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. E... A..., premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022.

Le président, rapporteur,

M. Sauveplane Le président de chambre,

C. Heu

La greffière,

N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°21DA00372 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00372
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET OAKLANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-09-29;21da00372 ?
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