Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 17 novembre 2020 par lesquels la préfète de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence dans le département de la Vienne pour une durée de 45 jours.
Par un jugement n° 2002794 du 23 novembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2021, M. C..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 novembre 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète de la Vienne du 17 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour d'une durée d'un an dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne les arrêtés du 17 novembre 2020 pris dans leur ensemble :
- les arrêtés attaqués ont été signés par une autorité incompétente.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il n'a pas été mis à même de présenter des observations écrites ou de solliciter un entretien préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire français en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière en l'absence d'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, notamment de l'intérêt supérieur de ses enfants, de son état de santé et de la situation de conflit armé en Arménie ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à son état de santé ;
- elle porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée en droit et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale car fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français entachée d'illégalité ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- il encourt un risque de traitements inhumains et dégradants eu égard à son état de santé en cas de retour en Arménie en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
- elle est dépourvue de base légale car fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire français entachée d'illégalité ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2020/023949 du 18 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant arménien né le 7 août 1986, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 21 septembre 2017 accompagné de son épouse. Il a été interpellé le 15 novembre 2020 à la suite d'un contrôle lié à la réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus de la covid-19 et le caractère irrégulier de son séjour en France a été révélé à cette occasion. Par deux arrêtés du 17 novembre 2020, la préfète de la Vienne, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de la Vienne pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... relève appel du jugement du 23 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité des arrêtés du 17 novembre 2020 :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l'article R. 313-22. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
3. Il ressort des pièces médicales produites que M. C... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique associé à une anxiété et de troubles de la personnalité pour lesquels il bénéficie d'un traitement médicamenteux et d'un suivi psychiatrique. Le certificat médical établi le 12 août 2020 par le médecin psychiatre qui le suit régulièrement indique que son traitement médicamenteux " ne doit pas être modifié, ni faire l'objet de substitution " car son équilibre psychique est fragilisé, que " sa pathologie psychiatrique d'une exceptionnelle gravité nécessite un suivi très régulier pour contenir ses symptômes, pour traiter la nature de sa pathologie, et pour contrôler les complications qui surviennent de façon épisodique " et que les soins nécessaires ne seraient pas disponibles en Arménie. Il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si la fiche MedCOI datée du 18 octobre 2012 produite en première instance par la préfète de la Vienne fait état de la disponibilité de la venlafaxine, molécule composant le médicament Effexor prescrit à M. C..., en revanche, il ressort des autres pièces médicales produites par la préfète que certains médicaments prescrits à l'intéressé, notamment le Tercian et le Stilnox, ne sont pas disponibles en Arménie. A supposer même que des molécules équivalentes seraient disponibles, il ressort des termes précités du certificat médical du médecin psychiatre que les médicaments prescrits ne peuvent être substitués. Ainsi, le traitement médical de M. C... ne pourrait être assuré dans son pays d'origine vers lequel il est renvoyé. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres pathologies dont il souffre, ce dernier est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. L'annulation de la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant le pays de destination, de celle portant interdiction de retour sur le territoire français et de celle portant assignation à résidence.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 novembre 2020.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à compter du 1er mai 2021 : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas la conséquence de l'annulation d'une décision de refus de titre de séjour, n'implique pas par elle-même la délivrance d'un titre de séjour. En revanche, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que cette annulation implique un réexamen de la situation de M. C... et l'octroi d'une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Vienne de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Desroches d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers du 23 novembre 2020 et les arrêtés de la préfète de la Vienne du 17 novembre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Vienne de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.
Article 3 : L'Etat versera à Me Desroches une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Desroches, au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.
La rapporteure,
Laury A...
La présidente,
Elisabeth JayatLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00599