Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mars 2018 par laquelle la maire de Paris a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident mortel dont son époux, M. A... C..., a été victime le 23 juin 2015, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1808117/2-3 du 9 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2020, Mme C..., représentée par
Me Grinholtz-Attal, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 29 mars 2018;
3°) d'enjoindre au maire de Paris, d'une part, de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident mortel de M. C... du 23 juin 2015, d'autre part, de reconsidérer les droits subséquents de ses ayant-droits et en particulier de verser la pension d'invalidité due à Mme C... ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;
- ladite décision est entachée d'insuffisance de motivation ;
- ladite décision est entachée de vice de procédure du fait de la partialité du chef du bureau accidents-maladie qui a conduit l'enquête administrative préalable à la saisine de la commission de réforme et a participé avec voix délibérative à la séance de cette commission qui a statué sur la situation de M. C... ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait s'agissant du taux d'alcoolémie ;
- elle est entachée d'erreur de droit car la maire de Paris s'est cru liée par l'avis de la commission de réforme ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation s'agissant du lien avec le service de l'accident mortel de M. C....
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, la ville de Paris, représentée par
Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable faute de motivation ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme C... sont infondés.
Par une ordonnance du 7 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
24 août 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès ;
- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,
- et les observations de Me Safatian pour la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., agent supérieur d'exploitation affecté au service technique de l'énergie et du génie climatique, au sein de la direction du patrimoine et de l'architecture de la ville de Paris, est décédé, le 23 juin 2015, lors d'un accident de la circulation alors qu'il regagnait son domicile depuis son lieu de travail. Mme B... C..., son épouse, a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du
29 mars 2018 par laquelle la ville de Paris a refusé de reconnaître cet accident comme imputable au service. Par un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ville de Paris :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 29 mars 2018 vise le texte applicable et mentionne que le dossier de M. C... a été soumis à l'examen de la commission départementale de réforme et que cette dernière a émis le 15 mars 2018 un avis défavorable à la reconnaissance de l'accident dont il a été victime le 23 juin 2015 au motif de l'absence de relation de cet accident avec l'exercice des fonctions et de l'existence d'un fait accidentel détachable du service. La décision en litige indique également que " la ville de Paris décide, pour le même motif, de contester le caractère professionnel de cet accident ". Ainsi, la décision attaquée énonçant les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
5. En troisième lieu, Mme C... soutient que la décision a été prise à l'issue d'une procédure dépourvue d'impartialité dès lors que Mme D..., cheffe du bureau accidents-maladie, a conduit l'enquête administrative préalable à la saisine de la commission de réforme et a participé avec voix délibérative à la séance de cette commission qui a statué sur la situation de son époux. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme D... n'a pas dirigé l'enquête administrative, les courriers qu'elle a adressés à la requérante préalablement à la saisine de la commission de réforme n'ayant pour objet que de l'informer de la procédure en cours et de tirer les conséquences de l'avis du médecin du service de médecine statutaire. Le moyen tiré du vice de procédure doit donc être écarté.
6. En quatrième lieu, même si la maire de Paris s'est appropriée le même motif que celui exposé par la commission de réforme pour refuser l'imputabilité au service de l'accident de M. C..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle se serait cru liée par cet avis. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...). ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " I. -Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. (...) / III.- Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l'enquête permet à l'autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l'accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l'accident du service.(...) ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. En outre, est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
9. Pour refuser l'imputation au service de l'accident dont a été victime M. C... le 23 juin 2015, la ville de Paris s'est fondée sur " l'absence de relation avec l'exercice des fonctions " et la circonstance qu'il s'agissait d'un " fait accidentel détachable du service ".
10. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. C... a participé, le 23 juin 2015, à un repas de service organisé pour fêter la période dite de fin de chauffe, repas au cours duquel ont été consommées des boissons alcoolisées. A 17h20, alors qu'il circulait sur l'autoroute A12 pour regagner son domicile au moyen d'un scooter de service, à une vitesse d'environ 110 km/h, il a perdu le contrôle de son véhicule et a heurté un camion, avant d'être projeté sur une voie de circulation et écrasé par le véhicule qui le suivait. Il ressort tant du compte-rendu établi par le service de réanimation de l'hôpital Percy que du procès-verbal de police du 3 mai 2017 que le taux d'alcoolémie de M. C... au moment de l'accident, qui a fait l'objet de deux analyses distinctes par deux laboratoires différents, a été estimé entre 0,89 g et 1,07 g/l de sang, soit un taux supérieur au taux maximal autorisé. S'il n'est pas contesté que l'accident s'est produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplissait le service de M. C... et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, les circonstances dans lesquelles il est intervenu, et notamment le choix de M. C... de regagner son domicile en conduisant un véhicule à moteur alors qu'il avait consommé de l'alcool peu de temps auparavant, révèlent un fait personnel de l'agent rendant ledit accident détachable du service, nonobstant la circonstance que la victime avait consommé de l'alcool à l'occasion d'un repas de service. Dès lors, les moyens, tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation qui entacheraient la décision en litige, ne peuvent qu'être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la ville de Paris.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00835 2