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08/10/2020 | FRANCE | N°20BX01502

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 08 octobre 2020, 20BX01502


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Ariège l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905347 du 23 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2020, Mme A..., représent

ée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le présiden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Ariège l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905347 du 23 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2020, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 23 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Ariège l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ariège de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait concernant sa nationalité ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée et elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait concernant sa nationalité ;

- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2020, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2020 du bureau de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 14 août 1956 à Tskhinvali, est entrée en France selon ses déclarations le 10 décembre 2016. Sa demande d'asile a été rejetée le 25 octobre 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 14 décembre 2018 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). La demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée pour irrecevabilité par l'OFPRA le 30 avril 2019. Par un arrêté du 2 septembre 2019, le préfet de l'Ariège l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement du 23 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision contestée indique l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'entrée et de séjour en France de Mme A.... Elle mentionne les décisions de rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA, le 25 octobre 2017, et par la CNDA, le 14 décembre 2018. Elle précise également qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le fait qu'elle n'évoque ni la décision d'éloignement dont son fils a fait l'objet en janvier 2017 ni sa situation dans son pays d'origine ne suffit pas à caractériser une insuffisance de motivation. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de l'Ariège, qui a notamment relevé que Mme A... se déclarait de nationalité russe alors qu'elle est titulaire d'un passeport géorgien, n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A... doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, si la requérante soutient que la décision en litige est entachée d'une erreur de fait sur sa nationalité, il résulte de la lecture de cette décision qu'elle mentionne le fait que Mme A..., de nationalité géorgienne connue sur l'application Visabio comme titulaire d'un passeport géorgien en cours de validité se déclare de nationalité russe. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

4. En troisième lieu, à la date de la décision contestée, Mme A..., entrée en France selon ses déclarations le 10 décembre 2016, justifiait d'un séjour d'une durée de deux ans et neuf mois lié à l'examen de sa demande d'asile. Si elle se prévaut de la présence en France de son fils, de sa belle-fille et de ses petits-enfants français, il ressort notamment des pièces du dossier que son fils a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 10 janvier 2017 et qu'à supposer, comme elle le soutient, qu'il soit revenu en France, il y séjourne en situation irrégulière. Si Mme A... produit en appel une attestation de sa belle-fille indiquant qu'elle s'occupe de ses petits-enfants, il ne ressort ni de ce document ni d'aucune autre pièce du dossier que sa présence auprès d'eux serait indispensable. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

5. En premier lieu, la décision vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme A..., ressortissante russe et géorgienne, n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans l'un de ses pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A... doivent être écartés.

6. En deuxième lieu, Mme A..., qui se déclare de nationalité russe, soutient que le préfet a commis une erreur de fait sur sa nationalité et n'a pas désigné le pays à destination duquel elle doit être éloigné. Il ressort toutefois de la décision contestée qu'après avoir indiqué que Mme A..., de nationalité géorgienne connue sur l'application Visabio comme étant titulaire d'un passeport géorgien en cours de validité se déclarait également de nationalité russe, le préfet de l'Ariège a prescrit son éloignement "dans le pays dont elle a la nationalité ou tout autre pays (...) où elle est légalement admissible", conformément aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet ne saurait, dès lors, être regardé comme s'étant prononcé sur la base de faits matériellement inexacts ni comme ayant entaché sa décision d'une erreur de droit.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

8. Il ressort des déclarations de Mme A... qu'elle est née le 14 août 1956 à Tskhinvali, ville alors située sur le territoire de la République socialiste soviétique de Géorgie, et dans laquelle elle a établi sa résidence permanente, comme en atteste son passeport délivré par les autorités géorgiennes. Il ressort du rapport de mission publié au mois de mars 2013 par l'OFPRA que les autorités géorgiennes considèrent comme nulle et non avenue la législation des autorités de facto sud-ossètes en matière de nationalité et que tout résident légal des territoires considérés comme " occupés " est considéré comme citoyen géorgien. Si la requérante déclare être de nationalité russe du fait de sa résidence légale en Ossétie du Sud, il ne ressort ni de ses déclarations et des documents versés au dossier, ni d'aucun autre élément qu'elle puisse être considérée comme ressortissante russe ou qu'elle y soit éligible de plein droit. Les craintes exprimées par Mme A... doivent donc être examinées uniquement à l'égard de la Géorgie, son pays de nationalité.

9. Si Mme A... soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour dans sa région d'origine d'Ossétie du sud, en raison des recherches dont elle y a fait l'objet pour avoir caché à son domicile un soldat russe déserteur, elle ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Le moyen tiré de la violation des dispositions citées au point 7 ne peut donc qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 2 septembre 2019. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et tendant au paiement des entiers dépens de l'instance laquelle n'en comporte au demeurant aucun.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le rapporteur,

Karine B...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01502
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : KOSSEVA-VENZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-08;20bx01502 ?
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