Jurisprudence Arrêts mentionnés : R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326 R. c. Hape, [2007] 2 R.C.S. 292, 2007 CSC 26 États-Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, 2001 CSC 7 Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1 R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597. Lois et règlements cités Charte canadienne des droits et libertés, art. 7. REQUÊTE en vue d’obtenir une ordonnance de mise sous scellés et REQUÊTES en radiation de certains paragraphes du mémoire de l’intimé et en radiation du mémoire de certaines intervenantes. Requête en vue d’obtenir une ordonnance de mise sous scellés accordée. Requêtes en radiation rejetées. Argumentation écrite par Robert J. Frater, Sharlene Telles‑Langdon et Doreen Mueller, pour le ministre de la Justice et autres. Argumentation écrite par Nathan J. Whitling, pour Omar Ahmed Khadr. Argumentation écrite par Joseph J. Arvay, c.r., et Sujit Choudhry, pour l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique. Argumentation écrite par Audrey Macklin, Tom A. Friedland et Gerald Chan, pour University of Toronto, Faculty of Law — International Human Rights Clinic et Human Rights Watch. Version française du jugement rendu par [1] La Cour — L’intimé, M. Khadr, a été arrêté par l’armée américaine en juillet 2002. Il est présentement détenu sur la base navale américaine de Guantanamo Bay, à Cuba. Les appelants interjettent appel d’une ordonnance rendue par la Cour d’appel fédérale le 10 mai 2007 et modifiée le 19 juin 2007, sommant les appelants de produire, conformément à l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, les renseignements pertinents en leur possession pour permettre à l’intimé de présenter une défense pleine et entière devant une commission militaire des États‑Unis. [2] Les parties à l’appel ont déposé les requêtes suivantes : 1. Requête de l’intimé en vue d’obtenir une ordonnance de mise sous scellés relativement à de nouveaux éléments de preuve proposés, qui ont été produits dans le cadre de la communication de la preuve dans les poursuites américaines et que les autorités américaines n’autoriseront les avocats à déposer devant la Cour qu’à la condition qu’ils soient protégés par une ordonnance de mise sous scellés 2. Requête des appelants en radiation de certains paragraphes du mémoire de l’intimé 3. Requête des appelants en radiation du mémoire de l’intervenante, l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique (« ALCCB ») et en révocation de sa qualité d’intervenante. 4. Requête des appelants en radiation du mémoire conjoint des intervenantes University of Toronto, Faculty of Law — International Human Rights Clinic et Human Rights Watch (« IHRC/HRW ») et en révocation de leur qualité d’intervenantes. A. Requête de l’intimé en vue d’obtenir une ordonnance de mise sous scellés [3] L’intimé a l’intention de présenter une deuxième requête en vue de produire de nouveaux éléments de preuve. Les éléments qu’il souhaite déposer sont un affidavit de son avocat américain et deux pièces produites dans le cadre de la communication de la preuve dans les poursuites américaines. En raison de restrictions concernant l’utilisation de la preuve communiquée dans la poursuite américaine, l’intimé ne peut déposer ces documents devant la Cour à moins que celle‑ci ne rende une ordonnance de mise sous scellés à leur égard. [4] À ce stade de la procédure, la Cour est uniquement appelée à rendre une ordonnance de mise sous scellés afin que ces documents et les arguments juridiques à leur sujet puissent être déposés. La formation de la Cour qui entendra l’appel se prononcera sur l’admissibilité et l’utilisation des documents après qu’ils auront été déposés. [5] La requête est accordée en ces termes : (1) S’il obtient le consentement du sous‑secrétaire d’État adjoint à la Défense pour les prisonniers, l’intimé pourra déposer le « Deuxième dossier de nouveaux éléments » de preuve proposé contenant l’affidavit supplémentaire du lieutenant‑commandant William Kuebler et deux pièces, ainsi que des observations écrites d’au plus trois pages concernant le contenu de cet affidavit. (2) Les documents seront remis à la Cour dans des enveloppes scellées, le registraire les conservera sous scellés et seuls les avocats de l’intimé, les avocats des appelants, les juges et le personnel de la Cour y auront accès. (3) Les appelants sont autorisés à déposer une réponse à la requête en vue de produire de nouveaux éléments de preuve, ainsi que des observations écrites d’au plus trois pages dans l’éventualité où les documents sous scellés seraient admis en preuve. (4) La formation de la Cour qui entendra l’appel se prononcera sur l’admissibilité du « Deuxième dossier de nouveaux éléments » de preuve de l’intimé. (5) Aucune ordonnance n’est rendue concernant les dépens. B. Requêtes en radiation de certains paragraphes du mémoire de l’intimé et des mémoires en entier des intervenantes ALCCB et IHRC/HRW [6] Les appelants demandent la radiation des arguments invoqués par l’intimé et par les intervenantes ALCCB et IHRC/HRW selon lesquels les responsables canadiens ont contrevenu à l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés en interrogeant l’intimé à Guantanamo Bay et en transmettant un résumé de ces entretiens aux autorités américaines. L’intimé et les intervenantes soutiennent que ces actes contrevenaient aux obligations internationales en matière de droit de la personne. Ces arguments s’appuient sur une décision rendue par la Cour dans l’affaire R. c. Hape, [2007] 2 R.C.S. 292, 2007 CSC 26. Ils soulèvent la légalité des détentions à Guantanamo Bay selon le droit international, et la question de savoir s’il y a eu manquement à la Charte par une complicité quelconque du Canada du fait de l’interrogatoire de l’intimé et de la transmission du résumé des entretiens aux Américains. Les appelants font valoir trois arguments à l’appui de leurs requêtes en radiation : (i) l’absence de fondement factuel suffisant étayant les arguments (ii) le caractère non justiciable des questions soulevées (iii) la nouveauté des arguments, qui n’auraient pas été invoqués devant les juridictions inférieures. [7] Subsidiairement, les appelants soutiennent que la requête en radiation devrait être renvoyée à la formation de la Cour qui entendra l’appel ou, encore, que l’argumentation exposée dans cette requête devrait être traitée comme une réplique dans l’appel proprement dit. [8] Pour les motifs qui suivent, les requêtes des appelants en radiation d’une partie du mémoire de l’intimé et de l’ensemble des mémoires des intervenantes ALCCB et IHRC/HRW sont rejetées. Le dossier de requête des appelants en radiation de parties du mémoire de l’intimé sera présenté à titre de réplique à la formation de la Cour qui entendra l’appel. (i) Absence de fondement factuel étayant les arguments [9] Les appelants font valoir l’absence d’un fondement factuel suffisant pour étayer les arguments de l’intimé et des intervenantes selon lesquels la détention à Guantanamo Bay contrevient au droit international et la complicité du Canada enfreint l’art. 7 de la Charte. [10] La prétendue absence de fondement factuel étayant ces arguments ne constitue pas un motif de radiation des paragraphes des mémoires. Les appelants peuvent faire valoir dans l’appel principal que les arguments contestés de l’intimé et des intervenants doivent être rejetés faute de fondement factuel suffisant. [11] De plus, le fondement factuel des arguments contestés est, en partie, lié à une requête en vue de produire de nouveaux éléments de preuve déposée par l’intimé et renvoyée à la formation de la Cour qui entendra l’appel aux termes d’une ordonnance rendue par la Juge en chef le 19 décembre 2007. Il n’y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de radier des arguments au motif qu’ils n’ont pas de fondement factuel, parce que celui‑ci dépend du sort de la requête en vue de produire de nouveaux éléments de preuve. (ii) Caractère non justiciable des questions soulevées [12] Les appelants soutiennent que les arguments de l’intimé et des intervenantes au sujet de la violation du droit international à Guantanamo Bay et de la complicité du Canada ne relèvent pas des tribunaux. Ces questions ne seraient pas justiciables parce que, pour les trancher, il faudrait tirer des conclusions sur la conduite des autorités américaines, que les autorités américaines ne sont pas présentes devant la Cour et que ces questions devraient être débattues devant les tribunaux américains. [13] Il n’est pas nécessaire à ce stade de la procédure d’examiner au fond les prétentions des appelants sur le caractère justiciable. Ces arguments ne peuvent fonder la radiation d’arguments invoqués dans les mémoires de l’intimé et des intervenantes. Les appelants peuvent plaider plutôt dans le cadre de l’appel principal que les arguments contestés de l’intimé et des intervenantes ne doivent pas être retenus parce qu’ils soulèvent des questions qui ne relèvent pas des tribunaux. (iii) Nouveauté des arguments, qui n’auraient pas été invoqués devant les juridictions inférieures [14] Les appelants soutiennent enfin que les arguments voulant que les responsables canadiens aient contrevenu à l’art. 7 de la Charte, en interrogeant l’intimé et en transmettant un résumé de ces entretiens aux autorités américaines, et que ces actes aient contrevenu au droit international vu l’arrêt Hape n’ont pas été débattus devant les juridictions inférieures. [15] Cet argument doit aussi être rejeté. Ces questions ont été suffisamment abordées devant les juridictions inférieures. Les arguments débattus devant les juridictions inférieures étaient centrés sur la question de savoir si la Charte s’appliquait, dans les circonstances de l’affaire, aux activités des responsables canadiens, et s’il existait un lien causal suffisant entre, d’une part, les actes des responsables canadiens et, d’autre part, la détention et les accusations portées aux États‑Unis. Devant les juridictions inférieures, ces arguments étaient fondés sur les décisions rendues par notre Cour dans États‑Unis c. Burns, [2001] 1 R.C.S. 283, 2001 CSC 7 Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1, et R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597. Ces arguments soulevaient la question du lien, sur le plan constitutionnel, entre le gouvernement canadien et la conduite des États‑Unis. La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont traité de ces arguments dans leurs motifs : (2006), 290 F.T.R. 313, 2006 CF 509, et [2008] 1 R.C.F. 270, 2007 CAF 182. Bien que cet argument ait été présenté sous un jour différent, en mettant l’accent sur la question de savoir si les responsables canadiens ont contrevenu aux obligations internationales en matière de droit de la personne vu l’arrêt Hape, il ne s’agit pas d’un argument entièrement nouveau. [16] Les avocats de l’intimé ont avisé les avocats des appelants en décembre 2007 de leur intention de présenter des arguments fondés sur l’arrêt Hape. Toute inquiétude quant à la possibilité pour les appelants de répondre à ces arguments devrait être dissipée par une ordonnance portant que le dossier de requête des appelants sera soumis à la Cour à titre de réplique dans l’appel. (iv) Requêtes en radiation des mémoires en entier des intervenantes [17] Les arguments invoqués par les appelants à l’appui de la radiation des mémoires des intervenantes sont semblables, pour l’essentiel, à ceux touchant le mémoire de l’intimé. Pour les motifs déjà exposés, le fondement factuel et le caractère justiciable ne constituent pas des motifs de radiation. Ces questions peuvent être débattues dans le cadre de l’appel principal. [18] Il ne reste donc que l’argument selon lequel les intervenantes soulèvent de nouvelles questions. Les arguments invoqués par les intervenantes sont ceux qu’elles ont dit avoir l’intention de plaider lorsqu’elles ont demandé l’autorisation d’intervenir. Les requêtes en radiation ne doivent pas être utilisées pour rouvrir le débat sur les demandes d’autorisation d’intervenir. Pour les motifs exposés plus tôt, il ne s’agit pas de questions entièrement nouvelles. De plus, les intervenantes doivent avoir une certaine marge de manœuvre pour aborder les arguments de droit sous un angle différent, compte tenu de leur obligation de présenter un point de vue nouveau et différent. [19] Les appelants s’opposent à ce que les intervenantes s’appuient, dans leurs mémoires, sur les nouveaux éléments de preuve que la Cour n’a pas encore jugés admissibles. Cette façon de procéder des intervenantes n’a rien de répréhensible. Si la Cour décide que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles, elle ne s’appuiera pas sur eux. En fait, les intervenantes IHRC/HRW ont indiqué, dans leur mémoire, les cas où la preuve sur laquelle elles s’appuient n’a pas encore été jugée admissible, pour que le lecteur et la Cour en soient clairement avisés. [20] Aucune ordonnance n’est rendue concernant les dépens relativement à l’une ou l’autre des requêtes. Requête en vue d’obtenir une ordonnance de mise sous scellés accordée. Requêtes en radiation rejetées. Procureur du ministre de la Justice et autres : Ministère de la Justice, Ottawa. Procureurs de Omar Ahmed Khadr : Parlee McLaws, Edmonton. Procureurs de l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique : Arvay Finlay, Vancouver. Procureurs de University of Toronto, Faculty of Law — International Human Rights Clinic et Human Rights Watch : Goodmans, Toronto University of Toronto, Faculty of Law, Toronto.
Date de l'import : 06/04/2012 Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2008-05-23;2008.csc.29
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