Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, 2002 CSC 46
Brian J. Stewart Appelant
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
Répertorié : Stewart c. Canada
Référence neutre : 2002 CSC 46.
No du greffe : 27860.
2001 : 12 décembre; 2002 : 23 mai.
Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.
en appel de la cour d’appel fédérale
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (2000), 254 N.R. 326, 2000 D.T.C. 6163, [2000] 2 C.T.C. 244, [2000] A.C.F. no 238 (QL), confirmant une décision de la Cour canadienne de l’impôt, 98 D.T.C. 1600, [1998] 3 C.T.C. 2662, [1998] A.C.I. no 310 (QL). Pourvoi accueilli.
Richard B. Thomas et Lisa Wong, pour l’appelant.
Richard Gobeil et Donald G. Gibson, pour l’intimée.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Les juges Iacobucci et Bastarache —
I. Introduction
1 Notre Cour est appelée, en l’espèce, à examiner l’utilisation qui peut être faite de ce qui est maintenant connu sous le nom de critère de l’« expectative raisonnable de profit ». Ce critère émane des commentaires suivants du juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans l’arrêt de principe Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, p. 485 :
Il y a d’abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une « source » de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L’expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise . . .
2 Depuis lors, la jurisprudence relative à l’application de ce critère a varié. Dans certains cas, les tribunaux ont conclu que le critère de l’expectative raisonnable de profit ne devait être appliqué qu’à l’étape préliminaire où il s’agit de distinguer les activités commerciales des activités personnelles, alors que, dans d’autres cas, ils ont eu recours à ce critère pour apprécier la rentabilité de diverses entreprises commerciales exploitées de bonne foi en vue de déterminer si le contribuable avait une source de revenu et, partant, s’il pouvait déduire des pertes relatives à cette source.
3 Nous sommes en présence d’un tel cas en l’espèce. L’appelant, Brian Stewart, a acheté quatre unités condominiales dont il a tiré des revenus de location. Au cours des années d’imposition en cause, l’appelant a subi des pertes découlant principalement de frais d’intérêts élevés. Le ministre a refusé la déduction de ces pertes pour le motif que le contribuable n’avait aucune expectative raisonnable de profit et donc aucune source de revenu.
4 À notre avis, l’analyse de l’expectative raisonnable de profit ne saurait être maintenue comme critère indépendant pour déterminer l’existence d’une source de revenu, car cela irait à l’encontre du principe selon lequel les tribunaux doivent éviter d’innover et d’établir des règles en matière de droit fiscal. Même si les expressions « attente raisonnable de profit » et « espoir raisonnable de tirer un profit » figurent dans la Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63 (la « Loi »), leur utilisation par le législateur ne justifie pas l’application générale que les tribunaux en ont fait. En outre, le critère de l’expectative raisonnable de profit est imprécis, ce qui engendre une incertitude malencontreuse chez les contribuables. De même, la nature du critère a favorisé le recours à une évaluation rétrospective du sens des affaires de contribuables pour refuser la déduction de pertes subies dans des entreprises commerciales qui, quoique infructueuses, avaient été exploitées de bonne foi.
5 Il est incontesté que la notion de « source de revenu » est un élément fondamental du régime fiscal canadien. Cependant, tout critère d’appréciation de l’existence d’une source doit reposer fermement sur le texte et l’économie de la Loi. En conséquence, pour déterminer si une activité particulière constitue une source de revenu, le contribuable doit démontrer qu’il a l’intention d’exercer cette activité en vue de réaliser un profit, et présenter des éléments de preuve étayant cette intention. Ce critère a pour objet de distinguer les activités commerciales des activités personnelles. Lorsqu’une activité exercée dans le but de réaliser un profit ne comporte aucun aspect personnel ou récréatif, cette activité est commerciale et la recherche d’un profit par le contribuable est établie. Cependant, lorsqu’on soupçonne que l’activité du contribuable est un passe-temps ou une démarche personnelle plutôt qu’une entreprise commerciale, la prétendue expectative raisonnable de profit est un facteur parmi d’autres qui peut être pris en considération pour déterminer si le contribuable a l’intention d’exploiter une entreprise commerciale.
6 Dans le présent pourvoi, le contribuable a acheté quatre biens locatifs qu’il a loués à des parties sans lien de dépendance afin d’en tirer un revenu de location. La démarche du contribuable ne comportait aucun aspect personnel et sa nature commerciale n’a jamais été mise en doute. Par conséquent, les activités locatives de l’appelant constituent une source de revenu dont il peut déduire les pertes qui en ont découlé. Nous sommes donc d’avis d’accueillir le pourvoi.
II. Les faits
7 L’appelant a occupé des postes de cadre supérieur au sein de la Commission de transport de Toronto au cours des années 1990 à 1992, qui sont les années d’imposition en cause dans le présent pourvoi. Entre 1986 et 1992, son revenu annuel est passé de 65 000 $ à plus de 90 000 $. Il avait aussi de l’expérience en placement immobilier et avait déjà acquis et vendu plusieurs biens locatifs.
8 En 1986, l’appelant a acquis les quatre unités condominiales locatives visées par le présent pourvoi. Ces propriétés faisaient partie d’un projet immobilier en consortium dont le groupe Reemark assurait la promotion, et elles étaient vendues sur la base suivante : les acheteurs obtiendraient des unités clés en main, la gestion serait assurée et un accord de mise en commun des locations serait conclu. Le groupe Reemark s’occupait aussi du financement des projets.
9 Les deux premières unités, les unités « White Oaks », situées à London (Ontario), ont été achetées au prix unitaire de 72 990 $. Ces unités étaient financées au moyen d’un prêt garanti par une hypothèque de premier rang de 52 553 $, amorti à l’origine sur une période de 30 ans. Le financement du solde était assuré par deux billets d’un montant total de 19 437 $. Les deux autres unités, les unités « Park Woods », situées à Surrey (Colombie-Britannique), ont été payées 74 990 $ et 58 990 $ respectivement et financées de la même façon. Toutes les unités ont été acquises à fort degré d’endettement, l’appelant ne versant pour chacune qu’un acompte de 1 000 $. On a fourni à l’appelant des projections de revenus et de dépenses de location pour chacune des propriétés. Selon ces projections, le remboursement des billets s’échelonnerait sur un certain nombre d’années, la dernière étant l’année 1994. On prévoyait également des mouvements de trésorerie négatifs et des déductions d’impôt sur le revenu pour une période de 10 ans dans tous les cas. Toutefois, les résultats de la location des quatre unités se sont révélés pires que ceux que Reemark avait mentionnés à l’appelant dans ses projections, en raison de taux de location plus bas et de taux d’inoccupation plus élevés que ceux qui avaient été anticipés.
10 L’appelant a tenté de réduire le montant de la dette qui grevait les unités. En 1991, il a accéléré la fréquence des paiements des hypothèques de premier rang des unités en effectuant des versements hebdomadaires plutôt que mensuels, ce qui a permis de réduire sensiblement la période d’amortissement. Il a vendu l’une des unités Park Woods en 1991 et s’est servi du produit de la vente pour rembourser la dette de l’autre unité. En 1994, il avait remboursé les billets à l’égard de toutes les unités. En 1995, l’appelant s’est également retiré de l’accord de mise en commun des locations White Oaks en raison des taux d’inoccupation élevés et d’une mauvaise gestion, et il a fondé sa propre société de gestion. En 1996, il a changé de compagnie de gestion pour l’unité Park Woods.
11 Pour les années d’imposition 1990, 1991 et 1992, l’appelant a demandé la déduction de pertes de 27 814 $, 18 673 $ et 12 306 $ respectivement. Ces pertes découlaient principalement des frais d’intérêts payés sur les sommes empruntées pour acheter les unités. Le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations dans lesquelles il a refusé la déduction des pertes demandée par l’appelant à l’égard des unités pour ces années d’imposition, pour le seul motif que celui‑ci n’avait pas d’attente raisonnable de profit pour les années en cause.
12 L’appelant a prétendu que le fait que l’achat des propriétés ait été financé presque en totalité ne permettait pas de déterminer s’il avait une attente raisonnable de profit. Il a également soutenu qu’il devait pouvoir déduire les frais de crédit relatifs aux sommes empruntées pour financer les pertes locatives. L’intimée a fait valoir que l’appelant n’avait pas d’attente raisonnable de profit et qu’il avait acheté les propriétés pour qu’elles servent d’abri fiscal, attiré par l’espoir d’obtenir des déductions d’impôt et de réaliser les gains en capital prévus par le vendeur Reemark. L’appelant avait adopté le plan du vendeur plutôt que de s’en tenir à ses pratiques habituelles en matière de placement, et il avait choisi de ne pas rembourser la créance exigible à des moments où il disposait manifestement de l’argent nécessaire à cette fin.
13 La Cour canadienne de l’impôt a conclu que les pertes locatives de l’appelant n’étaient pas déductibles dans le calcul de son revenu aux fins d’impôt parce qu’il n’y avait aucune attente raisonnable de profit. La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel.
III. Dispositions législatives pertinentes
14 Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63 (maintenant L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.))
9. (1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.
18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :
a) un débours ou une dépense sauf dans la mesure où elle a été faite ou engagée par le contribuable en vue de tirer un revenu des biens ou de l’entreprise ou de faire produire un revenu aux biens ou à l’entreprise;
. . .
h) le montant des frais personnels ou des frais de subsistance du contribuable — à l’exception des frais de déplacement engagés par celui‑ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise alors qu’il était absent de chez lui;
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition, peuvent être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s’y rapportant :
. . .
c) une somme payée dans l’année ou payable pour l’année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu), en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur
(i) de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien . . .
. . .
ou une somme raisonnable à cet égard, le moins élevé des deux montants étant à retenir;
248. (1) Dans la présente loi,
. . .
« frais personnels ou de subsistance » comprend
a) les dépenses inhérentes aux biens entretenus par toute personne pour l’usage ou l’avantage du contribuable ou de toute personne unie à ce dernier par les liens du sang, du mariage ou de l’adoption, et non entretenus dans le but ou avec l’espoir raisonnable de tirer un profit de l’exploitation d’une entreprise . . .
IV. Jugements des tribunaux d’instance inférieure
A. Cour canadienne de l’impôt, 98 D.T.C. 1600
15 Selon le juge McArthur, la question était de savoir si l’appelant avait un espoir raisonnable de tirer des propriétés locatives un profit suffisant pour qu’existe une source de revenu dont il pourrait déduire les pertes locatives subies pendant les années en cause. Tout en reconnaissant que les observations formulées par le juge Robertson, dans l’arrêt Mohammad c. Canada, [1988] 1 C.F. 165 (C.A.), au sujet de l’attente raisonnable de profit constituaient une opinion incidente, le juge McArthur a estimé qu’elles étaient intéressantes et utiles pour trancher la question en litige. À la lumière de ces observations, il a considéré qu’il s’agissait essentiellement de savoir si l’appelant avait l’intention de rembourser le principal dû à l’égard des unités locatives, indépendamment de la question de savoir s’il l’avait vraiment fait. En l’absence d’intention de réduire le principal dû à l’égard de chaque unité, il ne pouvait y avoir d’attente raisonnable de profit.
16 Le juge McArthur a affirmé que, selon le plan Reemark, les pertes locatives étaient déduites des revenus et un gain était en fin de compte réalisé à la suite de l’augmentation prévue de la valeur des propriétés. Ce plan ne prévoyait donc pas qu’on devait s’attendre à tirer un profit du revenu de location.
17 Tout en notant que l’appelant s’était quelque peu écarté du plan Reemark, le juge McArthur a estimé intéressant le fait qu’il avait dérogé à sa pratique habituelle ayant consisté à verser 25 pour 100 du prix d’achat de ses biens locatifs antérieurs afin de réduire le risque que les dépenses engagées en vue de tirer un revenu excèdent le montant du revenu de location. Il a également souligné qu’en 1988 l’appelant avait décidé d’avancer une somme de 40 000 $ au titre du principal en vue de l’achat d’un condominium destiné à son usage personnel, et qu’en 1990 il avait investi un montant de 50 000 $ dans un REÉR au lieu de continuer à rembourser sa dette. Il avait donc eu, à maintes reprises, la possibilité de réduire la dette impayée et il avait décidé de ne pas le faire. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le juge McArthur a dit qu’il n’était pas convaincu que le plan suivi par l’appelant avait été réaliste en ce qui concernait la possibilité de rembourser une partie suffisante du principal dû à l’égard des propriétés en cause pour générer des mouvements de trésorerie positifs. En conséquence, il a conclu que le critère de l’attente raisonnable de profit n’était pas respecté et que, par conséquent, l’appelant ne disposait d’aucune source de revenu dont il pourrait déduire des dépenses en vertu de l’al. 20(1)c).
B. Cour d’appel fédérale, [2000] A.C.F. no 238 (QL)
18 Le juge Rothstein a fait remarquer, au nom de la cour, que le critère de l’attente raisonnable de profit a été établi dans le célèbre arrêt Moldowan, précité. Dans cet arrêt, le juge Dickson a statué que, pour avoir une source de revenu aux fins d’application de la Loi, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L’appelant soutenait que le critère de l’arrêt Moldowan ne s’appliquait que s’il y avait un élément d’usage personnel, de sorte qu’il ne s’appliquait pas aux propriétés en cause. Le juge Rothstein a rejeté cet argument en affirmant, au par. 7, que « [l]e principe de l’arrêt Moldowan veut que pour avoir une source de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une attente raisonnable de profit. »
19 Le juge Rothstein a fait observer que le critère de l’attente raisonnable de profit ne permet pas au ministre d’évaluer après coup le sens des affaires dont a fait preuve le contribuable, mais il a conclu que ce n’était pas pour cette raison que le juge de la Cour de l’impôt avait conclu à l’absence d’attente raisonnable de profit en l’espèce. Selon le juge Rothstein, la conclusion de ce tribunal était fondée sur le fait que le plan Reemark ne prévoyait pas qu’on devait s’attendre à tirer un profit du revenu de location, et qu’il prévoyait plutôt que les pertes locatives seraient déduites d’autres revenus et qu’un gain serait éventuellement réalisé à la suite de l’augmentation de la valeur de la propriété. Le juge Rothstein a aussi accepté la conclusion du juge de la Cour de l’impôt que l’appelant n’avait pas de plan réaliste en vue de réaliser un profit. Il s’ensuivait qu’il n’y avait pas de source de revenu et que, partant, les frais d’intérêts déclarés par l’appelant n’étaient pas déductibles en vertu de l’al. 20(1)c).
V. Questions en litige
20 1. Le critère de l’« expectative raisonnable de profit » établi par notre Cour dans l’arrêt Moldowan est-il le critère qui s’applique pour déterminer si le contribuable a une source de revenu constituée d’une entreprise ou d’un bien au sens de la Loi ? Dans la négative, quel est le critère applicable?
2. Les tribunaux d’instance inférieure ont-ils commis une erreur en refusant à l’appelant le droit de déduire ses frais d’intérêts conformément aux dispositions de l’al. 20(1)c) de la Loi, pour le motif qu’il n’y avait pas de source de revenu?
VI. Analyse
A. Le critère applicable pour déterminer si le contribuable a une source de revenu constituée d’une entreprise ou d’un bien au sens de la Loi
(1) Bref aperçu de la jurisprudence antérieure à l’arrêt Moldowan
21 Il est bien accepté que le régime fiscal canadien a emprunté la notion de « source » aux lois fiscales anglaises, et que la Loi a toujours fait état de revenus tirés de diverses « sources » : voir V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax (6e éd. 2000), p. 102-103. Le mot « source » n’est toutefois pas défini dans la Loi et il appartient aux tribunaux de déterminer la nature et la portée des diverses sources de revenu dans la Loi.
22 En ce qui a trait à l’expression « attente raisonnable de profit » ou « espoir raisonnable de tirer un profit », elle est apparue pour la première fois sous la forme de l’expression « expectative raisonnable d’un bénéfice » dans la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, S.R.C. 1927, ch. 97 (auparavant S.C. 1917, ch. 28) (« LIGR »), à la suite d’une modification apportée en 1939, ajoutant la définition de « frais personnels et frais de subsistance » à la LIGR : S.C. 1939, ch. 46, art. 2. Selon cette définition, l’expression « frais personnels et frais de subsistance » comprenait :
. . . les dépenses inhérentes aux propriétés qu’une personne maintient pour l’usage ou à l’avantage d’un contribuable ou de toute personne qui lui est apparentée par le sang, le mariage ou l’adoption, et qui ne sont pas maintenues en vue d’un commerce exercé de bonne foi à fin lucrative et avec l’expectative raisonnable d’un bénéfice;
Cette définition s’appliquait à l’al. 6f) LIGR, qui se lisait ainsi : « Dans le calcul de la somme des profits ou gains à imposer, il ne doit pas être accordé de déduction en ce qui concerne [. . .] [l]es frais personnels et les frais de subsistance ». L’expression semblable « espoir raisonnable de tirer un profit » figure dans la définition quasi inchangée de l’expression « frais personnels ou de subsistance » (qui se trouve désormais au par. 248(1)), elle-même rattachée à l’al. 18(1)h). Ce dernier alinéa interdit la déduction des frais personnels ou de subsistance dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien. On peut donc constater que l’emploi par le législateur de l’expression « attente raisonnable de profit » a peu changé depuis son introduction dans la LIGR.
23 En dépit de cet emploi relativement restrictif de l’expression « attente raisonnable de profit » (visant à interdire la déduction des dépenses relatives à des biens non entretenus dans le but ou avec l’espoir raisonnable de tirer un profit de l’exploitation d’une entreprise), un auteur souligne que plusieurs décisions ont commencé à en étendre l’utilisation en considérant que l’« attente raisonnable de profit » est une exigence générale de la notion de « source de revenu » :
[traduction] La première suggestion en ce sens apparaît effectivement dans la décision J.S. Stewart c. MRN rendue en 1964 dans une affaire portant sur l’élevage de chiens destinés à servir dans des publicités par panneau-réclame, où la cour a dit (en exprimant une opinion incidente) qu’une entreprise doit être « exploitée de bonne foi avec l’expectative raisonnable de bénéfice » [[1964] C.T.C. 45, p. 51 (C. de l’É.)]. Sept ans plus tard, en 1971, dans la décision CBA Engineering Ltd. c. MRN [71 D.T.C. 5282, p. 5286], la Division de première instance de la Cour fédérale a dit qu’une exploitation agricole pouvait être soit un passe‑temps, soit une « entreprise exploitée avec une expectative de profit », auquel cas elle serait une source. Cette décision a été suivie en 1972 par O. Dorfman c. MRN [[1972] C.T.C. 151, p. 154], une autre affaire d’exploitation agricole où la Division de première instance de la Cour fédérale a affirmé : « À mon avis, cette expression [source de revenu] est employée dans le sens d’une entreprise, d’un emploi ou d’un bien dont on peut raisonnablement espérer tirer un profit net ».
(C. Fien, « To Profit or Not to Profit : A Historical Review and Critical Analysis of the “Reasonable Expectation of Profit” Test » (1995), 43 Rev. fisc. can. 1287, p. 1298)
L’auteur en conclut, à la p. 1299, qu’ [traduction] « [i]l semble que les décisions CBA Engineering Ltd., Dorfman et [D.A.] Holley [c. MRN, [1973] C.T.C. 539 (C.F. 1re inst.)] aient bien pu servir de tremplin à l’adoption par Revenu Canada d’un critère général de l’“attente raisonnable de profit”. » De toute façon, ces premières décisions ne sont sûrement pas étrangères à l’arrêt Moldowan.
24 Dans l’affaire Moldowan, le contribuable exerçait une activité liée aux courses de chevaux. Le ministre avait concédé que cette activité constituait une entreprise; la question soumise à la Cour était de savoir si l’agriculture constituait la principale source de revenu du contribuable, de sorte qu’il puisse déduire la totalité de ses pertes en vertu de l’art. 13 de la Loi. Les observations suivantes que le juge Dickson a formulées, aux p. 485-486, au sujet de l’« expectative raisonnable de profit », constituaient une opinion incidente :
Il y a d’abord eu controverse, mais il est maintenant admis que pour avoir une « source » de revenu, le contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit. L’expression source de revenu équivaut donc au terme entreprise : Dorfman c. M.R.N., [1972] C.T.C. 151. Voir également l’al. 139(1)ae) de la Loi de l’impôt sur le revenu qui inclut à titre de « frais personnels ou frais de subsistance », donc non déductibles aux fins de l’impôt, les dépenses inhérentes aux propriétés entretenues par le contribuable pour son propre usage et avantage, et non entretenues relativement à une entreprise exploitée en vue d’un profit ou dans une expectative raisonnable de profit. Si le contribuable, en exploitant sa ferme, se livre simplement à un passe‑temps, sans expectative raisonnable de profit, il ne peut réclamer aucune déduction pour les dépenses engagées.
Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l’expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s’en dégage aucune constante. À mon avis, on doit s’appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants : l’état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s’engager, la capacité de l’entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l’allocation à l’égard du coût en capital. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l’importance de l’entreprise : La Reine c. Matthews (1974), 74 D.T.C. 6193. Personne ne peut s’attendre à ce qu’un fermier qui achète une affaire déjà productive subisse au départ les mêmes pertes que celui qui met sur pied une exploitation forestière sur un terrain vierge.
25 Depuis que l’arrêt Moldowan de notre Cour a été rendu, le ministre et les tribunaux ont appliqué le critère de l’« expectative raisonnable de profit » ou critère de l’ERP dans diverses situations pour déterminer si un contribuable disposait d’une source de revenu, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’un bien. Toutefois, comme l’indique l’analyse qui précède, assimiler « expectative raisonnable de profit » à « source » de revenu aux fins d’application de la Loi est une extension jurisprudentielle de l’utilisation de l’expression « espoir raisonnable de tirer un profit » dans la définition de « frais personnels ou de subsistance » figurant dans la Loi. Pour cette raison, il convient d’examiner attentivement le critère de l’ERP pour décider s’il y a lieu de l’accepter comme critère indépendant servant à déterminer l’existence d’une source ou s’il y a une meilleure façon de déterminer l’existence d’une source. À vrai dire, la grande diversité de façons dont les tribunaux ont abordé le critère de l’ERP requiert en soi des éclaircissements.
(2) La jurisprudence relative à l’ERP qui a suivi l’arrêt Moldowan
26 Depuis l’arrêt Moldowan, les tribunaux sont partagés en ce qui a trait à l’acceptation de l’analyse de l’ERP comme critère applicable pour déterminer l’existence d’une source de revenu; un bref examen d’une partie de la jurisprudence portant sur cette question constitue un bon point de départ pour évaluer le critère établi dans l’arrêt Moldowan.
27 Malgré la gamme de positions qui y ont été adoptées, les affaires dans lesquelles le ministre a refusé la déduction de dépenses ou de pertes en invoquant l’« absence d’expectative raisonnable de profit » peuvent généralement être réparties dans deux catégories. Il y a d’abord celles où l’on accepte que le critère soit appliqué lorsque les activités du contribuable ne comportent aucun aspect personnel, et celles où l’on statue que ce critère est inapplicable sauf si la démarche en cause comporte un aspect personnel ou récréatif.
28 Dans l’arrêt Landry c. Ministre du Revenu national (1994), 173 N.R. 213, par. 1 et 3, la Cour d’appel fédérale, à la majorité, a statué que le contribuable qui retournait à la pratique du droit à 71 ans, après avoir pris sa retraite, ne satisfaisait pas au critère de l’ERP et ne disposait donc d’aucune source de revenu dont il pouvait déduire les pertes subies dans le cadre de sa pratique. S’exprimant au nom des juges majoritaires, le juge Décary a cité et accepté l’application du critère par le juge de la Cour de l’impôt :
Je ne vois pas de raison pour laquelle le critère de l’espoir raisonnable de profit ne s’appliquerait pas à toute profession, libérale ou non, à tout métier ou à toute activité qui est proposée comme constituant l’exploitation d’une entreprise. D’après moi, l’espoir raisonnable de profit est un critère d’application générale relatif à toute activité qui pourrait donner lieu à un revenu d’entreprise . . . [Nous soulignons.]
Le juge Décary a ensuite conclu ceci :
Quelqu’un peut bien, avec la meilleure volonté du monde, exercer une activité qui prend tout son temps, sans que cette activité ne devienne pour autant une entreprise pour les fins de la Loi de l’impôt sur le revenu [. . .] N’est en effet entreprise, aux fins de déterminer s’il y a source de revenu, qu’une activité qui est profitable ou qui est exercée avec un espoir objectif raisonnable de profit . . . [Nous soulignons.]
29 Cette décision a été suivie dans l’arrêt Hugill c. Canada, [1995] A.C.F. no 655 (QL) (C.A.), où la cour a refusé les déductions demandées par le contribuable à l’égard de biens locatifs. Au paragraphe 2, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de la Cour canadienne de l’impôt que le plan d’affaires du contribuable était irréaliste et que, par conséquent, il n’y avait aucune expectative raisonnable de profit :
Dans sa décision, le juge a pris les éléments suivants en considération : les pertes constantes subies par le contribuable depuis 1984; l’absence des améliorations nécessaires pour que les biens puissent être loués durant les saisons d’été et d’hiver; le fait que l’entreprise a été et continue d’être sous‑capitalisée. Il est vrai que le requérant possédait un « plan » qui, s’il s’était concrétisé, aurait pu raisonnablement entraîner un profit, mais ce plan a malheureusement changé au fil des ans en fonction de la situation financière personnelle du contribuable. Dans les circonstances, le raisonnement du juge Décary dans l’affaire Landry [c. Ministre du Revenu national (1994), 173 N.R. 213, par. 1 et 3], est particulièrement pertinent : « Il vient donc un temps, dans la vie de toute entreprise déficitaire, où le ministre doit pouvoir déterminer objectivement [. . .] qu’un espoir raisonnable de profit s’est transformé en rêve impraticable. »
30 Une approche similaire a été adoptée dans l’affaire Sirois c. M.R.N., [1987] A.C.I. no 824 (QL), où le contribuable avait exploité une entreprise de restauration ayant subi des pertes de 1976 à 1984. Le ministre a refusé la déduction des pertes pour les années d’imposition 1981 et 1982. Le juge en chef Couture a examiné l’exploitation de l’entreprise, y compris le nombre de places et les heures d’ouverture, afin de déterminer s’il existait une expectative raisonnable de profit qui permettrait au contribuable de déduire ses pertes. À la page 3, il a conclu que :
. . . pour l’année d’imposition 1981, considérant que le restaurant était opéré avec un effectif de vingt (20) places seulement, quatre jours par semaine et que depuis 1976 les opérations s’étaient soldées à pertes qu’une expectative raisonnable de profit dans ces circonstances n’était pas réaliste.
Par ailleurs pour l’année d’imposition 1982 alors qu’il s’agissait d’une toute nouvelle situation de faits, je suis d’opinion que l’intimé [. . .] n’était pas justifié de présumer qu’une expectative raisonnable de profit n’existait pas dans de telles circonstances.
31 Même si des décisions comme Landry, Hugill et Sirois témoignent de la volonté de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale de réexaminer les décisions commerciales des contribuables, dans l’arrêt Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73, la Cour d’appel fédérale a semblé tempérer quelque peu cette approche. Dans cette affaire, les contribuables avaient acquis un bien locatif qui a entraîné des pertes. En autorisant la déduction de ces pertes par les contribuables, le juge Linden a formulé les observations suivantes au sujet du critère de l’ERP (aux par. 26 et 28) :
Cependant, le respect des objets de la Loi exige‑t‑il que les déductions de pertes provenant d’entreprises exploitées de bonne foi soient refusées pour la simple raison que le contribuable a fait preuve de mauvais jugement? Je ne le crois pas. Si l’examen de la bonne foi du contribuable est nettement justifié dans certains cas, le régime fiscal ne devrait pas décourager ou pénaliser les contribuables qui ont pris des décisions honnêtes, mais erronées. Le régime d’imposition n’est pas fondé sur l’examen du sens des affaires de façon à accorder les déductions aux contribuables perspicaces et à les refuser à ceux qui ont manqué de jugement . . .
. . .
Par conséquent, le critère de l’arrêt Moldowan est un critère utile qu’il est possible d’appliquer pour conclure qu’une activité du contribuable est inappropriée en l’absence d’éléments de preuve plus directs. Ainsi, lorsque les circonstances ne soulèvent nullement la question de savoir si une perte d’entreprise a été engagée dans un but personnel ou dans un but non lié à l’entreprise, le critère devrait être appliqué avec modération et avec une latitude favorisant le contribuable, dont le sens des affaires a peut‑être fait défaut.
Le juge Linden a toutefois ajouté que les tribunaux pouvaient décider que, « même si le contribuable désirait vraiment tirer profit d’une activité purement commerciale, l’intention n’était pas réaliste, l’attente de profit n’était pas raisonnable et, par conséquent, l’activité n’était pas une entreprise » (par. 36).
32 Dans l’arrêt Corbett c. Canada, [1997] 1 C.F. 386 (C.A.), le juge Linden a appliqué le critère de l’ERP à la situation d’un contribuable qui avait cessé d’effectuer les versements hypothécaires relatifs à un bien locatif dont la vente au créancier hypothécaire avait par la suite été ordonnée. Le ministre a refusé la déduction du montant des intérêts versés sur le prêt hypothécaire pendant la période ayant précédé la vente du bien au créancier hypothécaire, pour le motif que le contribuable n’avait alors aucune expectative raisonnable de profit. Le juge Linden a confirmé la cotisation du ministre ainsi que l’application du critère de l’ERP à ces faits (au par. 20) :
En pareils cas, lorsqu’il est clair qu’aucun profit ne pourrait être réalisé au cours de l’année ou à l’avenir, en raison de la procédure de vente judiciaire, l’arrêt Moldowan s’applique [. . .] Il ne s’agit pas ici de reconsidérer de mauvaises décisions commerciales qui ne génèrent pas de profit, comme c’était le cas dans l’affaire Tonn.
33 Contrairement aux affaires susmentionnées, d’autres décisions, en particulier celles rendues par le juge Bowman de la Cour canadienne de l’impôt, ont adopté un point de vue différent au sujet de l’applicabilité du critère de l’ERP. Dans la décision Allen c. Canada, [1999] A.C.I. no 499 (QL), conf. par [2000] A.C.F. no 1651 (QL) (C.A.), le juge Bowman (maintenant Juge en chef adjoint) a conclu, aux par. 18‑25, que le critère de l’ERP ne s’appliquait pas à une situation semblable à celle dont nous sommes saisis en l’espèce, où, avec un financement presque total, les contribuables formaient une société qui exploitait une entreprise de location et qui a subi des pertes :
À mon avis, l’intimée a mal appliqué la doctrine de l’absence d’attente raisonnable de profit. Nous sommes en présence ici de deux particuliers qui ont investi, par l’intermédiaire d’une société en commandite, dans une entreprise parfaitement viable qui a commencé à réaliser des bénéfices dans la deuxième année d’activité. Il n’y avait aucun élément personnel — ni l’un ni l’autre appelant n’avait l’intention de résider dans les appartements . . .
. . .
Comment, alors, le fait que l’acquisition des participations dans la société en commandite a été financée en grande partie par un emprunt au moyen de billets et de billets de second rang à ce qui, selon la preuve, était un taux d’intérêt favorable, transforme‑t‑il une entreprise viable et rentable en une entreprise qui n’est ni une entreprise ni une source de revenu au motif qu’il n’y a aucune attente raisonnable de profit? Il était clairement question d’un investissement à long terme fait de bonne foi, et l’on s’attendait à ce que, en temps et lieu, des versements soient effectués sur l’emprunt, lequel finirait par être remboursé, les appelants se retrouvant avec un investissement durable. La thèse du ministre, comme en font foi les parties de l’interrogatoire préalable qui ont été versées au dossier, est que, une fois que le revenu de la société aura excédé les frais d’intérêt, ce qui n’est pas pour l’instant une entreprise deviendra une entreprise, et le ministre commencera à imposer le revenu de celle‑ci.
. . .
Quoi que l’on puisse dire d’autre sur le financement à 99 p. 100 d’un investissement, on ne peut certainement pas dire que, par voie de conséquence, le véhicule dans lequel le contribuable a investi n’exploitait pas une entreprise. Cela est erroné sur le plan de la logique, du droit et du bon sens. Le ministre cherche à limiter la déduction de l’intérêt permise à l’alinéa 20(1)c) en faisant valoir la sempiternelle absence d’attente raisonnable de profit, alors qu’il est évident et admis que la société exploite une entreprise rentable.
. . .
La doctrine de l’absence d’attente raisonnable de profit s’applique peut‑être dans une certaine mesure lorsqu’une personne essaie de déduire les pertes qu’a entraînées un passe‑temps comme la course de chevaux (Rai v. The Queen, 8 février 1999, no de dossier 98‑925(IT)I), ou la collection de vieilles bouteilles de Coca‑Cola (Kaye [c. Canada, [1998] A.C.I. no 265 (QL)]), ou qu’elle loue une partie d’un sous‑sol à un parent et tente ensuite de déduire 2/3 des frais se rapportant à la maison. La doctrine s’applique au stade initial, qui consiste à mettre en cause l’existence d’une entreprise. Lorsqu’il n’y a aucun élément personnel et qu’une entreprise véritable existe, la doctrine de l’absence d’attente raisonnable de profit ne s’applique pas . . . [Nous soulignons.]
Le juge Bowman a exprimé un point de vue semblable dans diverses décisions : voir, par exemple, Nichol c. Canada, [1993] A.C.I no 541 (QL); Bélec c. Canada, [1994] A.C.I no 595 (QL); Kaye c. Canada, [1998] A.C.I. no 265 (QL).
34 Il ressort clairement de ce bref survol que le critère de l’ERP n’a pas été interprété ni appliqué de façon uniforme. Les décisions portant sur cette notion forment un éventail. À une extrémité, il y a les décisions où l’on considère que l’ERP est le critère applicable pour apprécier la viabilité du plan d’affaires du contribuable, quelle que puisse être l’activité en cause, et pour déterminer si cette activité mérite d’être considérée comme une « source de revenu ». À l’autre extrémité, il y a les décisions où l’on a recours à l’analyse de l’ERP seulement lorsque l’activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif et, le cas échéant, uniquement pour déterminer si l’activité est suffisamment commerciale pour être qualifiée de « source de revenu ». Le seul message cohérent qui se dégage d’un examen de la jurisprudence ayant suivi Moldowan est qu’il est nécessaire de clarifier le rôle que doit jouer le critère de l’« expectative raisonnable de profit ».
(3) Problèmes posés par le critère de l’ERP
35 Depuis l’arrêt Moldowan, un nombre relativement élevé de juges et d’auteurs ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un mauvais usage du critère de l’ERP. Ces commentaires peuvent généralement être répartis dans deux catégories. Premièrement, certains critiques prétendent qu’il n’y a aucune raison légale de recourir au critère de l’« expectative raisonnable de profit » pour déterminer l’existence d’une source de revenu. Deuxièmement, l’on fait valoir que, même si l’arrêt Moldowan a effectivement établi un critère légitime pour déterminer l’existence d’une source, ce critère est problématique et doit être rejeté.
36 Dans ses observations incidentes concernant l’expectative raisonnable de profit, le juge Dickson cite la décision Dorfman c. Canada (Ministre du Revenu national — M.R.N.), [1972] A.C.F. no 200 (QL) (T.D.), à l’appui de la proposition selon laquelle, pour avoir une source de revenu, le contribuable doit avoir une expectative raisonnable de profit. Toutefois, plusieurs commentateurs ont souligné que la décision Dorfman énonce un principe légèrement différent. Plus particulièrement, la Division de première instance de la Cour fédérale, dans l’affaire Dorfman, était appelée à examiner un argument du ministre selon lequel l’agriculture ne pouvait pas être une source de revenu pour le contribuable étant donné qu’il n’avait tiré aucun revenu net de l’agriculture pendant l’année. En rejetant cet argument, le juge Collier a dit, au par. 16 :
Je ne puis accepter l’interprétation que l’avocat du Ministre donne en l’espèce à l’expression « source de revenu » et suivant laquelle il doit y avoir un revenu net avant de pouvoir dire qu’il y a une source de revenu. À mon avis, cette expression est employée dans le sens d’une entreprise, d’un emploi ou d’un bien desquels on peut raisonnablement espérer tirer un bénéfice.
En d’autres termes, la cour examinait l’argument selon lequel l’expression « source de revenu » exigeait un profit net. En réponse à cet argument particulier, la cour a conclu que, lorsqu’une activité comportait une expectative raisonnable de profit net, cela suffisait pour qu’elle constitue une source de revenu. Autrement dit, le fait d’exercer une activité avec une expectative raisonnable de profit suffit pour que cette activité constitue une source de revenu.
37 On a souligné que, logiquement, le fait qu’une activité exercée avec une expectative raisonnable de profit constitue une condition suffisante pour qu’il y ait source de revenu (la proposition dégagée de la décision Dorfman) ne signifie pas pour autant qu’une expectative raisonnable de profit est une condition nécessaire de l’existence d’une source de revenu (la proposition dégagée de l’arrêt Moldowan) : voir B. S. Nichols, « Chants and Ritual Incantations : Rethinking the Reasonable Expectation of Profit Test », 1996 Conference Report, Report of Proceedings of the Forty-Eighth Tax Conference, vol. 1, 28:1, p. 28-4 et 28‑5; S. Silver, « Great Expectations : Are They Reasonable? », Corporate Management Tax Conference 1995, 6:1, p. 6:6 et 6:7. En d’autres mots, on prétend qu’en sortant les observations de la décision Dorfman de leur contexte particulier pour les appliquer de façon générale, l’arrêt Moldowan a erronément assimilé « source de revenu » à « expectative raisonnable de profit ».
38 En fait, assimiler le terme « entreprise » à l’expression « expectative raisonnable de profit » n’est pas conforme à la définition traditionnelle du mot « entreprise », qui est donnée en common law, à savoir : [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit est une entreprise » (Smith c. Anderson (1880), 15 Ch. D. 247 (C.A.), p. 258; Terminal Dock and Warehouse Co. c. M.R.N., [1968] 2 R.C. de l’É. 78, conf. par 68 D.T.C. 5316 (C.S.C.)). De plus, d’anciennes décisions portant sur la définition à donner au mot « entreprise » ont rejeté l’approche consistant à ne considérer qu’un seul facteur. Par exemple, dans l’arrêt Erichsen c. Last (1881), 4 T.C. 422, p. 423, la Cour d’appel anglaise a dit :
[traduction] Je ne crois pas qu’un principe de droit établisse en quoi consiste l’exploitation d’une entreprise. Ce sont plusieurs faits qui, réunis, constituent l’exploitation d’une entreprise, mais je ne connais aucun fait distinctif qui permette de conclure qu’une pratique, contrairement à une autre, constitue l’exploitation d’une entreprise. Si je peux m’exprimer ainsi, il s’agit d’une situation complexe constituée de divers éléments.
Par conséquent, assimiler « source de revenu » à « expectative raisonnable de profit », à tout le moins dans le cas d’une source constituée d’une entreprise, n’est pas conforme à ces définitions antérieures du mot « entreprise ».
39 On s’est également dit d’avis que, dans l’arrêt Moldowan, le juge Dickson n’a pas voulu énoncer un critère applicable de manière générale pour déterminer l’existence d’une source, mais qu’il n’a fait qu’établir une distinction entre les simples passe-temps et les entreprises exploitées de bonne foi : voir J. R. Owen, « The Reasonable Expectation of Profit Test : Is There a Better Approach? » (1996), 44 Rev. fisc. can. 979, p. 1002. Ce point de vue émane du fait que, dans le même paragraphe où il assimile « entreprise » à « expectative raisonnable de profit », le juge Dickson affirme que « [s]i le contribuable, en exploitant sa ferme, se livre simplement à un passe‑temps, sans expectative raisonnable de profit, il ne peut réclamer aucune déduction pour les dépenses engagées » : Moldowan, précité, p. 485. De même, les tribunaux ont conclu, dans diverses décisions, que le critère de l’arrêt Moldowan n’est applicable que lorsque la démarche du contribuable comporte un aspect personnel : Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, par. 69 et 72; Allen, précité; Nichol, précité; Bélec, précité.
40 Compte tenu de la définition donnée au mot « entreprise » dans la jurisprudence antérieure et de la portée douteuse de la mention incidente de l’« expectative raisonnable de profit » par le juge Dickson dans l’arrêt Moldowan, qui peut également avoir constitué une application erronée de cette expression employée dans la décision Dorfman, l’ERP ne devrait pas être acceptée aveuglément comme étant le critère approprié pour déterminer l’existence d’une « source de revenu ». Cette conclusion est renforcée par le fait que la jurisprudence subséquente couvre toute la gamme des possibilités en ce qui a trait à l’application de la notion d’ERP.
41 On a aussi prétendu que l’utilisation limitée de l’expression « attente raisonnable de profit » ou « espoir raisonnable de tirer un profit » dans la Loi ne justifie pas qu’on l’utilise comme critère indépendant pour déterminer l’existence d’une source. Comme nous l’avons vu, cette expression est apparue pour la première fois, sous la forme de l’expression « expectative raisonnable d’un bénéfice », dans la définition de l’expression « frais personnels et frais de subsistance » contenue dans la Loi. La version actuelle de cette définition, au par. 248(1) (L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)), se lit ainsi :
« frais personnels ou de subsistance » Sont compris parmi les frais personnels ou de subsistance :
a) les dépenses inhérentes aux biens entretenus par toute personne pour l’usage ou l’avantage du contribuable ou de toute personne unie à ce dernier par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption, et non entretenus dans le but ou avec l’espoir raisonnable de tirer un profit de l’exploitation d’une entreprise;
L’expression « frais personnels ou de subsistance » se rapporte à l’al. 18(1)h) de la Loi, qui se lit désormais ainsi :
18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :
. . .
h) le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable — à l’exception des frais de déplacement engagés par celui‑ci dans le cadre de l’exploitation de son entreprise alors qu’il était absent de chez lui;
Silver, loc. cit., p. 6:4, oppose cette utilisation limitée de l’expression « attente raisonnable de profit » par le législateur à l’application plus large qu’en font les tribunaux :
[traduction] De toute façon, alors que la définition de « frais personnels ou de subsistance », figurant au par. 248(1), est non limitative plutôt qu’exhaustive, il est clair que cette disposition et l’al. 18(1)h) ont une application limitée. La mesure législative établit un critère de l’« espoir raisonnable de tirer un profit » uniquement à l’égard des dépenses engagées pour l’entretien de propriétés et uniquement à l’égard de dépenses dont le contribuable peut tirer quelque utilisation ou bénéfice.
Il ressort donc d’un examen de la Loi que les dispositions législatives qui emploient le critère de l’« attente raisonnable de profit » sont de nature spécifique et ne semblent pas appuyer une application large de ce critère par Revenu Canada et les tribunaux.
42 Ainsi, la seule façon d’accepter l’« attente raisonnable de profit » comme critère applicable pour déterminer si un contribuable a une source de revenu consiste à adopter une règle de droit interprétative qui soit indépendante des dispositions de la Loi. Comme notre Cour l’a fait observer dans l’arrêt Entreprises Ludco Ltée c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, 2001 CSC 62, par. 53, « notre Cour a à maintes reprises affirmé que, dans les affaires de droit fiscal, les tribunaux doivent toujours hésiter à innover et à établir des règles ». Même s’il est vrai que le mot « source » n’est pas défini dans la Loi et que les tribunaux doivent souvent déterminer si un contribuable a la source de revenu requise, il existe une distinction entre l’interprétation judiciaire et l’établissement de règles par les tribunaux et, à notre avis, plusieurs décisions ont franchi la ligne de démarcation entre l’utilisation de l’ERP comme outil d’interprétation pour déterminer s’il existe une source de revenu, et l’utilisation de l’ERP comme critère indépendant pour déterminer l’existence d’une « source ». Le fait que le critère de l’ERP ait été appliqué autant à des sources constituées d’une entreprise qu’à des sources constituées d’un bien, réalités complètement différentes par nature, indique que le critère a transcendé son utilisation comme simple outil d’interprétation et qu’il a acquis une existence propre. En effet, dans l’arrêt Tonn, précité, par. 25, le critère établi dans Moldowan a été décrit comme une « formulation jurisprudentielle des objets de la Loi » qui « convient on ne peut mieux aux situations dans lesquelles le contribuable cherche à éviter de payer de l’impôt en structurant ses affaires de façon inappropriée ».
43 Comme l’a affirmé notre Cour dans l’arrêt Canderel Ltée c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, par. 41, « [e]n matière d’impôt sur le revenu, le droit est suffisamment compliqué sans que les tribunaux fassent inutilement des incursions dans le domaine de la création des lois. » À notre avis, la gamme des utilisations et des interprétations judiciaires de l’expression « expectative raisonnable de profit » (ou « attente raisonnable de profit ») et l’incertitude correspondante ainsi engendrée chez le contribuable illustrent les risques inhérents à ce type d’exercice judiciaire. De plus, même si l’on devait accepter l’utilisation du critère de l’ERP comme norme légitime de source de revenu, le grand nombre de difficultés pratiques que suscite son application nous indique que le critère n’est pas approprié à cette fin.
44 On a souligné qu’il est difficile de comprendre ce que signifie exactement le mot « profit » dans le critère de l’ERP. On ne sait pas, par exemple, s’il faut déterminer la capacité de réaliser un profit en tenant compte de l’amortissement et, dans l’affirmative, s’il faut utiliser la déduction pour amortissement ou l’amortissement comptable : voir Roopchan c. Canada, [1995] A.C.I. no 339 (QL), para. 20. Même si la base de calcul du profit était évidente, on ne sait toujours pas au juste combien de profit escompté serait nécessaire, dans quel délai, et si le montant du profit escompté devrait varier selon les risques que comporte l’entreprise : voir Fien, loc. cit., p. 1304-1306. Il se peut, par exemple, qu’une entreprise à risque élevé subisse des pertes importantes dont la déduction pourra être refusée à la suite d’une analyse de l’expectative raisonnable de profit; il est toutefois très improbable que, dans le cas où une telle entreprise devient rentable, le ministre s’abstiendra d’établir une cotisation pour le motif qu’il n’y avait pas d’expectative raisonnable de profit et donc pas d’entreprise.
45 L’imprécision du critère de l’ERP favorise une application rétrospective qui, comme l’a souligné le juge Bowman dans la décision Nichol, précitée, par. 18, cause de l’incertitude et de l’injustice :
[Le contribuable] a fait ce qui peut, rétrospectivement, être considéré comme une erreur de jugement, mais il s’agissait d’une question d’appréciation commerciale et cette appréciation n’était manifestement pas déraisonnable au point d’autoriser cette Cour ou le ministre du Revenu national à y substituer leur propre appréciation ou à pénaliser le contribuable pour avoir pris une décision que moi‑même ou le ministre, forts de la clairvoyance qu’un gérant d’estrade possède toujours, ne prendrions peut‑être pas aujourd’hui . . .
46 De plus, la façon dont une entreprise est financée peut avoir une incidence majeure sur sa rentabilité. L’ampleur du financement, les taux d’intérêt et le niveau auquel l’entreprise est financée (par exemple, financement par les associés par opposition au financement par la société, ou financement par l’entreprise par opposition au financement par les actionnaires) pourront avoir une incidence majeure sur le profit net, et il est difficile de voir pourquoi la qualification d’une entreprise commerciale comme étant une source devrait dépendre de l’ampleur ou du mode de financement : voir Fien, loc. cit., p. 1306-1307.
47 En résumé, au cours des dernières années, le critère de l’ERP établi dans l’arrêt Moldowan est devenu un outil d’application générale dont se servent le ministre et les tribunaux dans toutes sortes de situations où l’on considère que le contribuable n’a pas un espoir raisonnable de tirer profit de l’activité en cause. L’on en déduit que le contribuable n’a aucune source de revenu et, partant, aucune assiette dont il peut déduire des pertes et des dépenses relatives à l’activité. Le critère de l’ERP a été appliqué indépendamment des dispositions de la Loi pour évaluer après coup des décisions commerciales prises de bonne foi par le contribuable, ce qui constitue une dérogation au principe selon lequel les tribunaux devraient éviter d’établir des règles en matière de droit fiscal : voir Ludco, précité; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Canderel, précité; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622. Le critère de l’ERP pose également un problème en raison de son imprécision et de l’incertitude qui règne au sujet de son application; il en résulte un traitement inéquitable et arbitraire des contribuables. En conséquence, l’« expectative raisonnable de profit » ne devrait pas être acceptée comme le critère applicable pour déterminer si les activités d’un contribuable constituent une source de revenu.
(4) « Source de revenu » : l’approche recommandée
48 À notre avis, pour déterminer si un contribuable a une source de revenu, il faut se fonder sur le texte et l’économie de la Loi.
49 La Loi fait état de diverses sources de revenu du contribuable. Au chapitre des règles fondamentales de calcul du revenu à l’art. 3, la Loi prévoit :
3. Le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l’année, déterminé selon les règles suivantes :
a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année [. . .], dont la source se situe à l’intérieur ou à l’extérieur du Canada, y compris, sans restreindre la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien; [Nous soulignons.]
En ce qui a trait aux sources de revenu constituées d’une entreprise ou d’un bien, la règle fondamentale de calcul se trouve à l’art. 9 :
9. (1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.
(2) Sous réserve des dispositions de l’article 31, la perte subie par un contribuable dans une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte, si perte il y a, subie dans cette année d’imposition relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée en appliquant mutatis mutandis les dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.
50 Il est manifeste que, pour que l’art. 9 s’applique, le contribuable doit d’abord déterminer s’il a une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien. Comme nous l’avons vu, une activité commerciale qui ne constitue pas véritablement une entreprise peut néanmoins être une source de revenu constituée d’un bien. De même, il est clair que certaines démarches de contribuables ne sont ni des entreprises, ni des sources de revenu constituées d’un bien, mais sont uniquement des activités personnelles. On peut recourir à la méthode à deux volets suivante pour trancher la question de l’existence d’une source :
(i) L’activité du contribuable est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?
(ii) S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?
Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s’il y a ou non une source de revenu; dans le deuxième volet, on qualifie la source d’entreprise ou de bien.
51 Assimiler la « source de revenu » à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité. De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240. Il est donc logique de conclure qu’une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d’activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien.
52 Ce premier volet du critère vise simplement à établir une distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles et, comme nous l’avons vu, il se peut fort bien que telle ait été à l’origine l’intention du juge Dickson lorsqu’il a mentionné l’« expectative raisonnable de profit » dans l’arrêt Moldowan. Vus sous cet angle, les critères énoncés par le juge Dickson représentent une tentative de dresser une liste objective de facteurs permettant de déterminer si l’activité en cause est de nature commerciale ou personnelle. Ces facteurs sont ce que le juge Bowman a qualifié d’« indices de commercialité » ou de « caractéristiques commerciales » : Nichol, précité, par. 13. Ainsi, lorsque la nature de l’entreprise du contribuable comporte des aspects indiquant qu’elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, mais que l’entreprise est exploitée d’une manière suffisamment commerciale, cette entreprise sera considérée comme une source de revenu aux fins d’application de la Loi.
53 Nous soulignons que ce critère de l’existence d’une source « en vue de réaliser un profit » ne doit faire l’objet d’une analyse que dans les situations où l’activité en cause comporte un aspect personnel ou récréatif. En toute déférence, nous estimons que les tribunaux ont commis une erreur, dans le passé, en appliquant le critère de l’ERP à des activités comme l’exercice du droit et la restauration qui ne comportent aucun aspect personnel de cette nature : voir, par exemple, Landry, précité; Sirois, précité; Engler c. Canada, [1994] A.C.F. no 483 (QL) (1re inst.). Lorsqu’une activité est clairement de nature commerciale, il n’est pas nécessaire d’analyser les décisions commerciales du contribuable. De telles démarches comportent nécessairement la recherche d’un profit. Il existe donc par définition une source de revenu et il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin.
54 Il y a également lieu de souligner que la détermination de l’existence d’une source de revenu n’est pas un processus purement subjectif. Outre le fait que, pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi, tel que mentionné dans l’arrêt Moldowan, que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. Ainsi, sous une forme plus élaborée, le premier volet du critère susmentionné peut être reformulé ainsi : « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.
55 Les facteurs objectifs énumérés par le juge Dickson dans Moldowan, précité, p. 486, étaient (1) l’état des profits et pertes pour les années antérieures, (2) la formation du contribuable, (3) la voie sur laquelle il entend s’engager, et (4) la capacité de l’entreprise de réaliser un profit. Comme nous le concluons plus loin, il n’est pas nécessaire pour les besoins du présent pourvoi d’ajouter d’autres facteurs à cette liste; nous nous abstenons donc de le faire. Nous tenons cependant à réitérer la mise en garde du juge Dickson selon laquelle cette liste ne se veut pas exhaustive et les facteurs diffèrent selon la nature et l’importance de l’entreprise. Nous tenons également à souligner que, même si l’expectative raisonnable de profit constitue un facteur à prendre en considération à ce stade, elle n’est ni le seul facteur, ni un facteur déterminant. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale. Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires du contribuable. C’est la nature commerciale de son activité qui doit être évaluée, et non son sens des affaires.
56 En plus de restreindre l’application du critère permettant de déterminer l’existence d’une source aux activités comportant un aspect personnel, il faut distinguer l’activité que le contribuable qualifie de source de revenu des déductions particulières qu’il associe à cette source. La tentative du contribuable de déduire ce qui est essentiellement une dépense personnelle n’influe pas sur la qualification de la source à laquelle cette déduction se rapporte. Cette distinction analytique est imposée par la structure de la Loi. Si, comme nous l’avons vu, l’art. 9 est la disposition de la Loi où est établie la distinction fondamentale entre l’activité personnelle et l’activité commerciale puis, dans le domaine commercial, entre les sources de revenu constituées d’une entreprise et les sources de revenu constituées d’un bien, la qualification des déductions s’effectue ailleurs. Plus particulièrement, l’al. 18(1)a) exige que les déductions soient attribuées à une source particulière de revenu constituée d’une entreprise ou d’un bien, alors que l’al. 18(1)h) interdit expressément la déduction des frais personnels ou de subsistance du contribuable :
18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable, tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :
a) un débours ou une dépense sauf dans la mesure où elle a été faite ou engagée par le contribuable en vue de tirer un revenu des biens ou de l’entreprise ou de faire produire un revenu aux biens ou à l’entreprise;
. . .
h) le montant des frais personnels ou des frais de subsistance du contribuable . . .
57 Il ressort clairement de ces dispositions que la déductibilité des dépenses présuppose l’existence d’une source de revenu et, partant, qu’elle ne doit pas être confondue avec l’examen préliminaire portant sur l’existence de cette source. Si la déductibilité d’une dépense particulière est en cause, ce n’est pas l’existence d’une source de revenu qui doit être mise en doute, mais plutôt le lien entre cette dépense et la source à laquelle elle est censée se rapporter. Le fait qu’une dépense soit considérée comme faisant partie des frais personnels ou de subsistance n’influe aucunement sur la qualification de la source de revenu à laquelle le contribuable tente de rattacher la dépense; cela signifie simplement que la dépense ne peut être rattachée à la source de revenu en question. De même, si, dans les circonstances, la dépense est déraisonnable eu égard à la source de revenu, alors l’art. 67 de la Loi établit un mécanisme permettant d’en réduire ou d’en supprimer le montant. Là encore, toutefois, des dépenses excessives ou déraisonnables n’ont aucune incidence sur la qualification d’une activité comme étant une source de revenu.
58 Outre le fait que la déductibilité ou la non-déductibilité d’une dépense est une question distincte de celle de l’existence de la source de revenu sous-jacente, il est également vrai que la rentabilité de l’activité à laquelle se rapporte la dépense n’influe pas sur la déductibilité de la dépense. Plus particulièrement, dans un certain nombre d’affaires, les frais d’intérêts élevés du contribuable ont entraîné des pertes nettes, ce qui a amené le ministre à conclure qu’il n’y avait pas d’attente raisonnable de profit et, partant, pas de source de revenu dont les frais d’intérêts pouvaient être déduits. Toutefois, comme nous l’avons vu, l’attente ou l’expectative raisonnable de profit n’est qu’un des facteurs à considérer pour déterminer si une activité est suffisamment commerciale pour être considérée comme une source de revenu. Une fois cette détermination effectuée, on procède à l’examen de la déductibilité pour déterminer si la dépense en cause tombe sous le coup de la disposition ou des dispositions en matière de déduction pertinentes de la Loi. Bien qu’il soit vrai que l’expression « frais personnels ou de subsistance » figurant à l’al. 18(1)h) est définie par rapport à l’expression « espoir raisonnable de tirer un profit », ainsi que nous l’avons fait observer précédemment, cette définition a une portée restreinte. De plus, on a souligné que la définition parle de « but ou [d]’espoir raisonnable de tirer un profit » de l’exploitation d’une entreprise. Toutefois, étant donné que, pour appliquer l’art. 18, il faut préalablement déterminer, en vertu de l’art. 9, qu’il existe une source de revenu constituée d’une entreprise ou d’un bien, et que l’entreprise est définie comme une activité exercée « en vue de réaliser un profit », il est difficile d’imaginer une situation où l’expression « dans le but ou avec l’espoir raisonnable de tirer un profit de l’exploitation d’une entreprise » imposerait d’autres restrictions à l’activité en cause : voir Owen, loc. cit., p. 1009.
59 Les observations du juge Bowman dans la décision Allen, précitée, par. 20 et 22, illustrent bien les problèmes qui découlent de la confusion de la question de l’existence d’une source de revenu avec celle de la déductibilité de dépenses et, en particulier, de frais d’intérêts, et il y a lieu de les reprendre ici :
Comment, alors, le fait que l’acquisition des participations dans la société en commandite a été financée en grande partie par un emprunt au moyen de billets et de billets de second rang à ce qui, selon la preuve, était un taux d’intérêt favorable, transforme‑t‑il une entreprise viable et rentable en une entreprise qui n’est ni une entreprise ni une source de revenu au motif qu’il n’y a aucune attente raisonnable de profit? . . .
. . .
Quoi que l’on puisse dire d’autre sur le financement à 99 p. 100 d’un investissement, on ne peut certainement pas dire que, par voie de conséquence, le véhicule dans lequel le contribuable a investi n’exploitait pas une entreprise. Cela est erroné sur le plan de la logique, du droit et du bon sens. Le ministre cherche à limiter la déduction de l’intérêt permise à l’alinéa 20(1)c) en faisant valoir la sempiternelle absence d’attente raisonnable de profit, alors qu’il est évident et admis que la société exploite une entreprise rentable.
Manifestement, l’existence d’un financement n’indique pas qu’il faut s’abstenir de qualifier de source de revenu l’activité sous-jacente. Au contraire, le fait que le financement d’une activité soit externe est une indication que le contribuable exerce son activité comme le ferait un homme d’affaires sérieux. Ainsi, l’existence d’un financement est un aspect qui ajoute à la commercialité d’une entreprise et qui joue donc en faveur d’une qualification de l’activité comme étant une source de revenu.
60 En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l’activité en cause. Lorsque l’activité ne comporte aucun aspect personnel et qu’elle est manifestement commerciale, il n’est pas nécessaire de pousser l’examen plus loin. Lorsque l’activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d’une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu. Toutefois, refuser la déduction de pertes pour le seul motif que les pertes indiquent l’inexistence d’une entreprise (ou d’un bien) comme source de revenu va à l’encontre du texte et de l’économie de la Loi. La question de savoir s’il existe une entreprise est distincte de celle de la déductibilité des dépenses. Comme l’a laissé entendre l’appelant, refuser des déductions en fonction d’une analyse de l’expectative raisonnable de profit équivaudrait à une règle jurisprudentielle sur la minimisation des pertes, qui serait contraire aux principes d’interprétation établis susmentionnés qui s’appliquent à la Loi. De même, à la différence de nombreuses règles législatives sur la minimisation des pertes, dès que des déductions sont refusées à la suite de l’application du critère de l’ERP, le contribuable ne peut reporter ces pertes sur un revenu futur si jamais l’activité devient rentable. Comme l’a affirmé le juge Bowman, dans la décision Bélec, précitée, par. 16 : « Ce serait [. . .] inacceptable de permettre au ministre [de dire] au contribuable : “Le fait que tu as perdu de l’argent [. . .] prouve que tu n’avais pas d’espoir raisonnable de profit, mais dès que tu gagnes de l’argent, ça prouve que maintenant, tu en as”. »
B. Application à la présente affaire du critère permettant de déterminer l’existence d’une source
61 Comme nous l’avons vu, la question de savoir si l’activité exercée par un contribuable constitue une source de revenu est tranchée en se demandant si le contribuable a l’intention d’exercer cette activité en vue de réaliser un profit et s’il existe des éléments de preuve étayant cette intention. De même, lorsqu’une activité est nettement commerciale et ne comporte aucun aspect personnel, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin. De telles activités sont des sources de revenu.
62 En l’espèce, l’appelant exerçait des activités de location de biens. Il était propriétaire de quatre unités condominiales dont il tirait des revenus de location. Le fait que ces propriétés ne comportaient aucun aspect personnel n’a jamais été mis en doute. Les unités étaient toutes louées à des parties sans lien de dépendance et il n’y avait aucune preuve que l’appelant avait l’intention d’utiliser l’une ou l’autre de ces propriétés à son avantage personnel. À notre avis, une activité de location de bien qui ne comporte aucun élément d’usage ou d’avantage personnel pour le contribuable est nettement une activité commerciale. Pourquoi le contribuable aurait-il consacré temps et argent à cette activité si ce n’est pour réaliser un profit? Par conséquent, l’appelant satisfait au critère d’appréciation de l’existence d’une source de revenu. Même si cela suffit pour trancher le pourvoi, nous estimons que quelques observations additionnelles s’imposent.
63 Même si l’appelant avait utilisé une seule ou plusieurs des propriétés à son avantage personnel, le ministre ne pourrait pas conclure sans plus à l’inexistence d’une entreprise. Le contribuable qui se trouve dans une telle situation devrait avoir l’occasion d’établir que son intention prédominante était de tirer un profit de l’activité et que celle-ci était exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux. La question de l’existence d’une expectative raisonnable de profit peut être un facteur à prendre en considération dans cette analyse.
64 Le ministre et les tribunaux d’instance inférieure ont beaucoup insisté sur le fait que l’appelant escomptait réaliser un gain en capital lors de la vente éventuelle des propriétés. L’on a prétendu que c’était ce gain escompté, et non les profits tirés de la location, qui avait motivé le contribuable. Le ministre a en outre prétendu qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération un gain en capital escompté lorsqu’il s’agit de déterminer si le contribuable avait une attente raisonnable de profit. Le ministre prétendait ainsi que l’appelant n’aurait pas dû être autorisé à déduire ses paiements d’intérêts en vertu du sous-al. 20(1)c)(i) à titre de sommes payées pour de l’argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien. Le ministre a justifié l’application du critère de l’ERP en disant que, pour des considérations de politique générale, les contribuables canadiens ne devraient pas être tenus de subventionner les paiements hypothécaires effectués pour des propriétés dont l’acquisition est motivée principalement par la réalisation à long terme d’un gain en capital.
65 Pour répondre à cet argument, il faut se rappeler que le sous-al. 20(1)c)(i) n’est pas un mécanisme d’évitement fiscal et qu’il est établi que, compte tenu de l’existence de dispositions anti‑évitement particulières dans la Loi, les tribunaux ne devraient pas s’empresser de renforcer les dispositions de la Loi lorsque des inquiétudes sont exprimées concernant l’évitement de l’impôt : Ludco, précité, par. 39; Neuman c. M.R.N., [1998] 1 R.C.S. 770, par. 63. En outre, dans l’arrêt connexe Walls c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 000, 2002 CSC 47, nous soulignons, au par. 22, qu’une motivation d’ordre fiscal n’enlève rien à la validité d’opérations effectuées à des fins fiscales. Ainsi, l’espoir de l’appelant de réaliser éventuellement un gain en capital et la perspective de déduire des frais d’intérêts n’affecte pas la nature commerciale de son entreprise de location ni sa qualification de source de revenu. De plus, dans l’arrêt Ludco, précité, par. 59, notre Cour a expressément dit que le sous-al. 20(1)c)(i) n’oblige pas le contribuable à réaliser un profit net pour que l’intérêt soit déductible :
Le sens ordinaire [du sous-al. 20(1)c)(i)] n’appuie pas l’interprétation selon laquelle « revenu » équivaut à « profit » ou à « revenu net ». Le texte de la disposition ne propose aucun critère quantitatif. Le texte de la Loi n’appuie pas non plus une interprétation du mot « revenu » qui impliquerait que le tribunal doit se demander si le revenu a un caractère suffisant. Une telle approche serait trop subjective et la certitude doit être privilégiée en droit fiscal. En l’absence d’un trompe-l’œil, d’un artifice ou d’autres circonstances viciant l’opération, les tribunaux ne devraient donc pas se demander si le revenu escompté ou touché a un caractère suffisant. [Nous soulignons.]
66 En fait, il est possible de faire une analogie claire entre les faits de l’affaire Ludco et ceux de la présente affaire. Dans Ludco, le contribuable a déduit la somme d’environ 6 000 000 $ à titre d’intérêts versés sur de l’argent emprunté pour acquérir des actions ayant rapporté approximativement 600 000 $ en dividendes. Lors de la vente des actions, le contribuable a réalisé un important gain en capital. Le ministre a refusé la déduction d’intérêts en vertu de l’al. 20(1)c), pour le motif que l’argent emprunté n’avait pas été utilisé en vue de tirer un revenu d’un bien. Notre Cour a conclu, au par. 54, que, pour pouvoir invoquer le sous‑al. 20(1)c)(i), le contribuable devait démontrer que, « [c]ompte tenu de toutes les circonstances, [il] avai[t], au moment de l’investissement, une expectative raisonnable de tirer un revenu » Le contribuable a satisfait à ce critère, et notre Cour a accordé la déduction des intérêts.
67 De même, en l’espèce, les paiements d’intérêts effectués par le contribuable excédaient son revenu de location pour les années en cause. Même si le contribuable ne s’est départi que d’une seule des propriétés pendant la période pertinente, le plan Reemark prévoyait la réalisation éventuelle d’un gain en capital lors de la vente. À l’instar du contribuable dans Ludco, l’appelant a utilisé de l’argent emprunté pour effectuer un placement de bonne foi à l’égard duquel il avait une expectative raisonnable de profit et, partant, il peut invoquer le sous‑al. 20(1)c)(i).
68 Quant à savoir si le gain en capital escompté devrait ou non servir à déterminer si le contribuable a une expectative raisonnable de profit, nous réitérons que la rentabilité escomptée d’une entreprise n’est qu’un seul des facteurs à prendre en considération pour déterminer si l’activité du contribuable dénote un degré de commercialité suffisant pour qu’elle soit considérée comme une source de revenu constituée d’une entreprise ou d’un bien. Cela dit, à notre avis, la motivation relative aux gains en capital correspond à la compréhension qu’ont normalement les gens d’affaires de la « recherche d’un profit », et elle peut être prise en considération pour déterminer si l’activité du contribuable est de nature commerciale. Naturellement, la simple acquisition d’un bien en vue de réaliser éventuellement un gain n’engendre pas une source de revenu pour l’application de l’art. 9; toutefois, un gain escompté peut être pris en considération pour apprécier la commercialité de la ligne de conduite globale du contribuable.
VII. Conclusion
69 Pour ces motifs, nous concluons que les activités locatives de l’appelant constituaient une source de revenu. En conséquence, nous sommes d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens devant toutes les cours, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel fédérale et de renvoyer les cotisations pour les années d’imposition en cause au ministre pour qu’il établisse de nouvelles cotisations fondées sur le fait que le contribuable avait une source de revenu dont il pouvait déduire les pertes locatives en cause.
Pourvoi accueilli avec dépens.
Procureurs de l’appelant : McMillan Binch, Toronto.
Procureur de l’intimée : Le sous‑procureur général du Canada, Ottawa.