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08/07/2021 | FRANCE | N°19NT04305

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 08 juillet 2021, 19NT04305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1701501 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 novembre 2019, 24 mai 2020 et 17 mars 20

21, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1701501 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 novembre 2019, 24 mai 2020 et 17 mars 2021, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette réduction.

Elle soutient que :

- la transmission des titres à gratuit entraîne l'exonération définitive du report d'imposition prévu au 1° du II de l'article 92 B du code général des impôts alors applicable ;

- cette exonération définitive du report d'imposition prévu à l'article 92 B du code général des impôts est également prévue par l'instruction du 4 mai 1992 ainsi que par la réponse ministérielle au député, M. C..., n° 29547, publiée au Journal officiel du 15 janvier 1996, p. 236 ;

- en raison de l'adoption, par M. et Mme B..., du régime de la communauté universelle en 2000, les titres ont été transférés soit en faveur de " l'avoir de la communauté ", soit en faveur de Mme B... ; ce transfert constitue une mutation ou une cession, et a ainsi mis fin au report d'imposition en 2000 ;

- la transmission des biens de la communauté à Mme B..., en 2011, à la suite du décès de M. B..., s'analyse comme une transmission à titre gratuit, et a entraîné l'exonération du report d'imposition ; à supposer que cette transmission soit considérée comme onéreuse, le report aurait pris fin en 2011.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 20 mars 2020, 15 mars 2021 et 14 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 29 juin 2021 et le pièces jointes annoncées le 30 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... détenait des actions de la société Promodès, qu'il avait héritées de son père. A la suite d'une offre publique d'échange réalisée en octobre 1999, M. B... a échangé ses titres contre des actions Carrefour et réalisé à cette occasion une plus-value. Il a bénéficié du système de report de l'imposition de la plus-value prévue par le II du B de l'article 92 du code général des impôts. Par acte authentique du 30 juin 2000, les époux B..., qui étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, ont modifié leur régime matrimonial en adoptant celui de la communauté universelle, avec adjonction d'une clause d'attribution intégrale au dernier vivant. M. B... est décédé le 28 avril 2011. Le 29 octobre 2013, Mme E... B... a cédé 100 000 actions Carrefour et elle a fait état, dans sa déclaration des revenus de l'année 2013, de l'expiration du report d'imposition de la plus-value réalisée en 1999. Toutefois, estimant avoir mentionné à tort cette plus-value, elle a sollicité, par une réclamation du 30 juillet 2016, la réduction de sa cotisation primitive d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et de la contribution sur les hauts revenus au titre de l'année 2013. Sa réclamation a été rejetée le 23 juin 2017. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer cette réduction. Par un jugement n° 1701501 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 92 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique (...) peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que les seules cessions mentionnées au II de l'article 92 B qui mettent fin au report d'imposition des plus-values sont les cessions à titre onéreux. En cas de transmission à titre gratuit, l'imposition est due par le nouveau détenteur des titres, qui bénéficie toutefois du report. L'imposition est ainsi effective lorsque le nouveau détenteur cède les titres à titre onéreux.

4. En l'espèce, avant l'adoption du régime de la communauté universelle par l'acte authentique du 30 juin 2000, les titres de la société Carrefour, pour lesquels M. B... bénéficiait d'un report d'imposition de la plus-value en application du 1 du II de l'article 92 B du code général des impôts, appartenaient en propre à M. B..., puisque le couple était alors marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et que les titres en question avaient été reçus en octobre 1999 en échange de titres de la société Promodès que M. B... avait hérités de son père. Lors de l'adoption, par les époux, du régime de communauté universelle, les titres en cause sont devenus des biens communs. Cependant, l'acquisition, par Mme B..., de droits indivis sur ces titres mis en commun ne saurait être qualifiée de cession à titre onéreux, les biens apportés à la communauté par Mme B... ne pouvant être qualifiés de contrepartie. Par ailleurs, après le décès de M. B... en 2011, Mme B... est devenue l'unique propriétaire de ces titres, en application de la clause d'attribution intégrale au dernier vivant. Cette attribution ne saurait davantage être qualifiée de cession à titre onéreux, Mme B... n'ayant apporté aucune contrepartie en échange de cette attribution. Ainsi, ni l'adoption du régime de la communauté universelle le 30 juin 2000 ni l'attribution intégrale au conjoint survivant n'ont mis fin au report d'imposition, ces opérations ne pouvant être qualifiées de cession à titre onéreux. En devenant l'unique titulaire de ces titres, Mme B... s'est trouvée par la même occasion redevable de l'imposition reportée en application du 1 du II de l'article 92 B du code général des impôts. Ce report d'imposition a pris fin lors de la cession à titre onéreux des actions de la société Carrefour en 2013 par Mme B.... Mme B... n'est ainsi pas fondée à soutenir que le montant de 6 891 000 euros correspondant à la plus-value reportée en application du 1 du II de l'article 92 B du code général des impôts n'avait pas à être pris en compte lors de la vente de ses titres Carrefour en 2013.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Mme B... ayant spontanément acquitté l'imposition reportée en application du 1 du II de l'article 92 B du code général des impôts, elle n'a ainsi pas fait application du point 31 de l'instruction du 4 mai 1992, repris au paragraphe 330 de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-PVMBI-30-10-30-10. Elle ne peut dès lors se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions de cette instruction.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2021.

Le rapporteur,

H. A...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT043052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04305
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. PLUS-VALUES DES PARTICULIERS. PLUS-VALUES MOBILIÈRES. - REPORT D'IMPOSITION DE LA PLUS-VALUE ISSUE D'UN ÉCHANGE DE TITRES RÉSULTANT D'UNE OPÉRATION D'OFFRE PUBLIQUE D'ÉCHANGE (ART. 92 B, II, 1° DU CGI, DANS SA RÉDACTION APPLICABLE AUX REVENUS DE L'ANNÉE 2013) - TRANSMISSION DES TITRES À TITRE GRATUIT - CONSÉQUENCE POUR LE NOUVEAU DÉTENTEUR DES TITRES - IMPOSITION DUE PAR LE NOUVEAU DÉTENTEUR - MAINTIEN DU REPORT D'IMPOSITION DE LA PLUS -VALUE- IMPOSITION EFFECTIVE LORS DE LA CESSION À TITRE ONÉREUX DES TITRES PAR LE NOUVEAU DÉTENTEUR - APPLICATION AU CAS D'ADOPTION DU RÉGIME DE LA COMMUNAUTÉ UNIVERSELLE ENTRE ÉPOUX, JUSQU'ALORS RÉDUITE AUX ACQUÊTS, AVEC CLAUSE D'ATTRIBUTION INTÉGRALE AU DERNIER VIVANT.

19-04-02-08-01 Il résulte des dispositions du 1° du II de l'article 92 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux revenus de l'année 2013 que les seules cessions qui mettent fin au report d'imposition sont les cessions à titre onéreux. En cas de transmission à titre gratuit, l'imposition est due par le nouveau détenteur des titres, qui bénéficie toutefois du report d'imposition. L'imposition est ainsi effective lorsque celui-ci cède les titres à titre onéreux.... ,,Lorsque des titres ayant donné lieu à un report d'imposition en application du 1° du II de l'article 92 B sont apportés par l'époux qui les détient en propre à la communauté des époux lors de l'adoption du régime de la communauté universelle, il n'est pas mis fin au report d'imposition, cette opération ne pouvant être qualifiée de cession à titre onéreux. Il en va de même lorsque ces titres sont attribués au conjoint survivant en application d'une clause d'attribution intégrale au conjoint survivant.,,,Le conjoint survivant, seul titulaire des titres, devient redevable de l'imposition maintenue en report. Lorsque celui-ci cède les actions à titre onéreux, le report d'imposition prend fin et il doit alors acquitter l'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CHESS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-08;19nt04305 ?
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