Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1702217 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 juillet 2019, 23 juillet 2020 et 25 janvier 2021, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- pour pouvoir bénéficier des dispositions du second alinéa de l'article 70 du code général des impôts, la condition de durée d'activité s'apprécie au niveau de la société et non de l'associé ;
- ils sont fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 13 de l'instruction référencée BOI 5-E-3-08 du 11 avril 2008 repris au paragraphe n° 50 de l'instruction référencée BOI-BA-BASE-20-20-30-30 ; ils sont également fondés à se prévaloir des paragraphes n° 10 et n° 120 de l'instruction référencée BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 21 janvier 2020, 30 décembre 2020 et 29 janvier 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... détenaient respectivement 51 et 49 % du capital de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) B... Jean-Luc créée en 1997. Cette société a cédé, au cours de l'année 2012, une partie de ses actifs. Cette cession a généré une plus-value d'un montant total de 486 961 euros dont 238 611 euros revenant à Mme B.... Cette plus-value a été placée par les intéressés sous le régime d'exonération prévu à l'article 151 septies du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité, le service a notamment considéré que Mme B... ne pouvait pas se prévaloir des dispositions spécifiques de l'article 70 du code général des impôts et qu'en conséquence, le seuil d'imposition de la plus-value lui revenant ne devait pas s'apprécier à partir de sa quote-part de recettes de l'EARL mais à partir de l'ensemble des recettes de l'EARL. Après mise en recouvrement et rejet de leur réclamation, M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, pour un montant total de 138 067 euros. Par un jugement n° 1702217 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes du premier alinéa du I de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2012 : " Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel." En vertu du II de ce même article, certaines plus-values de cession réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées en totalité ou en partie si le montant des recettes annuelles est inférieur ou égal à certains seuils. Aux termes des premier, quatrième et sixième alinéas du IV de ce même article : " Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent la date de clôture de l'exercice de réalisation des plus-values. / (...) Il est également tenu compte des recettes réalisées par les sociétés mentionnées aux articles 8 et 8 ter et les groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont il est associé ou membre, à proportion de ses droits dans les bénéfices de ces sociétés et groupements. / (...) Lorsque les plus-values sont réalisées par une société ou un groupement mentionnés au quatrième alinéa, le montant des recettes annuelles s'apprécie au niveau de la société ou du groupement ". Le second alinéa de l'article 70 du code général des impôts dispose que : " Pour l'application de l'article 151 septies, les plus-values réalisées par une société civile agricole non soumise à l'impôt sur les sociétés sont imposables au nom de chaque associé visé au I de l'article 151 nonies selon les règles prévues pour les exploitants individuels en tenant compte de sa quote-part dans les recettes de la société. " L'article 151 nonies du code général des impôts vise notamment les contribuables qui exercent une activité dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles.
3. Il résulte de ces dispositions que la condition relative au seuil de recettes fixée à l'article 151 septies du code général des impôts doit en principe s'apprécier au niveau de la société non soumise à l'impôt sur les sociétés, sauf si l'associé peut se prévaloir de l'exception prévue à l'article 70 du code général des impôts. Lorsqu'un associé d'une EARL remplit les conditions fixées à l'article 70 du code général des impôts, la condition relative au seuil de recettes doit en effet s'apprécier en fonction de sa quote-part de recettes de la société et non à partir de l'ensemble des recettes de l'EARL. Pour pouvoir bénéficier de l'exception prévue à l'article 70 du code général des impôts, l'associé doit avoir participé de manière effective et régulière à l'activité de la société pendant une durée de cinq ans.
4. En l'espèce, Mme B... n'exerçait aucune activité au sein de la société jusqu'au 6 décembre 2011. A compter du 7 décembre 2011, elle a exercé au sein de la société une activité à temps partiel, à raison de quatorze heures hebdomadaires, en qualité d'ouvrier d'exécution, consistant à participer aux travaux de l'élevage porcin et occasionnellement au classement administratif. Ainsi, à la date de la cession, Mme B..., qui ne participait pas de manière effective et régulière à l'activité de la société depuis plus de cinq ans, ne remplissait pas les conditions pour pouvoir bénéficier de l'exception prévue à l'article 70 du code général des impôts. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la condition du seuil de recettes devait s'apprécier au regard de l'ensemble des recettes de l'EARL et non en fonction de la seule quote-part de recettes de Mme B....
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
5. En premier lieu, si l'instruction référencée BOI 5-E-3-08 du 11 avril 2008, reprise dans l'instruction référencée BOI-BA-BASE-20-20-30-30, prévoit que, pour les associés d'une société civile agricole relevant de l'impôt sur le revenu, la condition tenant à la durée de l'exercice de l'activité s'apprécie au niveau de la société, ces mêmes instructions conditionnent le bénéfice du régime prévu à l'article 70 du code général des impôts au fait que l'associé participe de manière effective et régulière à l'activité de la société. Leurs prescriptions ne peuvent donc s'appliquer aux associés non exploitants de la société. Ces deux instructions précisent que ce critère de participation régulière et effective implique, pour chacun des associés, qu'il accomplisse les actes caractérisant l'exercice de la profession d'agriculteur : présence sur les lieux de travail, participation aux travaux d'exécution menés en commun, participation aux décisions engageant l'exploitation, réception et démarchage de la clientèle, établissement des factures, relance des débiteurs, rapports avec les fournisseurs, les banques, les organisations professionnelles. En l'espèce, au regard des tâches confiées à Mme B... dans son contrat de travail, et rappelées au point 7, cette condition de participation effective et régulière n'était pas remplie au moment de la cession. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations contenues dans ces deux instructions.
6. En second lieu, M. et Mme B... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes n° 10 et n° 120 de l'instruction référencée BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20, qui précisent que, pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts, la condition tenant à la durée de l'exercice de l'activité s'apprécie au niveau de la société. Toutefois, en l'espèce, l'administration fiscale a seulement remis en cause, pour Mme B..., le bénéfice du régime spécifique de la quote-part prévue à l'article 70 du code général des impôts et a ainsi appliqué la condition de seuil en tenant compte de l'ensemble des recettes de la société. Or l'instruction en cause prévoit que le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts est également conditionnée au fait que le montant des recettes annuelles, apprécié au niveau de la société, ne dépasse pas les seuils fixés. Dès lors, les termes de cette instruction ne peuvent être opposés à l'administration fiscale, qui n'a fait que les appliquer en opposant à Mme B... la condition de seuil en fonction de l'ensemble des recettes de l'EARL. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par conséquent, leur requête, y compris leurs conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT028542