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08/04/2021 | FRANCE | N°19-23728

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 avril 2021, 19-23728


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 302 FS-P-R

Pourvoi n° J 19-23.728

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

___________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'alloc

ations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° J 19-23.728 contre l'arrêt rendu le 28 août 2019 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 302 FS-P-R

Pourvoi n° J 19-23.728

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

___________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° J 19-23.728 contre l'arrêt rendu le 28 août 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Soleco, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Soleco, et l'avis écrit de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Le Fischer, Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 28 août 2019), l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF) a établi le 26 août 2016 contre la société Soleco (la société) une lettre d'observations l'avisant de la mise en oeuvre de la solidarité financière prévue par l'article L. 8222-2 du code du travail et du montant des cotisations estimées dues, en suite d'un procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de l'un de ses co-contractants.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler la décision de la commission de recours amiable et le redressement alors « que sauf lorsque le juge l'ordonne dans le cadre de l'instance, l'URSSAF n'est pas tenue de verser aux débats le procès verbal constatant le délit de travail dissimulé qui a justifié la mise en oeuvre de la solidarité financière ; qu'en l'espèce, en retenant pour annuler le redressement opéré au titre de la solidarité financière à l'encontre de la société Soleco que l'URSSAF n'avait pas versé aux débats le procès verbal qui était mentionné dans la lettre d'observations quand aucune demande n'avait été formulée en ce sens ni par les premiers juges, ni dans le cadre de l'instance, la cour d'appel a violé les articles L.8222-1, L.8222-2 du code du travail du code du travail et R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans leurs versions applicables au litige. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

6. Selon le deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées à l'article L. 8222-1 du même code, est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.

7. Par une décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu.

8. Il en résulte que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.

9. L'arrêt relève que le procès-verbal de travail dissimulé n'est pas produit aux débats et que les juges du fond n'ont pas été en mesure de vérifier que la société sous-traitante en cause a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.

10. Par ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que, faute pour l'URSSAF d'avoir produit devant la juridiction de sécurité sociale le procès-verbal de constat de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant, elle n'était pas fondée à mettre en oeuvre la solidarité financière.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Alsace

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé, par motifs substitués, le jugement du 11 juin 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse en ce qu'il a annulé la décision de la commission de recours amiable du 11 septembre 2017 et le redressement notifié à la société Soleco le 28 novembre 2016 et y ajoutant, d'AVOIR condamné l'URSSAF d'Alsace aux entiers dépens d'appel.

AUX MOTIFS QUE « sans qu'il soit utile de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour constate que les demandes de l'URSSAF sont fondées sur les dispositions de l'article L8222-2 du code du travail et visent à la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre avec la société Determil ; il convient toutefois de rappeler que la solidarité du donneur d'ordre qui a méconnu les obligations mises à charge par les dispositions de l'article L8222-1 du code du travail est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives : le constat par procès verbal d'une infraction de travail dissimulé, l'existence de relations contractuelles entre le donneur d'ordre et l'auteur du travail dissimulé et un montant de la prestation égal ou supérieur au seuil prévu par le texte ; si l'une de ces trois conditions vient à manquer, la solidarité ne peut être mise en oeuvre ; en l'espèce, si, dans sa lettre d'observations, l'URSSAF fait mention d'un procès verbal de travail dissimulé qui aurait été transmis au procureur de la république de Bastia le 30 mai 2016, la cour relève que ce procès verbal n'est pas produit aux débats et qu'elle n'est pas en mesure de vérifier que la société sous-traitante en cause à fait l'objet d'un procès verbal pour délit dissimulé, alors même que la date de ce procès verbal constatant un travail dissimulé pour l'année 2011 n'est pas communiquée aux débats, étant en outre observé que ce procès verbal aurait été transmis le 30 mai 2016 au procureur de république de Bastia, soit plus de quatre ans après les faits ; en conséquence la condition tenant au constat par procès verbal d'une infraction de travail dissimulé n'est pas respectée et l'URSSAF d'Alsace ne peut fonder un redressement sur le non respect éventuel des obligations du donneur d'ordre ; le jugement sera en conséquence confirmé par motifs substitués ; l'URSSAF d'Alsace supportera les dépens de l'instance d'appel, étant précisé que l'article R144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n°2019-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours, en sorte qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ».

1.ALORS QUE sauf lorsque le juge l'ordonne dans le cadre de l'instance, l'URSSAF n'est pas tenue de verser aux débats le procès verbal constatant le délit de travail dissimulé qui a justifié la mise en oeuvre de la solidarité financière ; qu'en l'espèce, en retenant pour annuler le redressement opéré au titre de la solidarité financière à l'encontre de la société Soleco que l'URSSAF n'avait pas versé aux débats le procès verbal qui était mentionné dans la lettre d'observations quand aucune demande n'avait été formulée en ce sens ni par les premiers juges, ni dans le cadre de l'instance, la cour d'appel a violé les articles L.8222-1, L.8222-2 du code du travail du code du travail et R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans leurs versions applicables au litige ;

2. ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, la lettre d'observations du 26 aout 2016 qui avait été adressée à la société Soleco précisait en page 2 que suite au contrôle avait été opéré au sein de la société Determil au titre de l'année 2011, un procès-verbal de travail dissimulé par dissimulation d'activité et de salariés daté du 30 mai 2016 avait été transmis au procureur de la République de Bastia; qu'en affirmant que la lettre d'observations faisait mention d'un procès-verbal de travail dissimulé qui aurait été transmis au procureur de la République le 30 mai 2016 sans que la date de ce procès-verbal ne soit communiquée aux débats, la cour d'appel a dénaturé la lettre d'observations et violé le principe faisant interdiction aux juges de dénaturer les éléments de la cause ;

3. ALORS en tout état de cause QUE le redressement fondé sur la solidarité financière qui fait suite à un procès verbal de travail dissimulé peut concerner les cotisations exigibles au cours des cinq années civiles qui précèdent l'année de l'envoi de la mise en demeure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 22 décembre 2016 l'URSSAF avait adressé une mise en demeure à la société Soleco afin de procéder au recouvrement des cotisations auxquelles elle était solidairement tenue au titre de l'année 2011 (arrêt p.2§3) ; qu'en retenant, pour annuler le redressement notifié à la société Soleco, que la date du procès-verbal constatant un travail dissimulé n'avait pas été communiquée et que ce dernier aurait été transmis au procureur plus de quatre ans après les faits, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L.8222-1, L.8222-2 du code du travail et L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables au litige ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-23728
Date de la décision : 08/04/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Recouvrement - Solidarité - Solidarité financière du donneur d'ordre - Mise en oeuvre - Preuve - Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale - Contestation par le donneur d'ordre du contenu des procès-verbaux - Production des procès verbaux devant la juridiction de sécurité sociale - Obligation

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Lutte contre le travail illégal - Travail dissimulé - Opérations de contrôle - Procès-verbal constatant le délit - Mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre - Contestation par le donneur d'ordre du contenu des procès-verbaux - Production des procès verbaux devant la juridiction de sécurité sociale - Obligation

Si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre, prévue par le deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail, n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document


Références :

article L. 8222-2 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 28 août 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 avr. 2021, pourvoi n°19-23728, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23728
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