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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY03477

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 18LY03477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... et la SAS Ono Holding France ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 septembre 2016 du conseil national de l'ordre des médecins qui a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2016 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Ain a donné un avis défavorable à la convention qu'ils ont signée le 4 février 2016 en vue de la constitution d'une société en participation.

Par un jugement n° 1608790 du 10

juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... F... et la SAS Ono Holding France ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 septembre 2016 du conseil national de l'ordre des médecins qui a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2016 par laquelle le conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Ain a donné un avis défavorable à la convention qu'ils ont signée le 4 février 2016 en vue de la constitution d'une société en participation.

Par un jugement n° 1608790 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 31 octobre 2019, Mme E... F... et la SAS Ono Holding France, représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 septembre 2016 du conseil national de l'ordre des médecins ;

3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'objet de la convention était de mettre en place une convention d'exercice libéral de prestations de services n'impliquant aucune subordination entre la SAS Ono Holding et le docteur F... lui permettant un exercice médical libre dans l'organisation de sa vie professionnelle tout en respectant la déontologie médicale ; les dispositions de l'article L. 4113-9 du code de la santé publique ont été appliquées ; la société en participation de droit commun est une structure sociale et permet d'évoquer le concept de participations aux résultats, à l'exclusion des honoraires médicaux, et institue une dynamique sociale permettant de faire participer les médecins à la croissance de la structure ; ils ont veillé au respect de la totalité des clauses, obligations et impératifs déontologiques prévus par le code de la santé publique, par la déontologie et la jurisprudence ;

- la fourniture de moyens permettant l'exercice de la profession de médecin ne saurait constituer ce que la loi a défini comme un exercice en commun de la profession qui induit que les participants aient la qualité de médecin ; la fourniture de moyens permettant l'exercice de la profession n'est pas l'exercice de la profession ; la société ne peut intervenir dans l'exercice de la profession en libérale de docteur ; seul le docteur F... pratique des actes médicaux réglementés, la société se bornant à mettre à disposition des moyens techniques qui ne sont qu'une aide à l'exercice de la profession ; s'ils ne pouvaient pas convenir de la constitution d'une société en participation en application de l'article 22 de la loi du 31 décembre 2009, ils disposaient de la faculté de constituer entre eux une société de participation de droit commun sur le fondement des articles 1871 et suivants du code civil ;

- aucune des prestations proposées par la société ne procède d'acte induisant de prendre part habituellement ou par direction à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies ;

- la convention a seulement pour objet de définir les modalités de l'usage du matériel et des locaux mis à disposition ; la convention ne définit pas un mode d'exercice en commun de la profession mais fixe les règles d'un groupement contractuel réunissant une structure de droit commun détenteur de moyens de production et un médecin en application de l'article L. 4113-9 du code de la santé publique ; les prestations de la société ne constituent pas une immixtion dans l'activité de médecin ;

- le débat soumis à la cour ne porte que sur l'application de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990 ;

- la jurisprudence considère que la création d'une structure mise à disposition d'un médecin qui ne donnerait pas lieu à paiement de redevances constituerait un acte anormal de gestion ; la jurisprudence admet le principe de la rémunération de la structure perçue sur les honoraires engrangés par le médecin que ce soit dans le cadre d'un contrat d'exercice libéral ou dans le cadre d'une société en participation ; la convention respecte les dispositions de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique

Par un mémoire, enregistré le 28 février 2019, le conseil national de l'ordre des médecins, représenté par la SCP Matuchansky - D... - Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme F... et de la SAS Ono Holding sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article L. 4113-9 du code de la santé publique distingue les contrats relatifs à l'exercice de la profession médicale et ceux mettant à disposition des moyens d'exploitation ; en application de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990, seules les personnes physiques exerçant une profession libérale soumise à statut ou dont le titre est protégé peuvent constituer une société en participation pour l'exercice de cette profession ;

- la notion d'exercice en commun de la profession ne peut s'entendre que de l'exercice en commun de la médecine sans la participation d'autres professionnels ; l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990 n'évoque la notion d'exercice en commun de la profession que de manière incidente, à seule fin d'écarter, au cas particulier des sociétés en participation, l'application de toute disposition législative ou réglementaire déterminant limitativement les modes d'exercice en commun de la profession ; la loi du 31 décembre 1990 se borne à viser la notion " d'exercice de la profession " ; un contrat de participation ne saurait permettre à une personne morale qui ne se bornerait pas à fournir au médecin des moyens d'exploitation d'intervenir directement à un titre quelconque dans l'exercice de la profession libérale du médecin ; c'est à bon droit que les premiers juges ont fait porter leur contrôle sur l'objet du contrat afin de vérifier s'il s'en induisait une intervention de la personne morale dans l'exercice de la profession du docteur F... ; il ressort de la convention que l'apport de la société suffit à justifier l'interprétation retenue par les premiers juges ; l'apport se manifeste sur la base d'un centre de consultation entièrement consacré à l'oeil avec un savoir-faire organisationnel et un savoir-faire technique s'appuyant sur une formation régulière en interne ; le centre dispose de personnels paramédicaux et d'un matériel lourd et sophistiqué pour un diagnostic et met à disposition du médecin son savoir-faire, ses marques et droits de propriété intellectuelle ; il met également à disposition du médecin trois aides à la consultation ; il y a également un apport de clientèle ; des conférences médicales d'établissement sont chargées de veiller à l'évaluation des soins au sein de l'établissement ; il en résulte que le cabinet du docteur F... est devenu, par la convention, partie d'un établissement du groupe ONO dépendant largement de celui-ci sur le plan même de l'exercice par ce médecin de sa profession libérale ;

- la convention prévoit également un partage d'honoraires favorable à la structure, condamné par les dispositions de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code civil ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme F... et la SAS Ono Holding France, et de Me A..., substituant Me D..., représentant le conseil national de l'ordre des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 mai 2016, le conseil départemental de l'ordre des médecins de l'Ain a émis un avis défavorable à la convention conclue le 4 février 2016 entre le docteur F... et la SAS Ono Holding France en vue de la constitution d'une société en participation, au motif notamment que " la SAS Ono Holding France, qui n'est pas une personne physique exerçant une profession libérale soumise à statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ne peut pas être membre d'une société en participation avec un médecin ". Par une décision du 22 septembre 2016, le conseil national de l'ordre des médecins a rejeté le recours formé par le docteur F... et la société. Mme F... et la SAS Ono Holding France relèvent appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 2016 du conseil national de l'ordre des médecins.

Sur la légalité de la décision du 22 septembre 2016 du conseil national de l'ordre des médecins :

2. Aux termes de l'article L. 4113-9 du code de la santé publique, " Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes en exercice, ainsi que les personnes qui demandent leur inscription au tableau de l'ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes ou des sages-femmes doivent communiquer au conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent les contrats et avenants ayant pour objet l'exercice de leur profession ainsi que, s'ils ne sont pas propriétaires de leur matériel et du local dans lequel ils exercent ou exerceront leur profession, les contrats ou avenants leur assurant l'usage de ce matériel et de ce local. (...) / Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes exerçant en société doivent communiquer au conseil de l'ordre dont ils relèvent, outre les statuts de cette société et leurs avenants, les conventions et avenants relatifs à son fonctionnement ou aux rapports entre associés. Ces communications doivent être faites dans le mois suivant la conclusion de la convention ou de l'avenant. ".

3. Aux termes de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales : " Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire déterminant limitativement les modes d'exercice en commun de la profession, il peut être constitué entre personnes physiques exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé une société en participation, régie par les dispositions ci-après et celles non contraires des articles 1871 à 1872-1 du code civil. " Ces dispositions encadrent l'exercice sous forme de société en participation des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé qui est entièrement régi par les dispositions de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990.

4. La décision contestée du conseil national de l'ordre des médecins précise en visant les dispositions de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990 que " la SAS Ono Holding revêt la forme juridique d'une SASU, elle n'est donc pas une personne physique exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, en conséquence ne peut être membre d'une SEP avec un médecin. Au surplus, selon les termes de la convention, la SAS Ono Holding ne peut être regardée comme un simple prestataire dans la mesure où elle met à disposition du médecin de la patientèle médicale et que le docteur F... est soumise à une clause de non réinstallation et n'a pas le choix de son remplaçant ".

5. Les requérantes font valoir que les dispositions de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990 n'ont pas vocation à s'appliquer à la convention litigieuse dès lors que la société en participation a seulement pour objet de mettre à disposition du docteur F... les moyens techniques de la société Ono Holding sans participer à l'exercice de la profession.

6. Si l'exercice sous forme de sociétés en participation des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, et notamment des médecins libéraux, est entièrement régi par les dispositions de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990, ces mêmes dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer à la convention constitutive de la société en participation lorsqu'elle a uniquement pour objet la mise à disposition de moyens techniques.

7. Il ressort des pièces du dossier que si la convention constitutive de la société en participation conclue entre le docteur F... et la société Ono Holding le 4 février 2016 précise que le docteur F... exerce en qualité de praticien indépendant, associé, et met à sa disposition un plateau technique, elle prévoit également la mise à disposition d'un personnel technique, dont un orthoptiste et trois aides à la consultation, l'accès à l'ensemble de la clientèle des centres ophtalmologiques développés par la société Ono Holding " et, en contrepartie, le docteur F... apporte à la société en jouissance " sa faculté d'exercer de façon indépendante la profession de médecin ophtalmologiste, les savoir-faire, expertise et compétence attachée à l'exercice de ses fonctions ". Il est également prévu des réunions d'étude de cas, la détermination par un règlement intérieur des questions relatives à la formation professionnelle permanente du docteur F... et la mise en place de conférences médicales d'établissement pour veiller, d'une part, à l'indépendance professionnelle du docteur F... et, d'autre part, à l'évaluation des soins au sein de l'établissement " dans le cadre de la politique médicale de haut niveau et de gestion mise en place au sein des structures du groupe Ono ". La convention stipule encore qu'en cas de retrait du docteur E... F..., celle-ci s'oblige à ne pas se réinstaller dans un rayon de dix kilomètres du siège de la société en participation. Par suite, l'objet de la société en participation ne saurait être regardé comme se limitant à la mise à disposition de moyens techniques et participe à l'exercice de la profession libérale du docteur F.... Dans ces conditions, la convention constitutive d'une société en participation entre la société Ono Holding et le docteur F... méconnaît les dispositions de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990 qui prévoient que, dans le cadre de l'exercice de la profession libérale, seules des personnes physiques peuvent constituer une telle société.

8. Eu égard à ce qui a été dit au point 6 et compte tenu de l'objet de la société, les requérantes ne sauraient faire valoir qu'elles pouvaient se fonder sur l'article 1871 du code civil pour constituer une société en participation indépendamment des conditions fixées par les dispositions de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1990.

9. Si les requérantes font valoir que la convention respecte les dispositions de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique, la décision contestée n'est pas fondée sur la méconnaissance de ces dispositions. Par suite, le moyen est sans incidence sur la légalité de la décision du conseil national de l'ordre des médecins du 22 décembre 2016 et doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... et la SAS Ono Holding France ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérantes une somme au profit du conseil national de l'ordre des médecins, en application du même article.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... et de la société Ono Holding France est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du conseil national de l'ordre des médecins tendant à ce qu'il soit mis à la charge des requérantes une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F..., à la SAS Ono Holding France et au conseil national de l'ordre des médecins.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 18LY03477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03477
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-035 Santé publique. Professions médicales et auxiliaires médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CONTI et SCEG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly03477 ?
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