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03/12/2020 | FRANCE | N°18BX01456

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 03 décembre 2020, 18BX01456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts H... ont demandé au tribunal administratif de Mayotte de les indemniser, à hauteur de 400 euros par mètre carré, du préjudice que leur cause l'emprise irrégulière exercée par le département de Mayotte sur la parcelle référencée AH 255 dans la commune de Pamandzi.

Par un jugement n° 1500682 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Mayotte a condamné le département de Mayotte à leur verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice de jouissance que les consorts

H... ont subi à raison de l'emprise irrégulièrement exercée par le département de Mayot...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts H... ont demandé au tribunal administratif de Mayotte de les indemniser, à hauteur de 400 euros par mètre carré, du préjudice que leur cause l'emprise irrégulière exercée par le département de Mayotte sur la parcelle référencée AH 255 dans la commune de Pamandzi.

Par un jugement n° 1500682 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Mayotte a condamné le département de Mayotte à leur verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice de jouissance que les consorts H... ont subi à raison de l'emprise irrégulièrement exercée par le département de Mayotte sur la parcelle AH 255 et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2018, les consorts H..., représentés par Me E... et Me D..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Mayotte du 9 février 2018 en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à leur demande ;

2°) de nommer un expert afin d'évaluer la valeur du terrain cadastré AH 255 ;

3°) d'évaluer rétroactivement le montant de l'indemnité d'occupation du terrain due par le département de Mayotte jusqu'au terme de l'emprise irrégulière ;

4°) de mettre à la charge du département de Mayotte la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le jugement du tribunal administratif de Mayotte du 9 février 2018 n'a pas statué sur leur demande tendant à ce que le département soit condamné à leur verser la somme correspondant au prix de vente du terrain concerné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2018, le département de Mayotte, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête des consorts H... et à ce qu'il soit mis à leur charge le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, faute de remplir les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- leurs demandes nouvelles en cause d'appel, et notamment leur demande d'expertise, sont irrecevables ;

- le terrain dont s'agit a été régulièrement cédé par la famille H... au département de Mayotte ;

- la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale des parcelles mais uniquement à une indemnité moindre d'immobilisation réparant le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle ;

- en tout état de cause, l'indemnité demandée serait quasi-nulle, la parcelle concernée étant depuis de très nombreuses années affectée aux activités sportives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

- le code civil ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me F..., représentant le département de Mayotte.

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts H... sont propriétaires, en indivision, de la parcelle cadastrée AH 255 située sur le territoire de la commune de Pamandzi (Mayotte). Aux termes d'une promesse de donation datée du 7 mai 2012, M. B... C... a initialement proposé, au nom de l'indivision, de céder gracieusement ce terrain au département de Mayotte en vue de la réalisation d'un complexe sportif. Par délibération du 7 septembre 2013, le conseil départemental de Mayotte a décidé d'acheter à " la famille H... " la parcelle AH 255 au prix de 25 euros par m2, soit une somme totale de 55 875 euros. Le tribunal administratif de Mayotte, après avoir constaté que le département de Mayotte procédait à la construction d'un complexe sportif empiétant sur la parcelle AH 255 sans avoir finalisé l'achat de cette parcelle, l'a condamné à verser aux consorts H... la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice de jouissance que leur a causé l'emprise irrégulièrement exercée par le département de Mayotte sur ladite parcelle. Les consorts H... doivent être regardés comme demandant à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas statué sur leur demande tendant à ce que le département de Mayotte soit condamné à leur verser la somme correspondant à la valeur de ce terrain, subsidiairement de le réformer en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à leur demande. Ils demandent également qu'un expert soit nommé pour procéder à l'évaluation de cette valeur et à ce que la cour fixe le montant de l'indemnité d'occupation du terrain due par le département de Mayotte.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir relevé que les demandeurs sollicitaient une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle concernée, ne justifiaient pas du chiffrage de leur demande et que l'indemnité à laquelle ils pouvaient prétendre " ne saurait en tout état de cause correspondre au prix du terrain tel qu'il pourrait résulter d'un transfert de propriété dans le cadre d'une procédure amiable ou forcée " mais uniquement au trouble de jouissance que leur a causé, à la date de ce jugement, l'emprise irrégulièrement exercée par le département. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif de Mayotte aurait omis de statuer sur leurs conclusions tendant à ce que le département de Mayotte soit condamné à leur verser la somme correspondant au prix de vente du terrain concerné.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Si le droit à l'indemnisation des conséquences dommageables d'une emprise irrégulière d'un ouvrage public n'est pas subordonné au caractère définitif de la privation de propriété qui en résulte, l'indemnisation du préjudice d'atteinte au libre exercice du droit de propriété, qui peut être regardée comme l'allocation d'une indemnité d'immobilisation, ne saurait toutefois correspondre au coût de la valeur vénale du terrain, coût qui serait indemnisé, pour sa part, en cas d'expropriation.

4. D'une part et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les consorts H..., qui demeurent propriétaires de la parcelle AH 255 et n'ont donc pas été expropriés, ne peuvent pas utilement demander au juge de l'emprise irrégulière de condamner le département de Mayotte à leur verser une indemnité correspondant à la valeur vénale de cette parcelle ni, par voie de conséquence, demander que cette valeur vénale soit évaluée dans le cadre d'une expertise judiciaire.

5. D'autre part, à supposer qu'ils puissent être regardés comme entendant contester le montant de l'indemnité pour préjudice de jouissance fixée par les premiers juges, ils n'articulent aucun moyen et ne produisent aucune pièce permettant de considérer que cette indemnité ne les indemniserait pas complètement du préjudice que leur cause l'occupation irrégulière de leur terrain.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que les consorts H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fixé à la somme de 15 000 euros le préjudice qu'ils ont subi à raison de l'emprise irrégulièrement exercée par le département de Mayotte sur la parcelle AH 255.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent les consorts H... soit mise à la charge du département de Mayotte qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts H... la somme que demande au même titre le département de Mayotte.

DECIDE

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de Mayotte tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux consorts H... et au département de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme I..., présidente-assesseure,

M. Manuel G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01456
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CHARLEY GUY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-03;18bx01456 ?
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