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23/10/2019 | FRANCE | N°18-85636

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 octobre 2019, 18-85636


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 18-85.636 F-D

N° 1964

CK
23 OCTOBRE 2019

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

M. B... K... a formé un pourvoi, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en dat

e du 12 juillet 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de blanchiment douanier et transfert de capitaux...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 18-85.636 F-D

N° 1964

CK
23 OCTOBRE 2019

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

M. B... K... a formé un pourvoi, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 12 juillet 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de blanchiment douanier et transfert de capitaux sans déclaration, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 22 septembre 2016, les agents des douanes ont procédé au péage autoroutier de Thun l'Evêque, dans le sens Paris-Bruxelles, au contrôle du véhicule conduit par M. K..., lequel a donné lieu à la découverte de cinq lingots et 349 pièces d'or, pour une valeur globale estimée à 185 670 euros. Lors de la visite de son domicile, d'autres lingots et pièces d'or d'un poids total de 5 kilogrammes ont été trouvés. L'intéressé a déclaré avoir effectué, entre 2014 et 2016, de nombreux voyages entre la France et la Belgique afin de vendre de l'or.

3. Dans le cadre de l'enquête préliminaire diligentée des chefs de blanchiment douanier et manquement à l'obligation déclarative de transfert de capitaux, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, a autorisé la saisie en valeur des sommes inscrites sur un compte bancaire dont M. K... est titulaire, le solde créditeur s'élevant à la somme de 203 027 euros.

4. M. K... a interjeté appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 63 à 66 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (principe de libre circulation des capitaux), 1 du Protocole n°1 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, L. 152-1 et L.152-4 du code monétaire et financier, 415, 464, 465 du code des douanes, 131-21 du code pénal, 706-153 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance entreprise d'autorisation de saisie pénale de sommes inscrites au crédit du compte bancaire dont M. K... est titulaire à la société générale, à concurrence de la somme de 203 027 euros :

1°/ alors que « la mesure de saisie prévue par les dispositions de l'article 706-153 du code de procédure pénale ne peut porter que sur des biens ou droits dont la confiscation peut être prononcée à titre de peine complémentaire en cas de condamnation pénale ; que l'infraction prévue par l'article 415 du code des douanes suppose que l'opération financière entre l'étranger et la France porte sur le produit d'un délit prévu par le code des douanes ; que selon les dispositions des articles 464 et 465 du code des douanes, « les transferts vers un État membre de l'Union européenne ou en provenance d'un tel État de sommes, titres ou valeurs font l'objet d'une déclaration dans les conditions prévues à l'article L.152-1 du code monétaire et financier » et « la méconnaissance des obligations de déclaration de transfert de capitaux, énoncées à l'article L.152-1 du code monétaire et financier et dans le règlement (CE) no 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté, est recherchée, constatée et réprimée dans les conditions prévues à l'article L.152-4 du code monétaire et financier » ; que ces dispositions renvoient à celles du code monétaire et financier qui seules définissent les éléments constitutifs de l'infraction et prévoient les sanctions applicables ; qu'en retenant néanmoins que « l'infraction de transfert de capitaux sans déclaration est prévue et réprimée par l'article 464 du code des douanes » et constitue, au sens de l'article 415 du code des douanes, un délit prévu par le code des douanes, la cour d'appel a violé ces textes ; »

2°/ alors que « l'exportation de France en Belgique de l'or soustrait à l'obligation déclarative caractérise le délit prévu par l'article L.152-1 du code monétaire et financier ; que ce même fait ne peut être poursuivi sous la double qualification de blanchiment de capitaux provenant d'un délit douanier ; que dès lors l'arrêt attaqué ne pouvait affirmer que les présomptions pesant contre M. K... étaient susceptibles de caractériser le délit de blanchiment douanier, pour lequel, seul, une peine de confiscation est encourue, en retenant les mêmes faits que ceux qui sont susceptibles de caractériser le délit principal de transfert de capitaux sans déclaration ; »

3°/ alors que « le blanchiment douanier suppose, aux termes de l'article 415 du code des douanes, une opération financière entre la France et l'étranger par exportation, importation, transfert, ou compensation sur des fonds provenant d'un délit douanier ; que la vente de l'or en Belgique ne comporte aucune des opérations visées aux textes et ne peut en conséquence caractériser le délit de blanchiment douanier ; »

4°/ alors que « le délit de blanchiment douanier suppose encore que l'opération d'exportation, importation, transfert ou compensation n'a d'autre objectif que de dissimuler que les fonds sont le produit d'une infraction douanière ; qu'en indiquant nulle part ce que la vente de l'or en Belgique, réalisée auprès de marchands d'or officiels, avait pour objectif de dissimuler, l'arrêt attaqué a encore privé sa décision de base légale ; »

5°/ alors que « la mesure de saisie prévue par les dispositions de l'article 706-153 du code de procédure pénale ne peut porter que sur des biens ou droits dont la confiscation peut être prononcée à titre de peine complémentaire en cas de condamnation pénale ; que le prononcé d'une peine de confiscation pour un simple manquement à l'obligation de déclaration de transfert de capitaux est contraire au principe de libre circulation des capitaux dans l'Union européenne (avis motivé de la Commission européenne du 27 juillet 2001) et à l'article 1 du Protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, Grifhorst c. France, 26 février 2009, req. n° 28336/02, § 102 et 103); qu'il en est de même du prononcé d'une peine de confiscation au titre du blanchiment d'un simple manquement à l'obligation de déclaration des transferts de capitaux prévue par l'article L. 152-1 du code monétaire et financier; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait ordonner la saisie sans violer les dispositions de l'article 706-153 du code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

7. Pour confirmer l'ordonnance autorisant la saisie en valeur, l'arrêt attaqué énonce que M. K... a déclaré s'être rendu, à compter de fin 2014, une trentaine de fois en Belgique afin de vendre, lors de chaque voyage, environ un kilogramme d'or acheté à Paris et vendu pour une somme entre 30 000 à 40 000 euros remise en espèces, et qu'il résulte de l'exploitation des documents saisis à son domicile qu'il aurait notamment réalisé en juillet et août 2016 près de 1 004 541 euros de vente d'or auprès d'agences de négoce à Bruxelles. Il retient que la valeur marchande de l'or transporté à chaque voyage excédant dix mille euros, l'intéressé, qui a reconnu ne pas y avoir procédé, était tenu à l'obligation déclarative et qu'il existe des présomptions simples qu'il a, depuis 2014, et pour un montant au moins supérieur à un million d'euros, exporté de l'or préalablement soustrait à l'obligation déclarative afin de le revendre, fait susceptible de caractériser le délit douanier de blanchiment de l'infraction de transfert de capitaux sans déclaration.

8. Les juges d'appel ajoutent que, contrairement à ce qui est allégué par l'appelant, l'infraction de transfert de capitaux sans déclaration est prévue et réprimée par l'article 464 du code des douanes et constitue en conséquence, au sens de l'article 415 dudit code, un délit prévu au code des douanes, peu important que l'article 464 renvoie à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier.

9. Ils concluent que le montant des sommes figurant sur le compte saisi est inférieur au produit de l'infraction de blanchiment douanier et qu'en l'absence de saisie pénale, une dissipation de ces sommes aurait pour effet de priver la juridiction de jugement de toute perspective de confiscation.

10. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.

11. En effet, en premier lieu, il convient de prendre en considération que, dans un titre spécifique ("Titre XVI : Déclaration des capitaux transférés à destination ou en provenance de l'étranger"), les articles 464 et 465 du code des douanes prévoient l'obligation déclarative des transferts vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un tel Etat de sommes, titres ou valeurs et la répression de sa méconnaissance et renvoient, pour leurs conditions, aux articles L. 152-1 et L. 152-4 du code monétaire et financier. Il s'en déduit que le transfert de capitaux sans déclaration constitue une infraction prévue au code des douanes.

12. En deuxième lieu, la personne dont le bien fait l'objet d'une saisie pénale au cours d'une enquête préliminaire, ne saurait, à l'occasion de son appel contre l'ordonnance de saisie, invoquer des exceptions ou formuler des demandes étrangères à l'unique objet de l'appel, telle l'exception prise de la violation du principe ne bis in idem, laquelle pourra être invoquée, le cas échéant, devant la juridiction de jugement. Elle n'est dès lors pas recevable à soulever la violation supposée de ce principe à hauteur de cassation.

13. En troisième lieu, conformément à son office, la chambre de l'instruction a souverainement apprécié l'existence d'indices de commission d'un blanchiment douanier par l'intéressé, de nature à justifier la mesure de saisie pénale.

14. En quatrième lieu, le grief pris du caractère non confiscable, et donc non saisissable, du produit du blanchiment d'un simple manquement à l'obligation déclarative des transferts de capitaux en raison de l'atteinte au principe de libre circulation des capitaux dans l'Union européenne et à l'article 1er du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme est inopérant. D'une part, les dispositions conventionnelles invoquées concernent l'infraction de transfert de capitaux sans déclaration, et non le blanchiment douanier. D'autre part, le moyen pris d'une atteinte disproportionnée au respect du droit des biens est inopérant s'agissant de la saisie en valeur du seul produit de l'infraction.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois octobre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-85636
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, 12 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-85636


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.85636
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