La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2018 | FRANCE | N°18-80123

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mars 2018, 18-80123


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Yves Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de METZ, en date du 4 décembre 2017, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 144 et 181 du code de procédure pénale, de l'article 5 de la Convention europée

nne des droits de l'homme et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. Yves Z...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de METZ, en date du 4 décembre 2017, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 144 et 181 du code de procédure pénale, de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs, défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de M. Z... et a dit que M. Z... restera détenu ;

"aux motifs que l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose notamment que :
- toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent. b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulière pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi. c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ;
- toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ;
- toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation ; que selon l'article 181 du code de procédure pénale : « l'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai d'un an à compter soit de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive s'il était alors détenu, soit de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire » ; que toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel par une décision rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois ; qu'en l'espèce, M. Z... était mis en examen en date du 23 juin 2015 des chefs de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner faits commis le [...]        et placé en détention provisoire criminelle ; que M. Z... était renvoyé pour ces faits devant la cour d'assises de la Moselle par ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction de Metz le 8 novembre 2016 ; que cette ordonnance qui rappelait qu'en vertu de l'article 181 du code de procédure pénale le mandat de dépôt décerné contre M. Z... conserve sa force exécutoire jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises est devenue définitive le 19 novembre 2017 soit après l'expiration du délai d'appel de dix jours ; que par conséquent, M. Z... devait comparaître devant la cour d'assises avant le 19 novembre 2017 ; qu'il résulte de la procédure que M. Z... a comparu devant la cour d'assises de la Moselle le 3 octobre 2017, date à laquelle son procès était censé se tenir ; que cependant, compte tenu du mouvement de grève des avocats initié par le barreau de Metz, qui ont décidé d'empêcher tout accès du public au palais de justice, la cour n'a notamment pas été en mesure de constituer le jury prévu par les textes, impossibilité relevant de la force majeure ; qu'après avoir entendu le défenseur de l'accusé, le ministère public, le défenseur de l'accusé ayant été entendu en ses observations de même que l'accusé lui-même qui a eu la parole en dernier, la cour d'assises de la Moselle au visa de l'article 343 du code de procédure pénale a établi un arrêt du 3 octobre 2017, qui a ordonné le renvoi de l'affaire à une session ultérieure et a constaté que cet arrêt vaut maintien en détention ; que le délai institué par l'article 181 du code de procédure pénale est un délai de comparution et non un délai de jugement, de sorte qu'il suffit pour qu'il soit respecté que l'accusé ait comparu devant la cour seule, avant même tirage au sort du jury, si cette comparution est intervenue dans le délai légal, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'avocat de l'accusé, M. Z... a bien comparu devant la cour d'assises dans le délai légal d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, et que du fait de l'arrêt de renvoi du 3 octobre 2017 rendu par la cour d'assises de la Moselle, l'accusé demeure détenu en exécution du mandat de dépôt initial qui continue à produire ses effets ; que la détention provisoire de M. Z... résultant d'un titre de détention valide il y lieu de constater que les dispositions des articles 144 et 181 du code de procédure pénale et 5 de la Convention européenne des droits de l'homme sont respectées il est constant que l'information est aujourd'hui achevée et que les charges à l'encontre de M. Z... sont définitivement fixées ; que néanmoins l'instabilité comportementale et caractérielle de M. Z... soulignée par les experts ajoutée à un penchant alcoolique font craindre un renouvellement des faits ; que, qui plus est, M. Z... a déjà été condamné à trois reprises 2004, 2008 et 2009 pour des violences et les peines d'emprisonnement et/ou de sursis avec mise à l'épreuve ne l'ont pas dissuadé de mettre un terme à sa conduite ; que les faits de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ont été commis sous l'emprise de l'alcool selon les déclarations de M. Z... alors qu'il avait déjà commis des délits sous l'emprise de l'alcool, et que les cures de soins en alcoologie entreprises ont été insuffisantes pour enrayer son alcoolisme ; que le sursis avec mise à l'épreuve qui lui avait été accordé par jugement du 6 mai 2009 a été révoqué totalement en 2013 ; qu'en outre, M. Z... avait évoqué en garde à vue avoir agi par pulsion lorsqu'il avait poussé Charles A... dans l'eau ; qu'au vu de ces éléments le risque de réitération de faits analogues est très élevé, et la détention provisoire constitue l'unique moyen de prévenir le renouvellement de l'infraction ; que M. Z... encourt par ailleurs une peine criminelle importante au regard de son passé judiciaire ; qu'il avait été exclu de son dernier foyer d'hébergement car il ne respectait pas le règlement en consommant de l'alcool et ne préparant aucun projet d'insertion ; que n'ayant pas d'emploi, ni d'attache familiale solide, vivant la plupart du temps dans l'errance, sa détention provisoire constitue également l'unique moyen de garantir son maintien à la disposition de la justice ; qu'enfin, M. Z... est renvoyé devant la cour d'assises pour des faits criminels au cours desquels une victime qui pêchait paisiblement a été poussée dans l'eau sans motif et a perdu la vie ; que de tels faits ont nécessairement un retentissement important, tant auprès des proches de la victime que dans le quartier, voire dans la commune dans laquelle ils ont été commis ; que la détention provisoire est donc l'unique moyen de faire cesser le trouble exceptionnel et persistant causé à l'ordre public par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission et l'importance du préjudice qu'elle a causé ; que dans ces circonstances, les obligations d'un contrôle judiciaire, même strict, ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique, qui ne permettent pas une surveillance constante et rapprochée de la personne mise en examen, seraient manifestement insuffisantes pour atteindre les objectifs ci-dessus énoncés et définis par l'article 137 du code de procédure pénale, qui ne peuvent l'être à l'inverse, que par la détention provisoire de l'intéressé ; qu'il convient par conséquent de rejeter la demande de mise en liberté formée par Maître Arnaud B..., avocat de M. Z... ;

"1°) alors qu'est irrégulier le maintien en détention d'une personne mise en accusation lorsque, à l'expiration du délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, celle-ci n'a pas comparu devant la cour d'assises à une audience sur le fond ; que l'audience sur le fond ne peut être considéré comme avoir débuté qu'une fois que le jury a été constitué ; qu'en considérant que la détention provisoire de M. Z... était régulière dès lors qu'il avait comparu devant la cour d'assises de la Moselle seule le 3 octobre 2017, avant même tirage au sort du jury, pour considérer qu'il avait comparu à une audience sur le fond dans le délai d'un an, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;

2°) alors qu'est irrégulier le maintien en détention d'une personne mise en accusation lorsque, à l'expiration du délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, celle-ci n'a pas comparu devant la cour d'assises ; que l'audience sur le fond ne peut être considéré comme avoir débuté qu'une fois que le jury a été constitué ; qu'en cas de force majeure empêchant la constitution du jury, la comparution de l'accusé devant la cour d'assises seule, à une audience de renvoi, n'interrompt par le délai de l'article 181 du code de procédure pénale ; qu'en estimant que la détention provisoire de M. Z... était régulière dès lors que l'absence de constitution du jury résultait d'un cas de force majeure, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 181, alinéas 8 et 9, du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai d'un an, à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, dans lequel la personne détenue en raison des faits pour lesquels elle est renvoyée devant la cour d'assises doit comparaître devant cette juridiction ne peut être interrompu que si l'audience sur le fond a débuté, ce qui suppose la formation préalable du jury de jugement ; qu'à défaut, la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel et avant l'expiration de ce délai, par une décision rendue conformément à l'article 144 du code de procédure pénale et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Yves Z... a été mis en accusation du chef susvisé par ordonnance du 8 novembre 2016 ; qu'appelée, le 3 octobre 2017, devant la cour d'assises de la Moselle, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi, un mouvement collectif du barreau de Metz qui interdisait l'accès au palais de justice ayant empêché la constitution du jury de jugement ; que, le 22 novembre 2017, M. Z... a formé une demande de mise en liberté ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce notamment que le délai d'un an prévu par l'article 181 du code de procédure pénale, qui a couru du 19 novembre 2016, date à laquelle l'ordonnance de mise en accusation est devenue définitive, est un délai de comparution et non de jugement, et qu'il suffit que l'accusé ait comparu, dans ce délai, devant la cour seule, avant même tirage au sort du jury, peu important que l'affaire ait été renvoyée compte tenu du mouvement de grève des avocats, situation de force majeure qui a mis la cour dans l'impossibilité de constituer le jury de jugement ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, l'accusé n'avait pas régulièrement comparu devant la cour d'assises le 3 octobre 2017, d'autre part, la circonstance insurmontable qui avait empêché la constitution du jury de jugement n'interdisait pas qu'il fût statué, avant le 19 novembre suivant, jour de l'expiration du délai d'un an, sur la prolongation de la détention provisoire de l'accusé, conformément à l'alinéa 9 de l'article 181 précité dont les dispositions trouvaient ici à s'appliquer, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ; que M. Z... n'ayant pas comparu devant la cour d'assises dans le délai d'un an prévu par l'article 181 du code de procédure pénale à compter du jour où l'ordonnance de renvoi est devenue définitive, sans que sa détention provisoire ait été prolongée dans ce délai par la chambre de l'instruction, il est détenu sans titre depuis le 19 novembre 2017 ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 7 décembre 2017,

CONSTATE que M. Z... est détenu sans titre depuis le 19 novembre 2017 ;

ORDONNE la mise en liberté de M. Z... s'il n'est pas détenu pour autre cause ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-80123
Date de la décision : 27/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, 07 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mar. 2018, pourvoi n°18-80123, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Gouz-Fitoussi et Ridoux

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:18.80123
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award