LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 février 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 262 FS-P+B+I
Pourvoi n° D 18-23.972
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020
1°/ M. I... S...,
2°/ Mme U... R..., épouse S...,
domiciliéstous deux [...] ,
ont formé le pourvoi n° D 18-23.972 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (11e chambre A), dans le litige les opposant à la société CA Consumer finance, société anonyme, dont le siège est [...] , et ayant un établissement [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme S..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CA Consumer finance, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire, et Mme Thomas, greffier de chambre.
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 octobre 2018), que la société CA Consumer finance (la société Consumer), se prévalant de la déchéance d'un prêt consenti à M. et Mme S... en 2009, les a assignés courant 2014 devant un tribunal de grande instance en paiement d'une certaine somme ; que M. et Mme S..., qui ont constitué avocat, n'ont pas conclu ; qu'un jugement du 20 mai 2015 a accueilli la demande de la société Consumer ; que, courant 2017, M. et Mme S... ont assigné la société Consumer devant un tribunal d'instance en paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts à compenser avec les sommes restant dues ; qu'ayant interjeté appel du jugement du tribunal d'instance, M. et Mme S... ont également demandé que soit prononcée la nullité du contrat de prêt et ordonnée la compensation des créances réciproques éventuelles ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen unique annexée qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Attendu que M. et Mme S... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande, alors, selon le moyen, qu'en déclarant irrecevable la demande des époux S... tendant à l'annulation du prêt de 75 000 euros et aux restitutions corrélatives au prétexte qu'elle aurait dû être formulée durant l'instance où l'exécution du prêt a été sollicitée et ayant donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 20 mai 2015, quand les exposants, qui lors de cette instance défendaient à la demande d'exécution du prêt émise par la banque, n'avaient pas à formuler une demande reconventionnelle en nullité dudit prêt et en restitutions corrélatives, la cour d'appel a violé l'autorité de chose jugée et l'article 1351, devenu 1355 du code civil ;
Mais attendu qu'il appartenait à M. et Mme S... de présenter dès l'instance devant le tribunal de grande instance l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande de la société Consumer ; qu'ayant relevé que la demande de nullité qu'ils avaient formée devant le tribunal d'instance concernait le même prêt que celui dont la société Consumer avait poursuivi l'exécution devant le tribunal de grande instance, la cour d'appel, faisant par là-même ressortir que la demande de nullité ne tendait qu'à remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal de grande instance, une décision revêtue de l'autorité de chose jugée à leur égard, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, pris en sa seconde branche, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. et Mme S... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ; les condamne à payer à la société CA Consumer Finance la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme S....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevable la demande des époux S... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'ancien article 1351 du code civil [disposition applicable au présent litige compte tenu de la date des faits] dispose : "L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité." Dans le cas présent la SA CA CONSUMER FINANCE soulève l'irrecevabilité des demandes de M. I... S... et Mme U... R... épouse S... car elles sont fondées sur le même contrat de prêt que celui pour lequel le tribunal de grande instance de Draguignan a déjà statué le 20 mai 2015 qui est quant à lui revêtu de l'autorité de la chose jugée. Par des motifs pertinents que la cour adopte le premier juge a considéré à bon droit que le jugement précédemment rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan a bien statué sur la même cause puisque c'est le même contrat de prêt dont il a été sollicité l'application par les mêmes parties, et alors que l'état de M. S... avait bien été consolidé en 2003, soit bien avant que le jugement soit rendu de telle manière que les demandeurs ne peuvent faire valoir aucune circonstance nouvelle. Surabondamment il convient de souligner qu'il résulte d'une jurisprudence constante que la demande qui repose sur un fondement juridique que le demandeur s'était abstenue de soulever en temps utile (s'agissant ici d'une demande visant à obtenir la nullité du contrat) se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des demandes qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Il convient dès lors au regard de l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 20 mai 2015, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. I... S... et Mme U... R... épouse S... » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 1351 du code civil définit l'autorité de chose jugée comme celle ayant fait ['objet d'un jugement sur la même chose demandée, la même cause et les mêmes parties ; que la nouvelle demande qui invoque un fondement juridique que le demandeur s'était abstenu de soulever en temps utile se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que les demandeurs ne peuvent contester l'identité de cause des deux demandes (le contrat de prêt d'espèce) en invoquant un fondement juridique qu'ils s'étaient abstenus de soulever lors de la première instance, ce d'autant que les faits à l'origine du fondement existaient déjà de sorte que les circonstances n'ont pas été modifiées ultérieurement ; qu'en l'espèce le jugement précédemment rendu par le tribunal de grande instance a bien statué sur la même cause puisque c'est le même contrat de prêt dont il a été sollicité l'application par les mêmes parties, et alors que l'état de monsieur S... avait déjà été consolidé en 2003 soit bien avant que le jugement soit rendu de sorte que les demandeurs ne peuvent faire valoir aucune circonstance nouvelle ; que la demande est donc irrecevable » ;
ALORS, premièrement, QUE pour déclarer irrecevable la demande des époux S... en nullité du prêt de 75 000 € et en restitutions corrélatives, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée par le tribunal de grande instance de Draguignan dans son jugement du 20 mai 2015, les juges du fond ont considéré que les exposants avaient la qualité de demandeurs ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte des énonciations de ce jugement que les époux S... étaient défendeurs à la demande de la société CA consumer finance tendant à leur condamnation à payer les sommes dues au titre de ce prêt,, la cour d'appel a dénaturé ledit jugement du 20 mai 2015 en violation de son obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
ALORS, deuxièmement, QU'en déclarant irrecevable la demande des époux S... tendant à l'annulation du prêt de 75 000 € et aux restitutions corrélatives au prétexte qu'elle aurait dû être formulée durant l'instance où l'exécution du prêt a été sollicitée et ayant donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 20 mai 2015, quand les exposants, qui lors de cette instance défendaient à la demande d'exécution du prêt émise par la banque, n'avaient pas à formuler une demande reconventionnelle en nullité dudit prêt et en restitutions corrélatives, la cour d'appel a violé l'autorité de chose jugée et l'article 1351, devenu 1355 du code civil.