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14/01/2021 | FRANCE | N°18-23238

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 janvier 2021, 18-23238


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 62 F-P+I

Pourvoi n° F 18-23.238

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

M. T... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 18-23.2

38 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des v...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 62 F-P+I

Pourvoi n° F 18-23.238

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

M. T... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° F 18-23.238 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est 64 rue Defrance, 94682 Vincennes cedex, défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. N..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 juin 2018), par jugement d'un tribunal correctionnel du 26 mai 2011, M. N... a été déclaré coupable des faits de violence à l'encontre de Mme B....

2. Par jugement du 21 mars 2012, un tribunal de commerce a ouvert, à l'encontre de M. N..., une procédure de redressement judiciaire, puis par jugement du 21 novembre 2012, adopté un plan de redressement.

3. Par jugement du 2 octobre 2014, un tribunal de grande instance a déclaré M. N... responsable des conséquences dommageables de l'infraction et fixé la créance de Mme B... à certaines sommes.

4. Le 9 novembre 2016, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction a alloué à Mme B... la somme de 34 705 euros à titre de dommages-intérêts, décision signifiée à M. N... le 31 mars 2017. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) s'est acquitté de cette somme.

5. Les 5 avril et 20 juin 2017, le FGTI a fait procéder à deux saisies-attributions sur le compte de M. N..., que ce dernier a contestées devant un juge de l'exécution qui, par jugement du 23 novembre 2017, a dit que l'action en contestation de la seconde saisie était irrecevable et débouté M. N... de sa demande de mainlevée de la première.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. N... fait grief à l'arrêt de rejeter les moyens tirés de l'inopposabilité à son encontre de la créance de la victime et de débouter celui-ci de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 20 juin 2017 pratiquée auprès de la société Homeserve alors « que le subrogé n'a pas plus de droits que son subrogeant au lieu et place duquel il agit ; qu'en affirmant que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, en sa qualité de subrogé dans les droits de Mme B... en application des dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale, était en droit d'obtenir à l'encontre de M. N... le remboursement des sommes qu'il avait versées à Mme B..., cependant que cette dernière n'a jamais eu de créance à l'encontre de M. N... dans la mesure où le jugement du 2 octobre 2014, qui sert de fondement à la saisie-attribution du 20 juin 2017, ne prononce aucune condamnation à l'encontre de M. N..., en redressement judiciaire à cette date, et que Mme B... n'a déclaré aucune créance indemnitaire au passif de cette procédure collective, de sorte que le Fonds ne pouvait se trouver subrogé dans des droits en réalité inexistants du subrogeant, la cour d'appel méconnu le principe susvisé et a violé l'article 1249 ancien du code civil, devenu l'article 1346 du même code, ensemble l'article 706-11 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution et 706-11 du code de procédure pénale :

7. La décision rendue par une juridiction, qui se borne à constater une créance et à en fixer le montant dans le cadre d'une procédure collective, ne constitue pas un titre exécutoire et ne peut, dès lors, servir de fondement à une mesure d'exécution forcée, et le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'infraction, subrogé dans les droits de la victime, ne peut se prévaloir que du titre exécutoire de condamnation de l'auteur de l'infraction au bénéfice de la victime des faits.

8. Pour rejeter la contestation de la saisie-attribution formée par M. N..., l'arrêt retient que le texte même de l'article 706-11 précité indique bien que le FGTI est en droit d'obtenir auprès de la personne déclarée responsable du dommage le remboursement des indemnisations versées à la victime, que M. N... a bénéficié d'un plan de continuation adopté le 21 novembre 2012, soit antérieurement à la décision fixant le montant précis de l'indemnisation, que l'adoption du plan a mis fin à la période d'observation et a remis le débiteur en capacité de gérer son entreprise sous réserve des mesures imposées par ce plan, que dès lors, les créances nées après l'adoption du plan relèvent du droit commun et doivent être payées à l'échéance.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait par ailleurs que le jugement du 2 octobre 2014 avait seulement fixé les créances d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et le condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. N...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens tirés de l'inopposabilité à M. N... de la créance de la victime et débouté celui-ci de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 20 juin 2017 pratiquée auprès de la société Homeserve ;

AUX MOTIFS QUE M. N... affirme qu'aucune exécution forcée ne peut être dirigée contre lui en ce que le jugement du tribunal de grande instance de Vienne du 2 octobre 2014 ne contient aucune condamnation prononcée à son encontre ; qu'il ajoute également que Mme B... n'a jamais déclaré de créance au passif de la procédure collective dont il a bénéficié et qu'il en conclut qu'il y aurait en toute hypothèse une forclusion ; que par jugement du 4 février 2011, le tribunal correctionnel de Vienne a déclaré M. N... coupable de faits de violences volontaires avec arme (couteau) ayant entraîné 10 jours d'ITT sur la personne de Mme B..., faits commis le 27 février 2010 à E... I... ; que par jugement civil contradictoire du 2 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Vienne a déclaré M. N... responsable des conséquences de l'agression commise sur Mme B... et a fixé la créance de cette dernière à la somme totale de 36.205 € au titre de la réparation de son préjudice corporel, sous réserve de la perception d'une provision de 1.500 € ; que par décision du 9 novembre 2016, la CIVI de Vienne a alloué à Mme B... la somme nette de 36.205 - 1.500 = 34.705 € ; qu'en l'espèce, l'action du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions contre M. N... est fondée sur la subrogation légale dont cet organisme bénéficie en vertu des dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale qui dispose dans son alinéa 1er « Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge des dites personnes. Cette subrogation lui permet d'exercer ses droits par toutes voies utiles » ; qu'ainsi, le texte même de l'article 706-11 précité indique bien que le Fonds est en droit d'obtenir auprès de la personne déclarée responsable du dommage (M. N...) le remboursement des indemnisations versées à la victime (Mme B...) ; que de plus, il convient de rappeler que M. N... a bénéficié d'un plan de continuation adopté le 21 novembre 2012, soit antérieurement à la décision fixant le montant précis de l'indemnisation ; que l'adoption du plan a mis fin à la période d'observation et a remis le débiteur en capacité de gérer son entreprise sous réserve des mesures imposées par ce plan ; que dès lors, les créances nées après l'adoption du plan relèvent du droit commun et doivent être payées à l'échéance ; qu'en conséquence, les moyens relatifs à l'opposabilité de la créance seront rejetés d'une part en ce que l'existence d'une procédure collective antérieure n'est pas pertinente et d'autre part en ce que l'action du Fonds trouve son origine dans la subrogation légale de l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le subrogé n'a pas plus de droits que son subrogeant au lieu et place duquel il agit ; qu'en affirmant que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, en sa qualité de subrogé dans les droits de Mme B... en application des dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale, était en droit d'obtenir à l'encontre de M. N... le remboursement des sommes qu'il avait versées à Mme B... (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 2 à 4), cependant que cette dernière n'a jamais eu de créance à l'encontre de M. N... dans la mesure où le jugement du 2 octobre 2014, qui sert de fondement à la saisie-attribution du 20 juin 2017, ne prononce aucune condamnation à l'encontre de M. N..., en redressement judiciaire à cette date, et que Mme B... n'a déclaré aucune créance indemnitaire au passif de cette procédure collective, de sorte que le Fonds ne pouvait se trouver subrogé dans des droits en réalité inexistants du subrogeant, la cour d'appel méconnu le principe susvisé et a violé l'article 1249 ancien du code civil, devenu l'article 1346 du même code, ensemble l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les créances indemnitaires nées avant le jugement d'ouverture concernant le débiteur ne peuvent donner lieu à condamnation de ce dernier ; qu'en considérant que la créance indemnitaire du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions était née postérieurement au jugement du 21 novembre 2012 adoptant le plan de continuation de M. N..., de sorte que cette créance devait être payée à échéance (arrêt attaqué, p. 5, alinéas 5 à 7), cependant que le Fonds se présentait comme subrogé dans les droits de Mme B... dont la créance indemnitaire à l'égard de M. N..., à la supposer existante, est née au plus tard le jour du jugement rendu à son profit le 4 février 2011 par le tribunal correctionnel, soit antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de M. N... en date du 21 mars 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les moyens tirés de l'inopposabilité à M. N... de la créance de la victime et débouté celui-ci de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 20 juin 2017 pratiquée auprès de la société Homeserve ;

AUX MOTIFS QUE sur la saisie-attribution pratiquée auprès de la SAS Homeserve le 20 juin 2017, cette saisie a été dénoncée à M. N... par acte du 27 juin 2017 selon la modalité de remise à l'étude en l'absence du destinataire sur place et après confirmation de l'adresse par la présence du nom sur la boîte aux lettres, la confirmation du domicile par les voisins et par la mairie ; que la preuve de la dénonciation régulière de la saisie-attribution étant rapportée, cette mesure est parfaitement valable et la demande de mainlevée sera rejetée ;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 4 in fine et p. 5, alinéas 1 et 2), M. N... faisait valoir que la saisie-attribution du 20 juin 2017 avait été pratiquée par un huissier de justice territorialement incompétent ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-23238
Date de la décision : 14/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Titre - Titre exécutoire - Définition - Décision fixant le montant de la créance dans le cadre d'une procédure collective (non)

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Plan de redressement - Jugement arrêtant le plan - Titre exécutoire (non)

En application des articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la décision rendue par une juridiction, qui se borne à constater une créance et à en fixer le montant dans le cadre d'une procédure collective, ne constitue pas un titre exécutoire et ne peut, dès lors, servir de fondement à une mesure d'exécution forcée


Références :

articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 26 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jan. 2021, pourvoi n°18-23238, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.23238
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