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29/01/2020 | FRANCE | N°18-15388;18-15396

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 janvier 2020, 18-15388 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2020

Cassation et annulation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 115 FS-P+B

Pourvois n°
Y 18-15.388
H 18-15.396 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JANVIER 2020

I - La société Axson France, société par actions s

implifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Y 18-15.388 contre l'arrêt RG : 16/04216 rendu le 21 février 2018 par la cour d'appel ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2020

Cassation et annulation

M. CATHALA, président

Arrêt n° 115 FS-P+B

Pourvois n°
Y 18-15.388
H 18-15.396 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JANVIER 2020

I - La société Axson France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Y 18-15.388 contre l'arrêt RG : 16/04216 rendu le 21 février 2018 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale) dans le litige l'opposant :

1°/ à M. V... G..., domicilié [...],

2°/ à M. X... T..., domicilié [...],

3°/ à M. R... B..., domicilié [...],

4°/ à M. M... S..., domicilié [...],

5°/ à M. V... P..., domicilié [...],

défendeurs à la cassation ;

II - 1°/ La société Axson France, société par actions simplifiée,

2°/ la société Revocoat France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

ont formé le pourvoi n° H 18-15.396 contre l'arrêt RG : 16/04349 rendu le même jour par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale) entre les mêmes parties ;

La demanderesse au pourvoi n° Y 18-15.388 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° H 18-15.396 invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Axson France et Revocoat France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de MM. G..., T..., B..., S... et M. P..., et l'avis de M. Liffran, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Capitaine, Gilibert, conseillers, MM. Silhol, Duval, Mme Valéry, conseillers référendaires, M. Liffran, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-15.388 et 18-15.396 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. G... et quatre autres salariés ont été engagés entre 1978 et 1980 par la société Revco, spécialisée dans la conception et la fabrication de matériaux destinés à l'industrie automobile ; qu'ils ont travaillé sur le site d'Ozouer-le-Voulgis puis à compter de 1980, sur celui de Saint-Just-en-Chaussée ; que par suite de cessions et restructurations, la société Revco est devenue successivement Gurit Essex et Dow Automotive France ; que le 2 février 2009, cette dernière a cédé le fonds de commerce lié au site de Saint-Just-en-Chaussée à la société Revocoat devenue Axson France puis Revocoat France ; que par un arrêté ministériel du 24 avril 2002 modifié par arrêté du 25 mars 2003, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été inscrit sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période 1977 à 1983 ; qu'un nouvel arrêté du 10 mai 2013 a réduit de 1981 à 1983 la période afférente à l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée et mentionné l'établissement de Ozouer-le-Voulgis pour la période de 1977 à 1983 : que les salariés, qui ont cessé leur activité entre 2012 et 2014, ont saisi la juridiction prud'homale, le 22 juillet 2014 de demandes en réparation de leur préjudice d'anxiété à l'encontre de la société Axson France ;

Sur le pourvoi n° 18-15.388 de la société Axson France dirigé contre l'arrêt RG n° 16/04216 du 21 février 2018 :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 26, II, de cette même loi et l'article 2224 du code civil ;

Attendu que pour déclarer recevable l'action des salariés, l'arrêt retient que le premier arrêté concernant l'entreprise en date du 24 avril 2002 mentionnait en Picardie « Gurit Essex, Dow automotive, [...], de 1981 à 1983 », qu'un second arrêté modificatif en date du 25 mars 2003 reprenait le même intitulé du site concerné et modifiait les années concernées « de 1977 à 1983 », qu'enfin un troisième arrêté complémentaire en date du 10 mai 2013 était rédigé comme suit : « Ile de France : au lieu de : Gurit Essex, Dow automotive, [...], de 1977 à 1983, écrire : Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1977 à 1983 puis Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1981 à 1983 », qu'il ressort de ces divers arrêtés que le site d'Ozouer-le-Voulgis, où ont travaillé les salariés appelants, n'a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'Acaata que le 10 mai 2013, et que le délai de prescription de cinq ans n'était pas atteint lorsque les salariés ont initié leur action le 22 juillet 2014, que l'action sera déclarée recevable au regard des règles de prescription ;

Attendu cependant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les salariés avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de l'arrêté ministériel du 24 avril 2002 ayant inscrit le site de Saint-Just-en-Chaussée sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre du régime légal de l'ACAATA, à une période où ils y avaient travaillé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif à la condamnation de la société Axson France au paiement de dommages-intérêts aux salariés critiqué par le second moyen ;

Sur le pourvoi n° 18-15.396 des sociétés Axson France et Revocoat France dirigé contre l'arrêt RG n°16/04349 du 21 février 2018 :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt RG 16/04216 rendu le 21 février 2018 entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt RG 16/04349 rendu le même jour, condamnant solidairement la société Revocoat France au paiement des condamnations prononcées à l'encontre de la société Axson France ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG 16/04216 rendu le 21 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

CONSTATE l'annulation de l'arrêt n° RG 16/04349 rendu le 21 février 2018 par la cour d'appel d'Amiens ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé n° RG 16/04216 et de l'arrêt annulé n° RG 16/04349 ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits, au pourvoi n° Y 18-15.388, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axson France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables et fondées les demandes formées à l'égard de la société Axson France et d'AVOIR condamné la société Axson France au paiement d'une somme de 8.000 € de dommages-intérêts à chacun des défendeurs au pourvoi ;

AUX MOTIFS QUE « les salariés intimés soutiennent que l'action n'est pas prescrite et font valoir que le site d'Ozouer le Voulgis, où ils ont travaillé, n'a été intégré que par arrêté du 10 mai 2013 à la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activités des travailleurs de l'amiante dans la fabrication de flocage et calorifugeage. La société AXSON appelante soutient au contraire que l'arrêté ministériel concerné est celui du 24 avril 2002 et que la prescription quinquennale à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 a été atteinte le 19 juin 2013. L'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 disposait que toutes les actions tant réelles que personnelles se prescrivaient par 30 ans. La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, reprise par l'article 2224 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Selon l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 30 ans. L'article 2224 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause dispose que l'action personnelle se prescrit à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Le point de départ de la prescription de l'action du salarié est en conséquence le jour où celui-ci a eu conscience du danger pour sa santé de l'exposition à l'amiante et non le jour où les contenus précis du préjudice d'anxiété ont été définis. Un salarié a connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de son employeur sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'Acaata (allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante). En l'espèce le premier arrêté concernant l'entreprise en date du 24 avril 2002 mentionnait en Picardie "Gurit Essex, Dow automotive, [...], de 1981 à 1983". Un second arrêté modificatif en date du 25 mars 2003 reprenait le même intitulé du site concerné et modifiait les années concernées " de 1977 à 1983 ". Enfin, un troisième arrêté complémentaire en date du 10 mai 2013 était rédigé comme suit : "Ile de France : au lieu de : Gurit Essex, Dow automotive, [...], de 1977 à 1983, écrire : Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1977 à 1983 puis Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1981 à 1983". Il ressort de ces divers arrêtés que le site d'Ozouer-le-Voulgis, où ont travaillé les salariés appelants, n'a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'Acaata que le 10 mai 2013, et que le délai de prescription de cinq ans n'était pas atteint lorsque les salariés ont initié leur action le 22 juillet 2014. L'action sera déclarée recevable au regard des règles de prescription et le jugement sera confirmé de ce chef » ;

AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE « sur la prescription :
Vu les articles 1134, 1156 et 2044 du Code civil ; que l'article 31 du Code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; que l'article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; que l'article 9 du Code de procédure civile dispose qu'il appartient à chacune des parties de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que l'article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; Vu qu'il ressort du 1er alinéa de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 que le bénéficiaire de l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante (ACAATA) doit travailler ou avoir travaillé dans un des établissements figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, l'arrêté du 10 mai 2013 a intégré (*) le site d'Ozouer-le-Voulgis à la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dans la fabrication, le flocage et le calorifugeage ;
Au lieu de :
GURIT ESSEX/DOW AUTOMOTIVE, ZI du Nord, route
d'Amiens, 60130 Saint-Just-en-Chaussée : de 1977 à
1983

Ecrire :
REVCO puis GURIT ESSEX puis DOW AUTOMOTIVE, route de
[...] de 1977 à 1983 puis
REVCO puis GURIT ESSEX puis DOW AUTOMOTIVE, route
d'Amiens, [...]
de 1981 à 1983
qu'en l'espèce, les personnels ayant travaillé sur le site d' Ozouer-le-Voulgis entre 1977 et 1983 ont appris à la date de publication de cet arrêté que leur activité sur ce site ouvrait droit au bénéfice de l'ACAATA ; qu'en l'espèce, le délai de prescription commence le jour de la publication de cette insertion du site de Ozouer-le-Voulgis le 10 mai 2013 à la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dans la fabrication, le flocage et le calorifugeage ; qu'en l'espèce, le délai de prescription court du 10 mai 2013 au 10 mai 2018 ; qu'en l'espèce, les demandeurs ont saisi le conseil des prud'hommes le 22 juillet 2014 ; Qu'en l'espèce, la prescription n'est pas opposable ; en conséquence, le Conseil dira les demandes non prescrites et déboutera le Défenseur » ;

1. ALORS QUE selon l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compte du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par l'amiante mais est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés, naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur les liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée (ACAATA) ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, les cinq défendeurs au pourvoi avaient, après avoir travaillé pendant une courte durée au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis, été mutés au sein de l'établissement de Saint-Just-en Chaussée en 1980 au sein duquel ils avaient travaillé jusqu'à leurs départs entre 2012 et 2014 (arrêt p. 4-5) et que, d'autre part, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 24 avril 2002 pour les période 1981 à 1983 ; que, dès lors, qu'ils avaient travaillé au sein de l'établissement au cours de cette période, le préjudice d'anxiété est né et s'est réalisé à la date de publication de l'arrêt du 24 avril 2002, au Journal officiel du 5 mai 2002, de sorte que leurs actions introduites le 22 juillet 2014, soit plus de douze ans après la publication de l'arrêté de classement de l'établissement et plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soumettant les actions personnelles à la prescription quinquennale, étaient irrecevables comme prescrites ; qu'en déclarant néanmoins ces actions recevables, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;

2. ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, les cinq défendeurs au pourvoi avaient, après avoir travaillé pendant une courte durée au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis, été mutés au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée en 1980 au sein duquel ils avaient travaillé jusqu'à leurs départs entre 2012 et 2014 (arrêt p. 4-5) et que, d'autre part, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 24 avril 2002 pour les période 1981 à 1983 ; que la publication d'un arrêté ministériel modificatif du 10 mai 2013 visant l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis était sans aucun effet sur l'existence et la substance du préjudice d'anxiété qui était déjà né pour les salariés ayant, par ailleurs, travaillé au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée classé depuis 2002 et ne pouvait donc, pour ces salariés, avoir pour effet de faire renaître le droit d'agir en réparation de ce préjudice ; qu'en jugeant que la prescription quinquennale avait commencé à courir, pour les salariés ayant commencé à travailler au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis avant d'être mutés en 1980 au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée, à compter de l'arrêté du 10 mai 2013, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil, ensemble les articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Axson France à payer aux défendeurs au pourvoi une somme de 8 000 € en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE « sur le préjudice lié à l'exposition au risque amiante. Une société cessionnaire ayant reçu l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature constituant une branche d'activité exercée dans un établissement où travaillait le salarié lors de l'exposition au risque amiante est subrogée à la société cédante dans son obligation éventuelle d'indemniser la victime. Il résulte de l'article L4121-1 du Code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes sur le fondement des principes généraux de prévention édictés à l'article L4121-2. L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise dont il doit assurer l'effectivité. L'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 a créé un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante. Il a mis en place une allocation de cessation anticipée d'activité, dite ACAATA, versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, âgés d'au moins 50 ans sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle. Le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 susvisé et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et qui se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, qu'il ait été ou non réellement exposé fonctionnellement, directement ou de façon environnementale à l'inhalation de poussières d'amiante, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont il est en droit de solliciter l'indemnisation sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur qui doit alors démontrer une cause exonératoire de sa responsabilité. L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, sans qu'il soit besoin que le salarié apporte la preuve de la réalité et de l'étendue de son préjudice. En outre, un salarié remplissant les conditions d'adhésion prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel pris en son application, a droit à la réparation de son préjudice d'anxiété, qu'il ait ou non adhéré au régime légal. Le niveau d'anxiété est subjectif et dépend de la personnalité de chacun; les études scientifiques ne permettent pas en l'état de la science de déterminer de façon certaine à partir de quel seuil d'exposition le salarié est susceptible de développer une maladie liée à l'amiante. En l'absence de tout élément permettant de mesurer ou de quantifier ce niveau, le préjudice d'anxiété ne peut donner lieu qu'à une réparation forfaitaire appréciée souverainement. En l'espèce, il n'est pas contesté que les sociétés Revco puis Gurit Essex puis Dow automotive d'Ozouer le Voulgis de 1977 à 1983 et de Saint Just en Chaussée de 1981 à 1983 ont été inscrites par arrêtés ministériels des 5 mai 2002, 25 mars 2003 et 10 mai 2013, pris en application de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements donnant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période. Il est constant que les salariés ont travaillé sur le site de Ozouer le Voulgis ou Saint Just en Chaussée pendant la période considérée, en sorte que l'exposition professionnelle au risque amiante doit nécessairement être tenue pour établie, peu important que leur .ex employeur ait été par la suite racheté par une autre société nécessairement tenue aux obligations résultant de la reprise des droits et obligations de la société cédante. Il ne résulte pas des pièces produites aux débats que l'employeur démontre une quelconque cause d'exonération de sa responsabilité. Par ailleurs l'absence de maladie constatée concernant les salariés de l'entreprise Revco n'est pas-établie et ne saurait en tout cas tenir lieu de démonstration pour établir que l'employeur a respecté son obligation de sécurité. En conséquence, au vu de ces éléments, il convient de faire droit à la demande des salariés tendant à l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur le préjudice d'anxiété : que l'article 1142 du Code civil dispose que toute obligation de faire ou de ne pas faire en résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ; que l'article 1147 du Code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; Vu qu'il ressort du 1er alinéa de l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 que le bénéficiaire de l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante (ACAATA) doit travailler ou avoir travaillé dans un des établissements figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; Qu'en l'espèce, l'arrêté du 10 mai 2013 a intégré le site d'Ozouer-le-Voulgis à la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dans la fabrication, le flocage et le calorifugeage ; qu'en l'espèce, les personnels ayant travaillé sur le site d'Ozouer-le-Voulgis entre 1977 et 1983 ont appris à la date de publication de cet arrêté qu'ils pouvaient bénéficier du régime de l'ACAATA ; qu'en l'espèce, le seul fait d'avoir travaillé dans des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et -figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, ajouté à la circonstance que le dispositif de l'ACAATA au bénéfice duquel ils ont été admis a pour objet premier de compenser la perte d'espérance de vie qui peut être celle de salariés ayant travaillé au sein d'entreprises fabriquant ou utilisant de l'amiante ; qu'en l'espèce, l'ensemble des salariés se sont nécessairement trouvés placés du fait de leur employeur, qu'ils aient été ou non réellement exposés fonctionnellement, directement ou de façon environnementale, à l'inhalation de poussières ou de fibre d'amiante, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, à l'origine d'un préjudice d' anxiété susceptible d'être ravivé par l'éventuelle nécessité de subir périodiquement des contrôles ou examens médicaux, préjudice dont ils sont en droit de solliciter l'indemnisation par leur employeur, distinctement du régime de réparation forfaitaire de l'ACAATA, sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé au travail incombant à ce dernier ; qu'en l'espèce, l'emploi dans un site figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante impose qu'il n'y a pas lieu de distinguer selon que les salariés se soient vus ou non remettre par leur employeur une attestation d'exposition ou selon qu'ils justifient ou non subir effectivement des contrôles ou examens préventifs, le préjudice est constitué par le légitime sentiment d'inquiétude découlant du seul fait d'avoir travaillé au sein d'une entreprise susceptible de les avoir exposés au risque de développer une maladie liée à l'amiante ; qu'en l'espèce, les Demandeurs produisent sans contestation avoir exercé entre 1977 et 1983 sur le site d'Ozouer-le-Voulgis ; qu'en l'espèce, le Conseil dira que les Demandeurs sont fondés à solliciter une indemnisation de leur préjudice d'anxiété ; qu'en l'espèce, les Demandeurs produisent qu'ils étaient encore en activité pour la Société REVOCOAT le 2 février 2009 de sorte que leurs contrats de travail ont été transférés Ma Société REVOCOAT SAS devenue Société AXSON France SAS ; qu'en l'espèce, le Conseil dira recevables les présentes demandes à l'égard de la Société AXSON France SAS ; en conséquence, le Conseil condamnera la Société AXSON France SAS en la personne de son représentant légal au paiement à chacun des demandeurs de dommages et intérêts d'une somme qu'il estime égale à 8.000 euros » ;

ALORS QUE le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu'il ait travaillé dans un établissement susceptible d'ouvrir droit à l'ACAATA ne dispense pas l'intéressé, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu'en dispensant les défendeurs au pourvoi de justifier de leur situation par des éléments personnels et circonstanciés pour leur allouer à chacun une somme de 8 000 € à titre de « réparation forfaitaire » du préjudice d'anxiété pour avoir travaillé au sein d'établissements classés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et du principe de la réparation intégrale du préjudice.
Moyens produits, au pourvoi n° H 18-15.396, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils pour les sociétés Axson France et Revocoat France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Revocoat France sera tenue solidairement au paiement des condamnations prononcées à l'encontre de la société Axson France par l'arrêt (n°RG 16/04216) de la cour d'appel d'Amiens du 21 février 2018 ayant confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Beauvais du 5 juillet 2016 qui avait déclaré les demandes des salariés recevables et condamné la société Axson France à verser à chacun d'eux une somme de 8 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété et, y ajoutant, condamné la société Axson France à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

ALORS QUE la cassation de l'arrêt (n°RG 16/04216) de la cour d'appel d'Amiens du 21 février 2018 sur le pourvoi (Y 18-15.388) de la société Axson France entraînera, en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Revocoat France sera tenue solidairement au paiement des condamnations prononcées à l'encontre de la société Axson France par l'arrêt (n°RG 16/04216) de la cour d'appel d'Amiens du 21 février 2018 ayant confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Beauvais du 5 juillet 2016 qui avait déclaré les demandes des salariés recevables et condamné la société Axson France à verser à chacun d'eux une somme de 8.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété et, y ajoutant, condamné la société Axson France à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription de l'action les salariés soutiennent que l'action n'est pas prescrite et font valoir que le site d'Ozouer le Voulgis, où ils ont travaillé, n'a été intégré que par arrêté du 10 mai 2013 à la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activités des travailleurs de l'amiante dans la fabrication de flocage et calorifugeage. L'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 disposait que toutes les actions tant réelles que personnelles se prescrivaient par 30 ans. La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, reprise par l'article 2224 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Selon l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 30 ans. L'article 2224 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause dispose que l'action personnelle se prescrit à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Le point de départ de la prescription de l'action du salarié est en conséquence le jour où celui-ci a eu conscience du danger pour sa santé de l'exposition à l'amiante et non le jour où les contenus précis du préjudice d'anxiété ont été définis. Un salarié a connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de son employeur sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'Acaata (allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante). En l'espèce le premier arrêté concernant l'entreprise en date du 24 avril 2002 mentionnait en Picardie "Gurit Essex, Dow automotive, [...], de 1981 à 1983". Un second arrêté modificatif en date du 25 mars 2003 reprenait le même intitulé du site concerné et modifiait les années concernées " de 1977 à 1983 ". Enfin, un troisième arrêté complémentaire en date du 10 mai 2013 était rédigé comme suit : " Ile de France : au lieu de : Gurit Essex, Dow automotive, [...], de 1977 à 1983, écrire : Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1977 à 1983 puis Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1981 à 1983". Il ressort de ces divers arrêtés que le site d'Ozouer-le-Voulgis, où ont travaillé les salariés appelants, n'a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'Acaata que le 10 mai 2013, et que le délai de prescription de cinq ans n'était pas atteint lorsque les salariés ont initié leur action le 22 juillet 2014. L'action est donc recevable au regard des règles de prescription » ;

1. ALORS QUE selon l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compte du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par l'amiante mais est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés, naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur les liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée (ACAATA) ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, les cinq défendeurs au pourvoi avaient, après avoir travaillé pendant une courte durée au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis, été mutés au sein de l'établissement de Saint-Just-en Chaussée en 1980 au sein duquel ils avaient travaillé jusqu'à leurs départs entre 2012 et 2014 (arrêt p. 4-5) et que, d'autre part, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 24 avril 2002 pour les période 1981 à 1983 ; que, dès lors, qu'ils avaient travaillé au sein de l'établissement au cours de cette période, le préjudice d'anxiété est né et s'est réalisé à la date de publication de l'arrêt du 24 avril 2002, au Journal officiel du 5 mai 2002, de sorte que leurs actions introduites le 22 juillet 2014, soit plus de douze ans après la publication de l'arrêté de classement de l'établissement et plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soumettant les actions personnelles à la prescription quinquennale étaient irrecevables comme prescrites ; qu'en déclarant néanmoins ces actions recevables, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;

2. ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, les cinq défendeurs au pourvoi avaient, après avoir travaillé pendant une courte durée au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis, été mutés au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée en 1980 au sein duquel ils avaient travaillé jusqu'à leurs départs entre 2012 et 2014 (arrêt p. 4-5) et que, d'autre part, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 24 avril 2002 pour les périodes 1981 à 1983 ; que la publication d'un arrêté ministériel modificatif du 10 mai 2013 visant l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis était sans aucun effet sur l'existence et la substance du préjudice d'anxiété qui était déjà né pour les salariés ayant, par ailleurs, travaillé au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée classé depuis 2002 et ne pouvait donc, pour ces salariés, avoir pour effet de faire renaître le droit d'agir en réparation de ce préjudice ; qu'en jugeant que la prescription quinquennale avait commencé à courir, pour les salariés ayant commencé à travailler au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis avant d'être mutés en 1980 au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée, à compter de l'arrêté du 10 mai 2013, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil, ensemble les articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Revocoat France sera tenue solidairement au paiement des condamnations prononcées à l'encontre de la société Axson France par l'arrêt (n° RG 16/04216) de la cour d'appel d'Amiens du 21 février 2018 ayant confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Beauvais du 5 juillet 2016 qui avait déclaré les demandes des salariés recevables et condamné la société Axson France à verser à chacun d'eux une somme de 8.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété et, y ajoutant, condamné la société Axson France à payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « sur le préjudice lié à l'exposition au risque amiante. Une société cessionnaire ayant reçu l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature constituant une branche d'activité exercée dans un établissement où travaillait le salarié lors de l'exposition au risque amiante est subrogée à la société cédante dans son obligation éventuelle d'indemniser la victime. Il résulte de l'article L4121-1 du Code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes sur le fondement des principes généraux de prévention édictés à l'article L4121-2. L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise dont il doit assurer l'effectivité. L'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 a créé un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante. Il a mis en place une allocation de cessation anticipée d'activité, dite ACAATA, versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, âgés d'au moins 50 ans sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle. Le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 susvisé et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et qui se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, qu'il ait été ou non réellement exposé fonctionnellement, directement ou de façon environnementale à l'inhalation de poussières d'amiante, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont il est en droit de solliciter l'indemnisation sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur qui doit alors démontrer une cause exonératoire de sa responsabilité. L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, sans qu'il soit besoin que le salarié apporte la preuve de la réalité et de l'étendue de son préjudice. En outre, un salarié remplissant les conditions d'adhésion prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel pris en son application, a droit à la réparation de son préjudice d'anxiété, qu'il ait ou non adhéré au régime légal. Le niveau d'anxiété est subjectif et dépend de la personnalité de chacun; les études scientifiques ne permettent pas en l'état de la science de déterminer de façon certaine à partir de quel seuil d'exposition le salarié est susceptible de développer une maladie liée à l'amiante. En l'absence de tout élément permettant de mesurer ou de quantifier ce niveau, le préjudice d'anxiété ne peut donner lieu qu'à une réparation forfaitaire appréciée souverainement. En l'espèce, il n'est pas contesté que les sociétés Revco puis Gurit Essex puis Dow automotive d'Ozouer le Voulgis de 1977 à 1983 et de Saint Just en Chaussée de 1981 à 1983 ont été inscrites par arrêtés ministériels des 5 mai 2002, 25 mars 2003 et 10 mai 2013, pris en application de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements donnant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période. Il est constant que les salariés ont travaillé sur le site de Ozouer le Voulgis ou Saint Just en Chaussée pendant la période considérée, en sorte que l'exposition professionnelle au risque amiante doit nécessairement être tenue pour établie, peu important que leur ex employeur ait été par la suite racheté par une autre société nécessairement tenue aux obligations résultant de la reprise des droits et obligations de la société cédante. Il ne résulte pas des pièces produites aux débats que l'employeur démontre une quelconque cause d'exonération de sa responsabilité. Par ailleurs l'absence de maladie constatée concernant les salariés de l'entreprise Revco n'est pas établie et ne saurait en tout cas tenir lieu de démonstration pour établir que l'employeur a respecté son obligation de sécurité. En conséquence, au vu de ces éléments, la cour de céans a fait droit à la demande des salariés tendant à l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété et a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Beauvais. Il y a lieu de dire que la société REVOCOAT FRANCE, qui a bénéficié de l'activité de Saint Just à la suite d'un apport partiel d'actif en date du 31 décembre 2014, sera tenue solidairement des condamnations mises à la charge de la société AXSON FRANCE » ;

ALORS QUE le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu'il ait travaillé dans un établissement susceptible d'ouvrir droit à l'ACAATA ne dispense pas l'intéressé, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu'en dispensant les défendeurs au pourvoi de justifier de leur situation par des éléments personnels et circonstanciés pour leur allouer à chacun une somme de 8 000 € à titre de « réparation forfaitaire » du préjudice d'anxiété pour avoir travaillé au sein d'établissements classés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et du principe de la réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-15388;18-15396
Date de la décision : 29/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Action en réparation - Prescription - Délai - Point de départ - Détermination - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Manquement - Préjudice - Préjudice spécifique d'anxiété - Naissance - Date - Arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA - Portée PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Actions personnelles ou mobilières - Point de départ - Connaissance des faits permettant l'exercice de l'action - Cas - Action en réparation du préjudice d'anxiété - Détermination

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer, et un salarié bénéficiaire de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) a connaissance du risque à l'origine de son anxiété à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'établissement sur la liste permettant la mise en oeuvre de ce régime légal spécifique


Références :

article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile

article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile

arti
cle 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 21 février 2018

Sur le point de départ du délai de prescription de l'action en indemnisation du préjudice d'anxiété, dans le même sens que :Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-50030, Bull. 2019, V, (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 jan. 2020, pourvoi n°18-15388;18-15396, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.15388
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