LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 mai 2019
Cassation
M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 725 F-P+B+I
Pourvoi n° W 18-14.811
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 6 février 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Ineo infracom, société en nom collectif, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 avril 2019, où étaient présents : M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Taillandier-Thomas, conseiller rapporteur, Mme Vieillard, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Taillandier-Thomas, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu les articles L. 461-1, R. 441-13 du code de la sécurité sociale, et le tableau n° 57 A des maladies professionnelles ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ineo infracom (la société) a saisi une juridiction de sécurité sociale en inopposabilité de la décision du 22 juillet 2013 de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard (la caisse) relative à la prise en charge au titre du tableau n° 57 A des maladies professionnelles, de l'affection déclarée par un de ses salariés, M. P... ;
Attendu que pour accueillir le recours, l'arrêt retient que le dossier constitué par la caisse et communiqué à l'employeur ne comprend pas le contenu des IRM mentionnées dans l'avis du médecin conseil alors que l'IRM n'est pas seulement un élément de diagnostic mais une composante essentielle de la définition de la maladie professionnelle du tableau n° 57 A et qu'il doit faire nécessairement l'objet d'une communication, avant décision, afin de respecter le principe du contradictoire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la teneur de l'IRM mentionnée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles constitue un élément du diagnostic, qui ne peut être examinée que dans le cadre d'une expertise, de sorte qu'elle n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l'employeur peut demander la communication, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Ineo infracom aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ineo infracom à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
:Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Gard.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit inopposable à la société Inéo Infracom la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard de l'assuré F... P... au titre de l'article 57-A du tableau de maladies professionnelles ;
AUX MOTIFS QU'il convient de relever qu'en cause d'appel la caisse a ajouté un élément en date du 25 août 2016 émanant de son médecin-conseil le Docteur H... U... qui énonce : "Le libellé de l'affection est respecté : tendinopathie chronique non rompue non calcifiante. Deux I.R.M. du 21/10/2011 et du 9/11/2012 confirment le diagnostic." ; qu'il n'est pas sans intérêt de noter la date de ces imageries médicales en relation avec les dates mentionnées dans le certificat du 22 janvier 2013 du médecin traitant le Docteur Y... qui parle d'aggravation des symptômes malgré des interventions du coude droit en mars 2011 puis mars 2012, c'est-à-dire environ six mois avant un I.R.M. deux années consécutives avant le certificat de 2013 ;
Sur le respect du contradictoire dans l'instruction du dossier par la Caisse qu'il convient de constater que le certificat médical initial du 22 janvier 2013 mentionne déjà la date du 13 septembre 2010 pour la première constatation médicale (ce qui correspond à un arrêt de travail pour maladie nécessairement connu de l'employeur), le délai de prise en charge au titre de la maladie professionnelle pouvant être antérieur au certificat joint à la déclaration de la maladie professionnelle ; que par ailleurs la date à prendre en considération pour la prescription de l'action en reconnaissance n'est pas celle de la première constatation médicale mais celle à laquelle l'assuré a pu avoir connaissance du lien entre sa pathologie et son activité professionnelle et de nature à laisser penser à la qualification possible de maladie professionnelle ; que l'article D 461-1-1 du Code de la Sécurité Sociale énonce en effet :
"Pour l'application du dernier alinéa de l'article L 461-2 la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil" ; que le problème de la prescription ne se pose en conséquence pas en l'espèce, celle-ci n'étant pas encourue en l'état des dates du dossier ; que l'article R 441-14 du Code de la Sécurité Sociale dispose en son alinéa 3" (...) Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13. "( ... ) ;
que l'article R 441-13 du Code de la Sécurité Sociale - en sa version alors applicable - énonçait « Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre;
1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;
2°) les divers certificats médicaux ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;
6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique. Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires. Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire." ;
que sur la communication du dossier à l'employeur, il faut souligner qu'il n'est pas contesté qu'y figurait l'avis du médecin-conseil mais que n'y figurait pas le certificat de première constatation médicale, peu important et indifférent étant la circonstance que l'employeur avait pu constater à cette période l'arrêt pour maladie de son salarié ; que de façon plus fondamentale et déterminante il est acquis que le contenu des I.R.M. et leur existence même n'ont pas été mentionnés dans le dossier soumis à communication, alors que dans le même temps le médecin conseil apparaît considérer ces éléments comme déterminants de sa propre décision à en croire encore son avis intervenu en cours de procédure et pour les besoins de la cause le 25 août 2016 (voir supra) ; qu'en conséquence l'employeur se trouvait confronté en cours de procédure à une analyse de différents documents médicaux qui lui étaient opposés sans qu'il puisse utilement les discuter dans le cas de la défense des intérêts et de son droit à vérifier la qualification médicale et les conséquences qui en étaient tirées sur l'application en l'espèce du tableau de maladies professionnelles ; qu'il en est d'autant plus ainsi une atteinte au respect de son droit à l'information que l'employeur fait valoir au fond une contestation sur la désignation même de la maladie ;
que le tableau 57 énonce en effet
- A - Épaule
Tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs.
30 jours Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 3h30 par jour en cumulé. Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
6 mois sous réserve d'une durée d'exposition de 6 mois
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) :
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou
- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
1 an (sous réserve)
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) :
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé ;
qu'ainsi le contenu d'un IRM, et a fortiori l'existence de plusieurs IRM, était une donnée médicale et administrative essentielle, qui devait faire l'objet nécessairement d'une communication avant décision pour le respect du contradictoire de l'instruction vis à vis de l'employeur ; qu'en l'espèce l'I.R.M. n'est en effet pas seulement un élément du diagnostic mais plus fondamentalement est une composante essentielle de la définition de la maladie professionnelle dans le tableau 57-A ; que lors de l'instruction d'une demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'affection ainsi désignée au tableau des maladies professionnelles, le dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dont l'employeur peut demander la communication, doit comprendre les documents médicaux obtenus et qui doivent être réalisées dans les conditions et modalités fixées par ce tableau ;
1) ALORS QUE les services de la CPAM sont seulement tenus de mettre à la disposition de l'employeur les éléments du dossier qu'ils détiennent ; que les pièces médicales ayant permis d'objectiver une maladie professionnelle, détenues par le médecin-conseil, ne figurent pas à ce dossier comme relevant du secret médical ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait imputer à la CPAM du Gard une méconnaissance du principe contradictoire pour n'avoir pas communiqué à l'employeur le contenu d'un IRM, élément que, par hypothèse, elle ne pouvait détenir ; qu'à cet égard, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire, ensemble les articles R. 441-14 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale, l'article R 4127-4 du code de la santé publique et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
2) ALORS QUE le principe du contradictoire est respecté si préalablement à la décision de prise en charge, l'employeur est à même de consulter le dossier dans la composition qu'il aura quand la CPAM prendra sa décision ; qu'en exigeant qu'au-delà de l'avis du médecin conseil, au vu duquel la CPAM a statué, le dossier transmis à l'employeur comporte l'IRM à partir duquel le médecin-conseil a émis son avis de prise en charge de la maladie professionnelle telle que décrite au tableau 57-A des maladies professionnelles, la Cour d'appel a violé les articles R. 441-14 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale ;
3) ALORS QUE l'IRM mentionné au tableau n° 57-A des maladies professionnelles n'est qu'un élément de diagnostic, et non pas un élément constitutif de la maladie professionnelle ; qu'en considérant au contraire que l'IRM était une composante essentielle de la définition de la tendinopathie telle que visée au tableau 57-A des maladies professionnelles pour en déduire l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la CPAM du Gard de reconnaître la nature professionnelle de la maladie du salarié de l'absence au dossier de l'IRM visé au tableau précité, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 461-1 et L. 461-2 du code de la sécurité sociale.
4) ALORS QUE la pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial n'est pas au nombre des pièces constituant le dossier devait être mis à la disposition de l'employeur ; qu'en reprochant à la caisse de n'avoir pas placé le document dans le dossier mis à la disposition de l'employeur, qui en avait eu connaissance et avait pu le discuter la Cour d'appel a violé l'article R 441-3 du code de la Sécurité Sociale.