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15/05/2019 | FRANCE | N°18-11036

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2019, 18-11036


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2411-1, dans sa rédaction applicable au litige et les articles L. 2411-3 et L. 2142-1-2 du code du travail ;

Attendu que le représentant de section syndicale qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée minimale légale d

u mandat des représentants élus du personnel augmentée de six mois ;

Attendu, se...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2411-1, dans sa rédaction applicable au litige et les articles L. 2411-3 et L. 2142-1-2 du code du travail ;

Attendu que le représentant de section syndicale qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée minimale légale du mandat des représentants élus du personnel augmentée de six mois ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H... a été engagé le 5 janvier 2006 par la société MAP ; que son contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2009 à la société Altran Cis, aux droits de laquelle vient la société Altran Technologie (la société) ; qu'il a été désigné en qualité de représentant de section syndicale le 22 août 2012 ; qu'il a été licencié pour faute grave le 8 novembre 2012 ; qu'il a signé un accord transactionnel avec son employeur le 12 décembre 2012 aux termes duquel il renonçait à contester son licenciement en contrepartie du versement d'une certaine somme ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 6 février 2013 en nullité de son licenciement ;

Attendu que pour condamner la société à payer au salarié une somme correspondant au montant des salaires de ce dernier de novembre 2012 à novembre 2015, soit pendant trente-six mois, la cour d'appel retient que le salarié a été licencié sans que soit sollicitée l'autorisation de l'inspecteur du travail, qu'au titre de la méconnaissance de son statut protecteur, il doit percevoir une indemnité équivalente au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir entre la date de son éviction et la fin de sa période de protection, que, conformément aux dispositions de l'article L. 2142-1-1, alinéa 3, du code du travail, le mandat du représentant de la section syndicale reste valable jusqu'aux premières élections professionnelles qui suivent sa désignation, lesquelles sont intervenues en novembre 2015, qu'en conséquence, le salarié, qui ne demandait pas sa réintégration au sein de l'entreprise, est en droit de percevoir une somme correspondant à son salaire du mois de novembre 2012, date de son licenciement, jusqu'au mois de novembre 2015, fin de son mandat ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Altran technologies à payer à M. H... la somme de 115 251,72 euros à titre de rappel de salaires sur la période de protection, l'arrêt rendu le 21 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Altran technologies.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société Altran technologies à payer à Monsieur F... H... la somme de 115 251,72 euros à titre de rappel de salaire sur la période de protection et de l'AVOIR condamnée aux entiers dépens de première instance ainsi qu'à la somme de 2000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « En l'espèce, par décision du 22 août 2012 du Président du Syndicat National [...], (SICSTI-CFTC), Monsieur H... a été régulièrement désigné représentant de section syndicale pour l'établissement Altran CIS conformément aux dispositions de l'article L. 2142-1-1 du code du travail. L'employeur a été informé de cette désignation par courrier électronique et par lettre recommandée avec accusé de réception le 22 août 2012. Il n'a formulé aucune contestation. Le mandat du représentant de la section syndicale restait valable jusqu'aux premières élections professionnelles qui suivent sa désignation, soit jusqu'en novembre 2015. En sa qualité de délégué de représentant de la section syndicale, Monsieur H... bénéficiait d'une protection identique à celle des délégués syndicaux sont applicables au représentant de la section syndicale. Dès lors, par application de l'article L2411-3 du contrat de travail, le licenciement de l'intéressé ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est en effet requise et subsiste durant les douze mois suivant la date de cessation des fonctions, si le représentant les a exercés pendant au moins un an. En l'espèce, en violation des dispositions impératives du code du travail à cet égard, la société Altran CIS n'a pas sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail pour procéder au licenciement de Monsieur H... et n'a pas dénoncé la mise à pied notifiée au salarié à l'inspection du travail. Il s'ensuit que le licenciement de Monsieur H..., intervenu sans respect de la procédure spécifique liée à son statut, est sanctionné par la nullité. La transaction qui fait suite à ce licenciement nul encourt par voie de conséquence la nullité. Au titre de la méconnaissance de son statut protecteur, Monsieur H... doit percevoir une indemnité équivalente au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir entre la date de son éviction et la fin de sa période de protection. Conformément aux dispositions de l'article L.2142-1-1 alinéa 3 du code du travail, le mandat du représentant de la section syndicale reste valable jusqu'aux premières élections professionnelles qui suivent sa désignation. En l'espèce, ces élections sont intervenues en novembre 2015. En conséquence, Monsieur H... qui ne demandait pas sa réintégration au sein de l'entreprise est en droit de percevoir la somme de 115 251,72 euros correspondant à son salaire du mois de novembre 2012 jusqu'au mois de novembre 2015, fin de son mandat ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « La société Altran a méconnu la protection légale accordée à Monsieur H... et son licenciement est nul de plein droit. Cette protection expirait à l'issue des premières élections professionnelles qui ont suivi sa désignation. Les parties s'accordent sur le fait que ces élections ont eu lieu en novembre 2015, Monsieur H... n'ayant pas exercé son mandat l'année précédant l'expiration virtuelle de son mandat, il n'y a pas lieu de lui accorder la prolongation de la protection d'une durée de 12 mois prévue au code du travail. La responsabilité de la société Altran est indifférente sur ce point puisque le but de la prolongation est d'accorder une protection effective et réelle à un salarié qui n'exerce plus de mandat notamment contre des mesures retardées de rétorsion. En conséquence, la société Altran technologies venant aux droits de Altran CIS est condamnée à payer à Monsieur H... la somme de 115 251,72 euros correspondant à son salaire du mois de novembre 2012 au mois de novembre 2015 ».

1) ALORS QUE, en application de l'article L. 2142-1-2 du code du travail, les dispositions du code du travail relatives à la protection des délégués syndicaux sont applicables au représentant de section syndicale ; que dans le cas où un délégué syndical a été licencié sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail et où il ne demande pas sa réintégration, il a droit à une indemnité correspondant à la période de protection prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail égale à douze mois de salaire à compter de son éviction de l'entreprise; qu'en condamnant la Société Altran technologies à verser à M. H..., au titre de la violation de son statut protecteur, la somme de 115 251,72 euros correspondant aux salaires pour la période allant du mois de novembre 2012 jusqu'au mois de novembre 2015, soit 36 mois de salaire, après avoir constaté que M. H..., licencié sans autorisation préalable et qui ne demandait pas sa réintégration, était représentant de section syndicale au jour de son licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE le représentant du personnel licencié sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail et qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection dans la limite de deux ans, augmentée, le cas échéant de la période de protection prévue en cas de cessation du mandat; qu'en application de l'article L. 2411-3 al. 2 du code du travail, le délégué syndical et a fortiori, le représentant de section syndicale bénéficient d'une protection de 12 mois lorsqu'ils cessent leurs fonctions s'ils ont exercé ces dernières pendant au moins douze mois ; qu'en retenant, après avoir constaté que M. H..., qui n'avait pas exercé ses fonctions de représentant de section syndicale pendant au moins une année, ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 2411-3 al.2 du code de travail, que celui-ci était fondé à solliciter, au titre de la violation de son statut protecteur, la somme de 115 251,72 euros correspondant à son salaire du mois de novembre 2012 jusqu'au mois de novembre 2015, soit 36 mois de salaire, la cour d'appel a violé les articles L.2411-1, L.2411-3 et L. 2142-1-2 du code du travail ;

3) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le représentant du personnel licencié sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail et qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection dans la limite de deux ans, augmentée de six mois, soit un maximum de 30 mois de salaire ; qu'en accordant à M. H... une indemnité pour violation du statut protecteur équivalente à 36 mois de salaire, la cour d'appel a derechef violé les articles L.2411-1, L. 2411-3 et L. 2142-1-2 du code du travail ;

4) ALORS ENFIN, A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, QUE dans ses écritures, la Société Altran technologies rappelait que la période d'indemnisation des représentants de section syndicale, calquée sur celle des délégués syndicaux, était nécessairement limitée à une période de 12 mois et subsidiairement, qu'en toute hypothèse, l'indemnisation des salariés protégés ne pouvait excéder une période de 24 mois, outre la période de protection supplémentaire accordée en fin de mandat, étant précisé que M. H..., qui n'avait pas exercé son mandat pendant au moins une année, n'était pas fondé à se prévaloir de la protection supplémentaire de 12 mois prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail ; qu'en se bornant à condamner la Société Altran au paiement de l'ensemble des salaires entre la période d'éviction et la fin du mandat, sans rechercher si cette indemnisation ne devait pas être plafonnée, ni préciser les raisons pour lesquelles, à rebours de la jurisprudence applicable aux autres salariés protégés, elle avait octroyé à M. H..., sans aucune limite, une indemnité équivalant à l'intégralité de la période entre la date d'éviction et la fin de son mandat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-1, L. 2411-3 et L. 2142-1-2 du code du travail ;

5) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en s'abstenant de répondre aux écritures de la Société Altran technologies laquelle avait soutenu que la protection des représentants de section syndicale était calquée sur celle des délégués syndicaux, indemnisés dans la limite de 12 mois de salaire et subsidiairement, qu'en tout état de cause, l'indemnisation des salariés protégés ne pouvait excéder une période de 24 mois, outre la période de protection supplémentaire accordée en fin de mandat, étant précisé que M. H..., qui n'avait pas exercé son mandat pendant au moins une année, n'était pas fondé à se prévaloir de la protection supplémentaire de 12 mois prévue par l'article L. 2411-3 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-11036
Date de la décision : 15/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Inobservation - Indemnisation - Evaluation

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Salarié protégé - Mesures spéciales - Inobservation - Indemnisation - Evaluation

Il résulte de l'article L. 2411-1, dans sa rédaction applicable au litige, et des articles L. 2411-3 et L. 2142-1-2 du code du travail, que le représentant de section syndicale qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de trente mois, durée de la protection minimale légale du mandat des représentants élus du personnel augmentée de six mois. Doit dès lors être cassé l'arrêt d'une cour d'appel, qui, pour fixer l'indemnité due à un salarié désigné en qualité de représentant de section syndicale le 22 août 2012, licencié le 8 novembre 2012 sans autorisation de l'inspecteur du travail, qui ne demandait pas sa réintégration au sein de l'entreprise, retient qu'il est en droit de percevoir une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'aux premières élections professionnelles qui suivent sa désignation intervenues en novembre 2015, soit pendant 36 mois


Références :

articles L. 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, et L. 2411-3 et L. 2142-1-2 du même code

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mai. 2019, pourvoi n°18-11036, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11036
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