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16/07/2019 | FRANCE | N°17BX02616

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2019, 17BX02616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les 16 titres de perception émis à son encontre et la décision implicite de rejet de l'opposition formée à ces titres, d'enjoindre à l'État de décharger des sommes mises à sa charge par ces titres et au remboursement des sommes déjà acquittées en exécution de ces titres, soit 4722,80 euros et de condamner l'État à lui verser la somme globale de 62 956,94 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis, dont 3 000

euros au titre des irrégularités entachant la procédure de licenciement, 1 500...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les 16 titres de perception émis à son encontre et la décision implicite de rejet de l'opposition formée à ces titres, d'enjoindre à l'État de décharger des sommes mises à sa charge par ces titres et au remboursement des sommes déjà acquittées en exécution de ces titres, soit 4722,80 euros et de condamner l'État à lui verser la somme globale de 62 956,94 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis, dont 3 000 euros au titre des irrégularités entachant la procédure de licenciement, 1 500 euros au titre de la liquidation de l'allocation de retour à l'emploi, 30 000 euros au titre de la négligence de l'administration dans le versement des rémunérations et l'éventuelle récupération des indemnités journalières, 10 000 euros au titre du préjudice moral et 18 456,94 euros au titre de récupérations indument effectuées par l'administration sur ses bulletins de salaire.

Par un jugement n° 1404130 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les 16 titres de perception contestés, a enjoint à l'État de décharger Mme A...de l'obligation de payer les créances résultant des titres émis et de lui rembourser la somme de 4 722,80 euros, dans le délai de quatre mois, à compter de la notification de ce jugement, a condamné l'État à verser à Mme A...une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi par elle et une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 2 août 2017 et le 21 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande de MmeA....

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'ordonnateur ne pouvait régulariser les titres litigieux ;

- en outre, les premiers juges auraient dû subordonner la restitution des sommes perçues à l'absence d'adoption de nouveaux titres exécutoires réguliers, dans un délai qu'il leur appartenait de fixer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2017, MmeA..., représentée par MeB..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, et par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 18 640,81 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'attitude de l'administration dans la gestion de son dossier.

Elle soutient que :

- contrairement à ce que soutient le ministre, seul l'auteur de l'action en justice peut se prévaloir de la suspension du délai de prescription biennal prévu par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sur le fondement de ladite action, en conséquence, l'instance devant le tribunal administratif n'a pas pu suspendre le délai de prescription applicable au recouvrement des créances concernées et les titres émis de 2011 à 2013 sont définitivement prescrits ;

- en tout état de cause, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de la notification du titre afin de démontrer que la prescription a été interrompue, ce qu'elle n'a pas fait, étant précisé, au demeurant, que cinq des titres auxquels se réfère l'administration ont été émis alors que la prescription était acquise ;

- par ailleurs et du reste, elle serait fondée, dans l'hypothèse où les conclusions d'appel du ministre seraient accueillies, à demander la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis du fait de la négligence de l'administration dans le versement de ses rémunérations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., agent non titulaire du ministère de l'éducation nationale, rattachée au rectorat de l'académie de Toulouse, ayant exercé des fonctions de conseillère en formation continue dans les locaux d'enseignement de l'académie de Toulouse, a été placée en congé de maladie, à compter de mai 2009, puis de grave maladie à compter du 15 mars 2010. Lors de sa séance du 5 septembre 2012, le comité médical départemental de la Haute-Garonne l'a déclarée inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de toute fonction. Puis, par arrêté du 19 février 2013, le recteur de l'académie de Toulouse a prononcé son licenciement pour inaptitude physique avec effet au 15 mars 2013. Cette décision n'a cependant été notifiée à Mme A... que le 19 mars 2013 et, après recours gracieux de l'intéressée, un nouvel arrêté en date du 12 novembre 2013 est venu modifier la date d'effet de son licenciement en la fixant au 19 mars 2013. Par ailleurs, dans le courant du mois d'août 2013, selon ses propres dires, elle s'est vu notifier un titre de perception, émis le 25 juillet 2013, pour un montant de 2 924,35 euros, au titre d'un indu sur rémunération, faisant suite à congé de grave maladie du 1er septembre 2012 au 31 octobre 2012, puis à partir du 25 novembre 2013 et jusque dans le courant du mois de décembre 2013, treize autres titres de perception, émis entre le 22 octobre 2013 et le 13 novembre 2013, lui ont été notifiés concernant des indus de rémunération. Enfin, au mois de décembre 2013, elle a, en outre, été informée par la direction régionale des finances publiques de l'existence de deux autres titres de perception émis à son encontre en 2011.

2. Mme A...a formé opposition à ces 16 titres de perception émis aux fins de recouvrer des indemnités journalières de sécurité sociale et l'indemnité de conseillère en formation continue pour un montant total de 18 640,81euros. Par jugement du 24 mai 2017 le tribunal administratif de Toulouse a, notamment, à l'article 1er de ce jugement, annulé ces 16 titres exécutoires et, à l'article 2 dudit jugement, enjoint à l'administration de décharger Mme A...de l'obligation de payer les créances résultant des titres émis et de lui rembourser la somme de 4 722,80 euros, dans le délai de quatre mois, à compter de la notification du présent jugement.

3. Le ministre de l'éducation nationale demande à la cour l'annulation de l'article 2 de ce jugement. Mme A...conclut, à titre principal, au rejet du recours du ministre et, par la voie de l'appel incident et à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit à ce recours, à ce que l'État soit condamné à lui verser la somme de 18 640,81 euros en réparation des préjudices subis en raison de la gestion de son dossier.

4. D'une part et aux termes de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.

6. D'autre part, l'annulation par une décision juridictionnelle d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation éventuelle par l'administration, que les sommes perçues par l'administration sur le fondement du titre ainsi dépourvu de base légale soient immédiatement restituées à l'intéressé. Lorsqu'une juridiction est saisie de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de restituer des sommes perçues sur le fondement d'un titre de perception ainsi annulé, il lui appartient de prescrire la mesure demandée en fixant le délai au terme duquel l'administration devra restituer ces sommes, si elle n'a pas émis, avant l'expiration de ce délai, un nouveau titre de perception dans des conditions régulières et si aucune règle de prescription n'y fait obstacle.

7. Le ministre soutient, en premier lieu, que les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que les créances dont le recouvrement était poursuivi par les titres cités au point 1 étaient atteintes par la prescription biennale prévue par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, précitées. Le ministre en infère qu'il lui était loisible d'émettre de nouveaux titres afin d'obtenir paiement des créances de l'État sur MmeA..., ce qui s'opposait à l'injonction décidée à l'article 2 du jugement litigieux.

8. Toutefois, il est constant, d'une part, que les créances en cause se rapportaient à des versements effectués au profit de l'intimée de 2011 à 2013 et d'autre part, que les titres tendant au recouvrement de ces créances ont été émis également au cours des années 2011 à 2013, de sorte qu'à la date à laquelle le jugement litigieux est intervenu, soit le 24 mai 2017, la prescription biennale, qui ne pouvait avoir été interrompue ou suspendue par l'action de Mme A... à l'encontre desdits titres, était acquise. Par suite et contrairement à ce que prétend le ministre en appel, aucune régularisation n'était possible, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a enjoint à l'État de décharger Mme A...de l'obligation de payer les créances résultant des titres émis et de lui rembourser la somme de 4 722,80 euros, dans le délai de quatre mois, à compter de la notification de ce jugement. Il y a lieu, par ailleurs et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à Mme A...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'éducation nationale est rejeté.

Article 2 : L'État versera à Mme A...une somme de 1 500 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Mme C...A....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2019.

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02616
Date de la décision : 16/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes créateurs de droits.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-16;17bx02616 ?
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