La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2017 | FRANCE | N°17BX00785

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 19 décembre 2017, 17BX00785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'ordonner le remboursement de la somme de 42 787,44 euros dont il s'est acquitté à la suite d'un titre de recette émis à son encontre par le maire de Saint-Pierre le 20 septembre 2011 en paiement d'une participation pour non-réalisation d'aires de stationnement rendues nécessaires par un projet ayant fait l'objet d'un permis délivré le 14 novembre 2006.

Par un jugement n° 1200781 du 12 mars 2015, le magistrat désigné par le présiden

t du tribunal administratif de la Réunion a fait droit à sa demande.

Par une déci...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'ordonner le remboursement de la somme de 42 787,44 euros dont il s'est acquitté à la suite d'un titre de recette émis à son encontre par le maire de Saint-Pierre le 20 septembre 2011 en paiement d'une participation pour non-réalisation d'aires de stationnement rendues nécessaires par un projet ayant fait l'objet d'un permis délivré le 14 novembre 2006.

Par un jugement n° 1200781 du 12 mars 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Réunion a fait droit à sa demande.

Par une décision du 2 mars 2017, rendue sous le n° 391024, le Conseil d'Etat, saisi par la commune de Saint-Pierre d'un pourvoi en cassation contre ce jugement, a attribué le jugement de la requête de la commune à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2017, la commune de Saint-Pierre, représentée par la SCP Waquet Farge Hazan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mars 2015 ;

2°) de rejeter la demande de M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le jugement contesté doit être annulé : la participation pour non réalisation d'aires de stationnement n'a pas été assimilée par le Conseil d'Etat à un impôt local ; par suite, le jugement de la requête de M. B...relevait non pas de la compétence d'un magistrat statuant seul, mais de la compétence d'une formation collégiale du tribunal administratif de La Réunion ;

- le jugement est entaché d'erreur de droit : l'article R. 332-21 du code de l'urbanisme a été implicitement abrogé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; les créances non fiscales des personnes publiques sont soumises à deux types de prescription : la prescription d'assiette (l'article 2224 du code civil modifié par la loi du 17 juin 2008 prévoit un délai de prescription de droit commun de 5 ans) et la prescription de recouvrement (article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales) ; le délai spécial de prescription fixé à quatre ans par l'article R. 332-21 du code de l'urbanisme, issu du décret n°73-1023 du 8 novembre 1973, a donc été implicitement abrogé par le texte de 2008 de valeur législative ;

- le titre de recette émis le 20 septembre 2011 par le maire de la commune, dans le délai de cinq ans courant à compter de l'année au cours de laquelle le permis de construire, fait générateur de la créance, a été délivré, vise donc une créance qui n'est atteinte d'aucune prescription ;

- en tout état de cause, l'article R. 332-21 du code de l'urbanisme qui fixait la prescription quadriennale est illégal en ce qu'il détermine les principes fondamentaux du régime des obligations civiles dont il n'appartient qu'au législateur de connaître en application des dispositions de l'article 34 de la Constitution (cf. CE, 27 novembre 2006, n° 296018).

Par ordonnance du 27 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 octobre 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauzies, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 14 novembre 2006, le maire de la commune de Saint-Pierre de La Réunion a délivré un permis de construire à M. A... B...en mettant à la charge de celui-ci une participation pour non-réalisation d'aires de stationnement d'un montant de 39 022,66 euros. En vue du recouvrement de cette participation, un titre de recette a été émis par le maire le 20 septembre 2011, la somme réclamée étant fixée à 42 787,44 euros. Après s'être acquitté de cette somme, M. B...en a demandé le remboursement par une réclamation adressée à la trésorerie de Saint-Pierre le 26 juin 2012. La commune de Saint-Pierre relève appel du jugement du 12 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à rembourser à M. B... la somme de 42 787,44 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative applicable aux faits : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue en audience publique (...) : (...) 5° Sur les recours relatifs aux taxes syndicales et aux impôts locaux autres que la taxe professionnelle (...) " et aux termes de l'article R. 811-1 du même code: " (...) dans les litiges énumérés au (...) 5° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort (...) " ;

3. Aux termes, par ailleurs, de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme applicable aux faits du litige : " (...) Lorsque le pétitionnaire ne peut satisfaire lui-même aux obligations imposées par un document d'urbanisme en matière de réalisation d'aires de stationnement, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement existant ou en cours de réalisation. / (...) A défaut de pouvoir réaliser l'obligation prévue au quatrième alinéa, le pétitionnaire peut être tenu de verser à la commune une participation fixée par le conseil municipal, en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement. Le montant de cette participation ne peut excéder 12 195 euros par place de stationnement. (...) / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application des quatrième et cinquième alinéas du présent article et précise notamment les modalités d'établissement, de liquidation et de recouvrement de la participation prévue au quatrième alinéa, ainsi que les sanctions et garanties y afférentes. ". Il résulte de ces dispositions que la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement doit être regardée, non comme une imposition, mais comme une participation que la loi, dans les limites qu'elle définit, autorise la commune à percevoir sur le bénéficiaire du permis de construire à raison des équipements publics dont la réalisation est rendue nécessaire par la construction.

4. Par suite, la participation pour non-réalisation de places de stationnement ne peut être regardée comme un impôt local au sens et pour l'application des articles R. 222-13 du code de justice administrative. Ainsi, la commune de Saint-Pierre est fondée à demander l'annulation du jugement en date du 12 mars 2015 par lequel le juge unique désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a statué sur les conclusions présentées par M. B...dirigées contre le titre de recette émis à son encontre par le maire de la commune le 20 septembre 2011 pour recouvrer ladite participation, dès lors qu'il appartenait au tribunal administratif de La Réunion, siégeant en formation collégiale, de statuer sur cette requête. Il y a donc lieu d'annuler le jugement, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de La Réunion.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par la commune de Saint-Pierre :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties (...) ". La circonstance, en l'espèce, que M. B...s'est mépris sur l'identité du défendeur qui n'est pas la trésorerie de la commune de Saint-Pierre de la Réunion mais la commune elle-même est sans incidence sur la recevabilité de la demande introductive d'instance.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 332-2 du code de l'urbanisme applicable aux faits : " Les litiges relatifs à la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement sont de la compétence des juridictions administratives. Sans préjudice du recours pour excès de pouvoir susceptible d'être formé contre la décision d'octroi du permis de construire, les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôts directs ".

7. M. B...a présenté le 26 juin 2012 une réclamation préalable avant de contester devant le tribunal administratif de La Réunion le titre de recette émis à son encontre. En application des dispositions de l'article R. 190-2 du livre des procédures fiscales, rendues applicables aux réclamations relatives à l'assiette de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement par l'effet de l'article R. 332-23 du code de l'urbanisme alors applicable, qui prévoyaient que " toute réclamation concernant l'assiette d'une imposition directe, adressée au service de recouvrement, est transmise par celui-ci au service de l'assiette ", la réclamation de M. B...adressée à tort au service comptable de la commune de Saint-Pierre devait être transmise par celui-ci au maire de la commune de Saint-Pierre. Par suite, la seconde fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Pierre ne peut qu'être écartée.

Sur la prescription de la créance détenue par la commune de Saint-Pierre :

8. Aux termes de l'article R. 332-20 du code de l'urbanisme, applicable aux faits : " La participation est recouvrée en vertu d'un titre de recette émis au vu du permis de construire par l'ordonnateur de la commune (...) " et aux termes de l'article R. 332-21 du code de l'urbanisme, applicable aux faits : " L'action en recouvrement de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement dont dispose l'administration peut être exercée jusqu'à l'expiration de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le permis de construire a été délivré. La prescription est interrompue dans les conditions définies à l'article 1975 du code général des impôts ".

9. Ces dispositions n'ont pas pour objet de fixer au comptable le délai maximum dans lequel il peut procéder au recouvrement des sommes mentionnées sur le titre de recette mais d'imposer à l'ordonnateur un délai maximum, à compter du fait générateur de la participation, pour émettre, à peine de prescription, le titre de recette. Il résulte de ces dispositions que, pour émettre le titre de recette prévu par l'article R. 332-20 du code de l'urbanisme, l'ordonnateur de la commune dispose d'un délai qui s'achève à l'expiration de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le permis de construire a été délivré.

10. Aux termes de l'article 2224 du code civil dans sa version issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

11. En premier lieu, la commune ne peut utilement soutenir que l'article R. 332-21 du code de l'urbanisme qui institue une prescription d'assiette aurait été implicitement abrogé à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dès lors que les dispositions précitées du code civil ne sont susceptibles de s'appliquer qu'en ce qui concerne la prescription des actions en recouvrement d'une créance publique.

13. En second lieu, l'article R. 332-21 du code de l'urbanisme a été pris pour la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 421-3 du même code dont la constitutionnalité n'est pas contestée par la commune. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 9, cet article R. 332-21 du code de l'urbanisme fixait une prescription d'assiette. Ainsi, s'il résulte de l'article 34 de la Constitution qu'il n'appartient qu'au législateur de déterminer les principes fondamentaux des obligations civiles au nombre desquels figurent la fixation d'un délai de prescription pour l'action en paiement d'une créance, il n'en va pas de même s'agissant de l'article R. 332-21 précité qui se borne à fixer le délai dans lequel la commune est autorisée à percevoir une participation sur le bénéficiaire d'un permis de construire à raison des équipements publics dont la réalisation est rendue nécessaire par la construction et dont le fait générateur est le permis de construire. Par suite, en tout état de cause, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions règlementaires de l'article R. 332-21 ne peut qu'être écarté.

14. Enfin, le permis de construire a été délivré à M. B...le 14 novembre 2006 par la commune de Saint-Pierre. En application des dispositions de l'article R. 332-21 du code de l'urbanisme alors applicables, le maire de la commune de Saint-Pierre devait donc émettre le titre de recette relatif à la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement prévue par ce permis de construire, avant le 31 décembre 2010. Par suite, le titre de recette litigieux ayant été émis le 20 septembre 2011, M. B... est fondé à soutenir qu'à cette date, l'acte d'assiette de la participation était prescrit.

15. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen par lequel M. B...conteste le montant de la participation mise à sa charge, ce dernier, qui a payé à la commune de Saint-Pierre une somme de 42 787,44 euros correspondant à une créance communale atteinte par la prescription, est fondé à demander la condamnation de la commune de Saint-Pierre à lui rembourser cette somme.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées devant le tribunal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de la commune de Saint-Pierre. En revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune devant la cour et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mars 2015 est annulé.

Article 2 : La commune de Saint-Pierre est condamnée à restituer à M. B...la somme de 42 787,44 euros et à payer à M. B...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Pierre sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Pierre et à M. A...B....

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Mme D...C...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX00785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 17BX00785
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-024 Urbanisme et aménagement du territoire. Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-19;17bx00785 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award