LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 775, 914 et 916, ensemble l'article 907, du code de procédure civile, ces derniers dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que seules disposent de l'autorité de la chose jugée au principal les ordonnances du conseiller de la mise en état qui statuent sur une exception de procédure, sur un incident de nature à mettre fin à l'instance, sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile ;
Qu'en application du troisième, les ordonnances de ce magistrat peuvent être déférées par simple requête à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, sur un incident de nature à mettre fin à l'instance, sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou sur la caducité de celui-ci ou lorsqu'elles prononcent l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que dans l'instance en partage de la communauté de M. X... et de Mme Y..., deux immeubles communs ont été adjugés en 1995 à M. X... à l'occasion d'une vente sur licitation dont le cahier des charges prévoyait que si l'adjudicataire était un des colicitants, celui-ci pourrait différer le règlement de la partie du prix devant revenir à l'autre colicitant jusqu'au règlement définitif de la liquidation de la communauté ; que l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur la demande de Mme Y... de revalorisation de la somme d'argent devant lui revenir ayant été partiellement cassé et l'affaire renvoyée à une autre cour d'appel (1re civ., 14 mai 2014, pourvoi n° 13-10.830, Bull. 2014, I, n° 91), Mme Y... a saisi cette dernière d'une demande de "réinscription au rôle de l'affaire" ; que M. X... en ayant contesté la recevabilité, le conseiller de la mise en état a dit que la demande de Mme Y... constituait une déclaration de saisine sur renvoi de cassation et déclaré cette "déclaration d'appel" régulière et recevable ; que M. X... a réitéré, devant la cour d'appel, la fin de non-recevoir qu'il avait soumise au conseiller de la mise en état ;
Attendu que pour déclarer irrecevable le moyen de M. X... pris de l'irrecevabilité de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation, l'arrêt retient que la compétence du conseiller de la mise en état pour examiner la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, non expressément prévue par l'article 914 du code de procédure civile, constitue le prolongement naturel de sa compétence afférente à la recevabilité de l'appel, que dès lors, les dispositions de l'article 916, alinéa 2, du même code concernant les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel sont ici applicables, que faute d'avoir déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état dans les quinze jours de son prononcé, M. X... n'est pas recevable à reprendre devant elle ses demandes sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur la recevabilité de la déclaration de saisine après renvoi de cassation n'était pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, de sorte que l'absence de déféré de cette ordonnance n'interdisait pas à la partie défenderesse de soulever devant la cour d'appel le moyen pris de l'irrecevabilité de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur le fondement du premier moyen s'étend, par voie de conséquence, à l'ensemble des dispositions de l'arrêt ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de M. X... portant sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... estime que M. X... est irrecevable à reprendre devant la cour les demandes rejetées par le conseiller de la mise en état dans sa décision du 3 novembre 2015, dans la mesure où il n'a pas déféré cette ordonnance à la cour dans les 15 jours de son prononcé ; que M. X... réplique que la voie du déféré ne lui était pas ouverte par les articles 914 alinéa 2 et 916 alinéa 2 du code de procédure civile ; il invoque à l'appui de sa position un arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 12 novembre 2015, rendu cependant au visa de l'ancien article 914 du code de procédure civile, abrogé par le décret du 9 décembre 2009 ; que l'article 914 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de la chose jugée au principal ; que l'article 916 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que les ordonnance du conseiller de la mise en état peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles statuent sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ; que la compétence du conseiller de la mise en état pour examiner la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, non expressément prévue par l'article 914 du code de procédure civile, constitue le prolongement naturel de sa compétence afférente à la recevabilité de l'appel ; que dès lors, les dispositions de l'article 916 alinéa 2 du code de procédure civile concernant les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel sont ici applicables ; que faute d'avoir déféré à la cour l'ordonnance du conseiller de la mise en état dans les 15 jours de son prononcé, M. X... n'est pas recevable à reprendre devant la cour ses demandes sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi ; qu'il en est débouté ;
1°) ALORS QUE les ordonnances du conseiller de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, à l'exception de celles limitativement énumérées par l'article 916, alinéa 2, du code de procédure civile, qui peuvent être déférées à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date ; qu'en jugeant que « faute d'avoir déféré à la cour l'ordonnance du conseiller de la mise en état dans les 15 jours de son prononcé, M. X... n'est pas recevable à reprendre devant la cour ses demandes sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi », quand la décision du conseiller de la mise en l'état statuant sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation ne figure pas parmi celles qui, exceptionnellement, peuvent lui être déférées, et n'a donc pas autorité de la chose jugée au principal, la cour d'appel a violé l'article 916 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable, ensemble les articles 775 et 907 du même code ;
2°) ALORS QUE seules les ordonnances du conseiller de la mise en état mettant fin à l'instance ont autorité de la chose jugée au principal et peuvent alors être déférées à la cour d'appel dans les quinze jours de leur date ; qu'en jugeant que « faute d'avoir déféré à la cour l'ordonnance du conseiller de la mise en état dans les 15 jours de son prononcé, M. X... n'est pas recevable à reprendre devant la cour ses demandes sur la recevabilité de la saisine de la cour d'appel de renvoi », quand l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 novembre 2015 a déclaré régulière et recevable la déclaration d'appel et n'a donc pas mis fin à l'instance, la cour d'appel a violé l'article 916 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Béthune du 20 juillet 2011 sur la demande de revalorisation de la soulte de Mme Y..., dit que le montant de la soulte due à Mme Y... est susceptible de revalorisation, et renvoyé les parties devant Maître Philippe-André A..., notaire [...] ;
AUX MOTIFS QUE dans l'instance en partage de la communauté des époux, deux immeubles communs sis à [...] et à [...] ont été adjugés à
l'époux à l'occasion d'une vente sur licitation en 1995, respectivement pour 30.870,93 euros et 97.186,25 euros ; que Mme Y... demande revalorisation de la soulte à laquelle elle a droit, du fait de l'augmentation de la valeur des deux immeubles de plus du quart, ce par application des articles 883 ancien et 1476 du code civil ; que le tribunal de gaude instance de BETHUNE et la cour d'appel de DOUAI ont débouté Mme Y... de sa demande de révision de soulte au motif qu'aucun partage n'avait encore eu lieu, et qu'en tout état de cause, ce n'étaient pas les immeubles qui figuraient dans le lot de M. X... mais le prix de l'adjudication ; que M. X... demande à la cour de retenir le raisonnement de la cour d'appel de DOUAI et de confirmer la décision du tribunal de grande instance de BETHUNE sur ce point, affirmant à nouveau qu'aucun partage même partiel n'a été réalisé ; que les conditions de l'article 833-1 du code civil ne sont donc pas réunies, et que le montant de la soulte, non déterminé, ne saurait être revalorisé ; que la cour de cassation rappelle qu'en application de l'article 883 ancien du code civil, la licitation à un indivisaire constitue un partage partiel revêtant un caractère définitif à l'égard du bien licité qui est sorti de l'indivision en contrepartie d'un prix, lequel, en vertu du 833-1 de l'ancien code civil, est assimilable à une soulte devant revenir divisément aux autres indivisaires ; qu'en effet, aux termes de l'article 883 ancien du code civil alinéa 1, que l'article 1476 rend applicable aux partages de communauté, chaque co-héritier (ici chaque co-indivisaire) est censé avoir succédé seul et immédiatement aux effets à lui échus sur licitation ; qu'en cas d'adjudication d'un bien indivis à un colicitant, la licitation équivaut donc à un partage (ici un partage partiel, les biens licités n'étant pas les seuls biens indivis) ; que le résultat de la licitation est donc le même que si le copartageant avait reçu le bien dans son lot à la suite du partage ; que la soulte, qui peut se définir comme un retour en argent tendant à compenser l'inégalité en nature des lots, est due au moment du partage, sauf convention prévoyant son paiement différé dans le temps ; qu'ici le paiement différé a été prévu, le cahier des charges annexé au jugement d'adjudication des immeubles prévoyant que si l'adjudicataire est un des co-licitants, celui-ci pourra différer le règlement de la partie du prix devant revenir à l'autre co-licitant jusqu'au règlement définitif de la liquidation de la communauté ; que l'article 833-1 du code civil ancien, applicable en l'espèce, dispose : "lorsque le débiteur d'une soulte a obtenu des délais de paiement, et que, par suite des circonstances économiques, la valeur des biens mis dans son lot a augmenté ou diminué de plus du quart depuis le partage, les sommes restant dues augmentent ou diminuent dans la même proportion. Les parties peuvent toutefois convenir que le montant de la soulte ne variera pas" ; qu'en l'espèce aucune clause n'a prévu que le montant de la soulte resterait inchangée, et il n'est pas contesté que la valeur des immeubles a augmenté : que le montant de la soulte due à Mme Y... doit par conséquent être revalorisé ; que la décision du tribunal de grande instance de BETHUNE sera infirmée sur ce point ; que les parties ne fournissent pas d'éléments d'appréciation de cette variation, qui sera déterminée dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage en cours devant Maître A..., notaire à BETHUNE ; que les parties sont déboutées de leurs autres demandes, la cour d'appel de renvoi étant saisie de la seule question de la revalorisation de la soulte, les autres points étant définitivement jugés ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entrainera la cassation de l'arrêt en ce qu'il a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Béthune du 20 juillet 2011 sur la demande de revalorisation de la soulte de Mme Y..., dit que le montant de la soulte due à Mme Y... est susceptible de revalorisation, et renvoyé les parties devant Maître Philippe-André A..., notaire [...] , en application, de l'article 624 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la soulte ou la portion de soulte dont le débiteur est redevable n'est sujette à révision que si les biens mis dans son lot ont augmenté ou diminué de plus du quart entre le jour du partage et celui où la dette vient à échéance ; qu'en jugeant que le montant de la soulte due à Madame Y... est susceptible de revalorisation, après avoir relevé que le paiement différé avait été prévu, « le cahier des charges annexé au jugement d'adjudication des immeubles prévoyant que si l'adjudicataire est un des co-licitants, celui-ci pourra différer le règlement de la partie du prix (
) jusqu'au règlement définitif de la liquidation de la communauté », ce dont il résultait que la dette n'était pas encore à échéance, la cour d'appel a violé l'article 833-1 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
3°) ALORS QUE la soulte ou la portion de soulte dont le débiteur est redevable n'est sujette à révision que si les biens mis dans son lot ont augmenté ou diminué de plus du quart depuis le jour du partage ; qu'en jugeant que le montant de la soulte due à Madame Y... est susceptible de revalorisation, motif pris qu'« il n'est pas contesté que la valeur des immeubles a augmenté », sans rechercher si les immeubles devenus la propriété de Monsieur X... ont augmenté de plus du quart depuis le jour de la licitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 833-1 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;