LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, 1er et 4 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun sur la sécurité sociale, signée le 5 novembre 1990, publiée par le décret n°92-223 du 10 mars 1992, et 9 de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 24 janvier 1994, publiée par le décret n° 96-1033 du 25 novembre 1996 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que bénéficient des prestations familiales les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées dès lors qu'ils justifient de la régularité de leur situation par la production de l'un des titres ou documents énumérés par le deuxième ; que, selon le dernier, les membres de la famille d'un ressortissant de l'un des Etats contractants peuvent être autorisés à rejoindre le chef de famille régulièrement établi sur le territoire de l'autre Etat dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial ; que, selon le troisième, les travailleurs salariés de nationalité camerounaise, occupés sur le territoire français, bénéficient pour leurs enfants résidant en France des prestations familiales prévues par la législation française ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions et stipulations que le travailleur salarié ou assimilé de nationalité camerounaise doit justifier, par la production des documents mentionnés au deuxième des textes susvisés, de la régularité de la situation de l'enfant qui a été autorisé à le rejoindre en France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., de nationalité camerounaise, entrée en France en 2008 et titulaire d'une carte de séjour temporaire mention "vie privée, vie familiale" depuis 2009, régulièrement renouvelée depuis, a sollicité, au titre de son fils Junior, né le [...] au Cameroun, arrivé en France avec elle, le bénéfice des prestations familiales ; que la caisse d'allocations familiales du Nord (la caisse) lui ayant opposé un refus, le 18 décembre 2013, en l'absence de production pour l'enfant Junior, du certificat de contrôle médical délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour accueillir ce recours, l'arrêt retient qu'il est exact qu'en application de l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, l'attribution des prestations familiales est limitée aux seuls parents étrangers en situation régulière, dont les enfants à charge sont nés en France ou arrivés en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial et que l'enfant Junior est entré en France en 2008 avec sa mère en dehors de la procédure de regroupement familial, aucun certificat de contrôle médical de l'enfant Junior délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant produit, de telle sorte que les conditions d'attribution des prestations sociales n'étaient pas remplies tant que Mme X... n'avait pas exercé d'activité salariée en France, mais que depuis qu'elle a exercé une activité salariée, en 2013, elle peut valablement demander le bénéfice de la convention bilatérale signée entre la France et le Cameroun pour les salariés ou assimilés ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2016 entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Me Carbonnier ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-huit, et signé par Mme Flise, président, et par Mme Szirek, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de la décision.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la caisse d'allocations familiales du Nord.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme X... ouvrait droit à des prestations familiales pour son fils Junior à compter du 1er janvier 2013, d'avoir condamné la Caisse d'allocations familiales du Nord à payer ces prestations à compter du 1er janvier 2013 et à verser à son conseil s'il renonçait au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Aux motifs que la CAF fait valoir que l'enfant Junior n'étant pas en possession d'un des documents requis par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, un droit aux prestations sociales ne pourrait être ouvert pour cet enfant ; que l'accord francocamerounais du 5 novembre 1990 pose la condition d'une activité salariée ou assimilée et que Mme X..., qui n'est plus en activité depuis le 7 mars 2013 n'entrerait pas dans le champ d'application de cet accord et que dès lors, ce sont les dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-2 qui auraient vocation à s'appliquer ; que Mme X... invoque une incompatibilité entre les exigences posées par les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle soutient par ailleurs que sa situation relèverait de la convention bilatérale conclue entre la France et le Cameroun le 5 novembre 1990 prévoyant qu'en matière de droit aux prestations familiales les ressortissants camerounais et leurs ayant-droits sont soumis aux mêmes règles que les ressortissants français ; que vu les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, vu la Convention bilatérale signée le 5 novembre 1990 entre la France et le Cameroun en matière de sécurité sociale pour les salariés exerçant une activité salariée ou assimilée, il appert de l'examen des pièces produites que Mme X... a exercé une activité salariée en France du 6 octobre 2012 au 30 avril 2013, qu'elle a été en recherche d'emploi indemnisée du 1er mai 2013 au 20 décembre 2013, en recherche d'emploi jusqu'au 1er mars 2016 et a exercé à nouveau une activité salariée depuis le 1er mars 2016 ; que son fils Junior a sa résidence auprès d'elle ; que dans ces conditions, en application de la Convention bilatérale du 5 novembre 1990 précité, Mme X... a droit aux prestations familiales pour son fils Junior à compter du 1er janvier 2013, ce point de départ, qui correspond au moment où son dossier de demande auprès de la CAF était complet, n'étant pas remis en cause par cet organisme ; que la CAF ne peut pas valablement soutenir que Mme X... n'entrerait pas dans le champ d'application de la Convention bilatérale du 5 novembre 1990 précité au motif qu'elle n'aurait plus d'activité salariée depuis le 7 mars 2013, alors qu'il appert de l'examen des pièces produites qu'après avoir eu une activité salariée jusqu'au 20 décembre 2013, elle a été en recherche d'emploi pour partie indemnisée et qu'elle a retrouvé un emploi depuis le 1er mars 2016 ; que ce moyen ne peut donc prospérer ; que la CAF soutient que l'enfant n'étant pas en possession de l'un des titres requis par l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale, un droit aux prestations familiales ne peut être ouvert pour cet enfant, mais si cette affirmation est exacte pour la période antérieure à toute activité salariée de la mère, elle ne l'est plus pour la période postérieure compte tenu de la convention bilatérale précitée du 5 novembre 1990 ; qu'il est exact qu'en application de l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, l'attribution des prestations familiales est limitée aux seuls parents étrangers en situation régulière, dont les enfants à charge sont nés en France ou arrivés en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial et que l'enfant Junior est entré en France en 2008 avec sa mère en dehors de la procédure de regroupement familial, aucun certificat de contrôle médical de l'enfant Junior délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) n'étant produit, de telle sorte que les conditions d'attribution des prestations sociales n'étaient pas remplies tant que Mme X... n'avait pas exercé d'activité salariée en France, mais que depuis qu'elle a exercé une activité salariée en 2013, elle peut valablement demander le bénéfice de la convention bilatérale signée entre la France et le Cameroun pour les salariés ou assimilés ;
Alors 1°) que les étrangers peuvent bénéficier des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de la régularité de leur entrée et de leur séjour en France par l'un des titres tels qu'énumérés par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'après avoir exactement rappelé qu'en application de ce texte, l'attribution des prestations familiales était limitée aux seuls parents étrangers en situation régulière, dont les enfants à charge étaient nés en France ou arrivés en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles l'enfant Junior était entré en France en 2008 avec sa mère en dehors de la procédure de regroupement familial, aucun certificat de contrôle médical de l'enfant Junior délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant produit, et a ainsi violé les articles L. 512-2 et D 512-2 du code de la sécurité sociale ;
Alors 2°) que contrairement aux accords euro-méditerranéens instituant une égalité de traitement entre les ressortissants communautaires et ceux des pays signataires et pourvus d'un effet direct en droit interne, les conventions bilatérales conclues en matière de sécurité sociale n'établissent pas d'égalité de traitement avec les nationaux du pays d'accueil, mais ont seulement pour objet de coordonner les législations de sécurité sociale des deux Etats contractants ; que la convention bilatérale conclue entre la France et la Cameroun le 5 novembre 1990 ne dispense pas une ressortissante camerounaise, pour obtenir des prestations familiales en France en faveur d'un enfant né au Cameroun, de justifier des pièces prévues par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé la Convention générale sur la sécurité sociale conclue entre la France et le Cameroun le 5 novembre 1990 et, par refus d'application, les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale ;
Alors 3°) et subsidiairement, qu'en décidant qu'en application de la Convention bilatérale sur la sécurité sociale conclue le 5 novembre 1990 entre la France et la Cameroun, Mme X... avait droit aux prestations familiales pour son fils Junior à compter du 1er janvier 2013, sans avoir analysé les termes de cette convention, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.