La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2018 | FRANCE | N°17-10227

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 mai 2018, 17-10227


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que M. X... a été engagé en 2006 par la société CSC Computer sciences en qualité d'ingénieur ; que par jugement du 8 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a constaté que la société n'avait pas appliqué les dispositions de la loi du 21 août 2007 dite TEPA aux salariés relevant de la modalité 2 de l'accord de branche Syntec soumis à un forfait de 38 heures 30 s'appliquant sur 3 heures 30 ; que le 14 août 2015, le salarié a saisi en

référé la juridiction prud'homale de demandes en paiement à titre provisionn...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé, que M. X... a été engagé en 2006 par la société CSC Computer sciences en qualité d'ingénieur ; que par jugement du 8 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a constaté que la société n'avait pas appliqué les dispositions de la loi du 21 août 2007 dite TEPA aux salariés relevant de la modalité 2 de l'accord de branche Syntec soumis à un forfait de 38 heures 30 s'appliquant sur 3 heures 30 ; que le 14 août 2015, le salarié a saisi en référé la juridiction prud'homale de demandes en paiement à titre provisionnel des cotisations indûment prélevées et congés payés afférents ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant souverainement retenu que le salarié n'avait eu connaissance de la portée de ses droits que par le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 8 janvier 2015, la cour d'appel qui en a déduit que son action en paiement, introduite le 14 août 2015, n'était pas prescrite a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, qui est recevable :

Vu l'article L. 3245-1 du code du travail et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que selon le second de ces textes, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre provisionnel outre les congés payés afférents, au titre des cotisations sociales indûment prélevées, l'arrêt énonce qu'au vu des calculs effectués par l'employeur, la somme dont il est redevable, pour la période du 1er octobre 2007 au 1er août 2012, s'élève à 4 222,53 euros ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la durée totale de la prescription ne peut excéder la durée prévue par la loi antérieure et que, dès lors, les sommes dues antérieurement au 14 août 2010 étaient prescrites, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société CSC Computer sciences à payer à titre provisionnel à M. X... la somme de 1 407,51 euros, outre celle de 140,75 euros au titre des congés payés afférents, au titre des cotisations sociales indûment prélevées dans la limite de 1 heure 10 supplémentaire par semaine, du 1er octobre 2007 au 1er août 2012, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2015, l'arrêt rendu, entre les parties, le 8 novembre 2016, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société CSC Computer sciences

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action du salarié et condamné la société CSC Computer Sciences à payer à titre provisionnel à M. X... les sommes de 1 407,51 € au titre des cotisations indûment prélevées dans la limite de 1h10 supplémentaire par semaine, du 1er octobre 2007 au 1er août 2012, 140,75 € au titre des congés payés afférents, et 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,

AUX MOTIFS QUE Sur la recevabilité et le fondement de la demande en remboursement : selon l'article R. 1455- 6 du code du travail, le juge peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ; que selon l'article R 1455-7 du code du travail, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation ; que contrairement aux moyens soulevés par la société tendant à caractériser comme abusif le recours de M. X..., ce dernier est recevable et fondé à saisir le juge des référés pour demander une condamnation provisionnelle, alors même que le juge du fond est saisi et qu'aucune décision sur le fond n'a autorité de la chose jugée ; qu'en effet, les pouvoirs du juge des référés, certes plus limités que ceux du juge du fond, servent justement à accélérer le cours de la justice, notamment dans des situations où un salarié est manifestement créancier de son employeur, lequel n'en disconvient pas mais ne s'exécute pas pour autant, et ce indépendamment du fait qu'une procédure au fond, déjà engagée, n'a pas encore trouvé d'issue définitive ; que c'est précisément le cas du présent litige, qui est en cours depuis 3 ans, les syndicats susvisés ayant effectué un droit d'alerte et la société se retranchant, pour ne pas rembourser les salariés, derrière la décision de l'URSSAF et les procédures en cours tant devant le TASS que la Cour de Cassation, alors qu'au moins pour partie elle se reconnaît créancière de tous les salariés relevant de la modalité 2 dite de « réalisation de missions », comme M. X... ; qu'en effet, il n'est pas sérieusement contesté par la société qu'elle a indûment prélevé des cotisations sociales, qu'elle a reversées à l'URSSAF, sur des heures supplémentaires effectuées par M. X... et d'autres salariés relevant comme lui de la modalité 2, comme cela ressort de la lettre de la société adressée le 11 juillet 2013 à l'URSSAF pour demander le remboursement des cotisations indûment prélevées ; que c'est ainsi que par lettre du 29 novembre 2013, confirmée par lettre du 3 novembre 2014, la société a répondu à M. X... qu'elle attendait la décision de l'URSSAF sur sa propre demande de remboursement des cotisations concernées et prélevées du 11 juillet 2010 au 1er septembre 2012, pour lui rembourser les cotisations indûment prélevées, et ce sur la base de 1h10 par semaine ; que le point de contestation ne porte donc que sur le nombre d'heures (3h30 ou 1h10) hebdomadaires concernées et sur les années concernées ; que sur la prescription et le montant de la demande : Selon l'article L.3245-1 du code du travail, issu de la loi du 14 juin 2013, reprenant les dispositions de l'article 2224 du code civil, et comme le souligne M. X..., l'action en paiement des créances en remboursement de salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où le demandeur à l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour, ou, lorsque le contrat de travail est rompu sur le sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; qu'en conséquence, l'action de M. X..., qui a saisi le conseil le 14 août 2015, n'est donc pas prescrite puisqu'il n'a eu connaissance de la portée de ses droits que par le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre en date du 8 janvier 2015, de sorte que la prescription n'a pas pu courir avant cette date, sans qu'il y ait donc lieu de s'interroger sur les effets du transfert de son contrat de travail ; qu'en tout état de cause, et à tout le moins, comme la société l'admet aux termes de ses courriers adressés tant à l'URSSAF qu'à M. X..., la demande en remboursement peut valablement porter sur les 1h10 supplémentaires par semaine, pour lesquelles elle estime avoir indûment reversé des cotisations sociales auprès de l'URSSAF pour le compte des salariés de modalité 2, comme M. X... ; qu'au vu des calculs effectués par la société, tels qu'ils ressortent de sa lettre du 26 janvier 2016 adressée au salarié, la somme qu'elle doit à M. X..., pour la période du 1er octobre 2007 au 1er août 2012, s'élève à 4 222,53 €, en tenant compte de 3h30 dues ; que comme la société reconnaît au moins devoir des cotisations indûment prélevées et calculées sur 1h10, sera allouée à M. X... la somme correspondant à 1 h 10, qui représente un tiers de 3h30, créance incontestablement due à titre de rappel de salaires, soit la somme de 1 407,51 €, outre celle de 140,75 € au titre des congés payés afférents ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 août 2015, date d'accusé de réception par la société de sa convocation en bureau de conciliation ; qu'en conséquence, la Cour infirmera le conseil de ce chef ;

1. ALORS QUE le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que s'agissant de sommes de nature salariale, le délai de prescription court en principe à compter de la date d'exigibilité, sauf pour le salarié à démontrer qu'il était dans l'impossibilité de connaître les faits lui permettant d'agir ; qu'en l'espèce, l'employeur, invoquant la prescription de l'action du salarié engagée le 14 août 2015 s'agissant de cotisations indûment prélevées sur les salaires exigibles entre octobre 2007 et le 14 août 2012, soulignait que la loi TEPA ayant été publiée le 22 août 2007, c'était à cette date que les salariés avaient eu connaissance de cette loi et de ses effets, et que la loi TEPA avait été largement commentée y compris par la presse grand public (conclusions d'appel, p. 16-17) ; qu'en se bornant, pour écarter la prescription, à affirmer que le salarié n'avait eu connaissance de la portée de ses droits que par le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 8 janvier 2015 qui, sur d'une demande d'un syndicat avait jugé que la société CSC Computer Sciences n'avait pas appliqué les dispositions de la loi TEPA sur la période du 1er octobre 2007 au 1er septembre 2012, l'exonération de cotisations applicable aux salariés relevant de la modalité 2 de l'accord de branche Syntec soumis à un forfait de 38h30, sans préciser en quoi le salarié avait été dans l'impossibilité de connaître, à la lecture de ses bulletins de paie, l'absence d'exonération appliquée aux heures supplémentaires réalisées durant la période d'application de la loi TEPA, lui permettant d'exercer son action, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil ;

2. ALORS en tout état de cause QU'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat » ; qu'il prévoit ainsi, d'une part, un délai pour agir de trois ans, et d'autre part, une période de trois ans - précédant le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ou le jour de la rupture du contrat de travail -, qui peut seule faire l'objet de la demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé, pour juger que l'action du salarié engagée le 14 août 2015 tendant au paiement de sommes exigibles entre octobre 2007 et septembre 2012 n'était pas prescrite et lui accorder une somme pour la totalité de la période précitée, que le salarié n'avait eu connaissance de la portée de ses droits que par le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 8 janvier 2015, et qu'il n'y avait pas lieu de s'interroger sur les effets du transfert du contrat de travail de M. X... à un autre employeur ; qu'en statuant ainsi quand, à supposer le délai pour agir respecté, il lui incombait encore de déterminer la période non prescrite susceptible de faire l'objet de la réclamation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-10227
Date de la décision : 30/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Paiement - Prescription - Prescription triennale - Point de départ - Détermination

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription triennale - Article L. 3245-1 du code du travail - Délai - Computation - Modalités - Détermination - Applications diverses

Selon l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans. Doit être censurée une cour d'appel qui, ayant relevé que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale le 14 août 2015, retient, pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme, celle dont il est redevable pour la période du 1er octobre 2007 au 1er août 2012, alors que la durée totale de la prescription ne peut excéder la durée prévue par la loi antérieure et que, dès lors, les sommes dues antérieurement au 14 août 2010 étaient prescrites


Références :

article L. 3245-1 du code du travail

article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 novembre 2016

Sur l'application de dispositions nouvelles aux prescriptions en cours, à rapprocher :Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-25557, Bull. 2018, V, n° 100 (1) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 mai. 2018, pourvoi n°17-10227, Bull. civ.Bull. 2018, V, n° 101
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, V, n° 101

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10227
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award