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12/04/2019 | FRANCE | N°16MA03995

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 16MA03995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale autorisée de Carpineto, ensemble la décision du 15 octobre 2014 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1401128 du 25 août 2016, le tribunal admin

istratif de Bastia a par l'article 1er de son jugement annulé la décision du 15 o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale autorisée de Carpineto, ensemble la décision du 15 octobre 2014 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1401128 du 25 août 2016, le tribunal administratif de Bastia a par l'article 1er de son jugement annulé la décision du 15 octobre 2014, et par l'article 2 rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2016, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1401128 du 25 août 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale autorisée de Carpineto ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 17 juin 2014 méconnaît l'article 12 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- l'arrêté méconnaît l'article 11 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- l'arrêté porte atteinte au droit de propriété garanti par le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnaît les articles L. 135-1 et L. 113-2 du code rural.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 9 août 2018 la commune de Carpineto, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement en ce que, il a annulé la décision du 15 octobre 2014 du préfet de la Haute-Corse rejetant le recours gracieux de M. D..., et à ce que M. D... verse la somme de 6 000 euros à la commune de Carpineto en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le directeur adjoint à la direction départementale des territoires et de la mer avait compétence pour signer cet acte par la subdélégation de signature qui lui a été donnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Maury,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B... substituant Me C..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est propriétaire de deux parcelles de terrain sur le territoire de la commune de Carpineto. Par arrêté en date du 17 juin 2014, le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale de Carpineto, ayant pour objet une exploitation rationalisée de l'espace rural et boisé du terroir communal. Le 1er septembre 2014, M. D... a présenté un recours gracieux tendant au retrait de cette décision. L'autorité compétente l'a rejeté par décision du 15 octobre 2014. L'intéressé en a demandé l'annulation, ainsi que de l'arrêté du 17 juin 2014, au tribunal administratif de Bastia. Le tribunal administratif par l'article 1er de son jugement a annulé la décision du 15 octobre 2014, et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de la demande. C'est de ce jugement dont M. D... relève appel en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale autorisée de Carpineto. La commune de Carpineto demande par la voie de l'appel incident la réformation du jugement en tant qu'il a annulé la décision du 15 octobre 2014 du préfet de la Haute-Corse rejetant le recours gracieux de M. D....

2. En premier lieu, aux termes de l'article 12 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " L'autorité administrative soumet à une enquête publique réalisée conformément au III de l'article L. 110-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique le projet de statuts de l'association syndicale autorisée. Toutefois, lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou de leur localisation, les ouvrages ou les travaux envisagés sont susceptibles d'affecter l'environnement, ou lorsque les missions de l'association concernent des installations, ouvrages, travaux ou activités prévus à l'article L. 214-1 du code de l'environnement, il est procédé à cette enquête conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du même code. L'acte ordonnant l'ouverture de l'enquête est notifiée à chaque propriétaire d'un immeuble susceptible d'être inclus dans le périmètre de la future association ". Aux termes de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime : " Le préfet peut réunir les propriétaires intéressés en association foncière pastorale autorisée si, tout à la fois : 1° La moitié au moins des propriétaires, dont les terres situées dans le périmètre représentent la moitié au moins de la superficie totale des terres incluses dans ce périmètre, a adhéré à l'association expressément (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... n'a pas reçu notification de l'acte ordonnant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la création de l'association foncière pastorale de Carpineto. L'administration reconnaît elle-même qu'à la suite d'une erreur des énonciations cadastrales qui n'ont pas pris en compte le changement de propriétaire des parcelles cadastrées C 205 et C 209 M. D... n'a pas été informé de l'enquête publique préalable et n'a pu émettre d'avis sur cette création. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de l'assemblée constitutive du 24 avril 2014 (pièce n° 5 jointe au mémoire du préfet), que la superficie des parcelles dont M. D... est propriétaire ne représente que 41 ares (a) 44 centiares (ca), soit 0,18 % des 225 hectares (ha) 81 ares (a) 79 centiares (ca) du périmètre de l'association foncière pastorale de Carpineto qui a été créée avec 71,76 % d'avis favorables représentant 162 ha 02 a 77 ca. Alors même que les biens de M. D... seraient soustraits du périmètre de constitution de l'association foncière pastorale de Carpineto, les conditions de majorité prévues par les dispositions de l'article L. 135-3 du code rural et de la pêche maritime citées seraient remplies. Par ailleurs, il est constant que la procédure d'enquête publique a fait l'objet d'un affichage en mairie, dont la régularité n'est pas contestée. Ainsi, la circonstance que M. D... n'ait pas eu personnellement notification de la décision ouvrant cette même enquête publique est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

4. En deuxième lieu, les modalités de financement et le mode de recouvrement des cotisations sont prévues par le code rural et de la pêche maritime et notamment son article L. 135-2, auxquelles les statuts font référence et le chapitre 3 des statuts (pièce n° 1l jointe au mémoire du requérant), intitulé " les dispositions financières ", comprend un article 18 consacré " aux voies et moyens pour subvenir à la dépense ", et un article 19 intitulé " Etat de répartition des recettes " consacré à la répartition des recettes de gestion des biens par l'association foncière pastorale. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 17 juin 2014 du préfet de la Haute-Corse autorisant la constitution de l'association foncière pastorale de Carpineto est illégal en ce que les statuts, joints à cet arrêté, ne précisent pas les modalités de financement et le mode de recouvrement des cotisations ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ne pourra qu'être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de Carpineto a été classée en zone de montagne par un arrêté préfectoral du 21 janvier 2002 (pièce jointe n° l). Le moyen tiré de ce que la création de l'association foncière pastorale de Carpineto méconnaît les dispositions de l'article L. 135-1 du code rural et de la pêche maritime qui prévoient que la création d'une association foncière pastorale ne peut intervenir que : " dans les régions délimitées en application de l'article L. 113-2 ", c'est-à-dire " 1° Dans les communes classées en zone de montagne ; 2° Dans les communes comprises dans les zones délimitées par l'autorité administrative après avis de la chambre d'agriculture " sera écarté comme manquant en fait.

6. En quatrième lieu, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention prévoit que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. 1 Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ".

7. Les stipulations du deuxième alinéa de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention ne font pas obstacle à l'édiction, par l'autorité compétente, d'une réglementation de l'usage des biens, dans un but d'intérêt général, ayant pour effet d'affecter les conditions d'exercice du droit de propriété. La mise en location des terres par l'association foncière pastorale de Carpineto est prévue par la loi et ne prive pas les propriétaires de leurs biens dès lors que ceux-ci conservent leur propriété. Les associations foncières pastorales sont soumises au régime des associations syndicales qui est défini par l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires. Ces associations répondent à des objectifs d'intérêt général, tels la préservation, la restauration ou l'exploitation des ressources naturelles. Le moyen tiré de ce que la création de l'association foncière pastorale de Carpineto porte atteinte au droit de propriété garanti par le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales en ce que les dispositions de l'article L. 135-1, alors en vigueur, du code rural et de la pêche maritime prévoient que l'association foncière pastorale peut donner en location les terres à vocation pastorale comprises dans son périmètre, doit être écarté.

8. En cinquième lieu, les dispositions de l'article L. 135-1 du code rural, alors en vigueur, prévoient que les associations foncières pastorales : " (...) regroupent des propriétaires de terrains à destination agricole ou pastorale ainsi que des terrains boisés ou à boiser concourant à l'économie agricole, pastorale et forestière dans leur périmètre (...) ". La circonstance, à la supposer établie, que la totalité du périmètre de l'association foncière pastorale de Carpineto serait boisée et que 1'activité de pastoralisme causerait des dégâts aux massifs forestiers est sans incidence sur la régularité de l'autorisation de constitution accordée par le préfet de la Haute-Corse, l'objet de l'association foncière pastorale est de participer à l'économie agricole et forestière dès lors qu'elle regroupe notamment des terrains boisés, en vertu du premier alinéa de l'article L. 135-1 du code. Au surplus comme le fait remarquer l'administration les dégradations de certains milieux naturels trouvent leur origine non pas dans le pastoralisme, les animaux étant alors surveillés, mais dans la divagation des animaux. Or, l'association foncière pastorale de Carpineto a été créée notamment pour limiter la divagation des animaux. Ce moyen tiré de ce que la gestion du territoire concerné doit être confiée à une association syndicale de gestion forestière sera écarté.

Sur l'appel incident :

9. L'intervention de la commune de Carpineto tend à la réformation du jugement qui a annulé la décision du 15 octobre 2014 du préfet de la Haute-Corse rejetant le recours gracieux de M. D.... Cette intervention, en ce qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que les conclusions présentées par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, n'est, par suite, pas recevable.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de la Haute-Corse a autorisé la création de l'association foncière pastorale autorisée de Carpineto.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La commune de Carpineto n'étant pas partie au litige, elle n'est pas fondée à demander le versement d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la commune de Carpineto est rejeté en tant qu'il demande la réformation du jugement en ce que, il a annulé la décision du 15 octobre 2014 du préfet de la Haute-Corse rejetant le recours gracieux de M. D..., et à ce que M. D... verse la somme de 6 000 euros à la commune de Carpineto en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la commune de Carpineto et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

2

N° 16MA03995

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03995
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

11-01-01 Associations syndicales. Questions communes. Constitution.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : ANTOMARCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-12;16ma03995 ?
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