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31/05/2018 | FRANCE | N°16MA03550

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 31 mai 2018, 16MA03550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui payer la somme de 520 059,67 euros en réparation du préjudice qu'elle subit du fait d'une infection nosocomiale.

Par un jugement n° 1306336 du 4 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'ONIAM à payer à Mme C...la somme de 189 660,85 euros ainsi qu'une rente de 19,50 euros pa

r jour versée par trimestre échu.

Procédure devant la cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui payer la somme de 520 059,67 euros en réparation du préjudice qu'elle subit du fait d'une infection nosocomiale.

Par un jugement n° 1306336 du 4 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'ONIAM à payer à Mme C...la somme de 189 660,85 euros ainsi qu'une rente de 19,50 euros par jour versée par trimestre échu.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2016, l'ONIAM, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2016 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de MmeC... ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise portant sur les soins pratiqués, la survenance de l'infection, ses conséquences et le préjudice subi ;

4°) ou de réduire la somme au versement de laquelle il a été condamné.

Il soutient que :

- les séquelles invoquées par Mme C...ne sont pas dues à l'infection nosocomiale ;

- le dommage qui serait imputable à l'infection nosocomiale n'atteint pas le seuil de gravité mentionné à l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ;

- l'expertise de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ne lui est pas opposable ;

- les contradictions existant entre les conclusions de l'expertise et d'autres avis médicaux justifient qu'une nouvelle expertise soit ordonnée ;

- le rapport des experts fait une estimation excessive des dommages, notamment du déficit fonctionnel, que Mme C...subit ;

- l'évaluation faite par le tribunal administratif des frais d'assistance par une tierce personne temporaires et permanents, ceux-ci devant être versés sous la forme d'une rente et sur justificatifs, et des frais d'assistance à expertise doit être ramenée à des montants plus raisonnables.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 février 2017, le 6 mars 2017, le 27 février 2018, le 20 mars 2018 et le 20 avril 2018, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 189 660,85 euros et à une rente de 19,50 euros par jour l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'ONIAM en réparation du préjudice subi ;

3°) de porter à la somme de 559 916,57 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2013 et de la capitalisation de ces intérêts, le montant de l'indemnité due en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par l'ONIAM et tiré de ce que le dommage qu'elle subit n'atteindrait pas le seuil de gravité mentionné à l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique est présenté pour la première fois en appel et est donc irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par l'ONIAM ne sont pas fondés ;

- la réparation des préjudices temporaires relatifs aux frais pour l'assistance par une tierce personne, au déficit fonctionnel, au préjudice esthétique et aux souffrances endurées doit être augmentée ;

- celle des préjudices permanents relatifs aux frais pour l'assistance par une tierce personne, qui en outre doivent être réparés intégralement par le paiement d'un capital, à l'incidence professionnelle, au préjudice d'agrément, au préjudice esthétique, au préjudice sexuel, au préjudice d'établissement et au préjudice scolaire doit être augmentée ;

- le lien de causalité entre le handicap et les dépenses d'aménagement du logement est établi.

Par des mémoires, enregistrés le 13 février 2018, le 8 mars 2018 et le 12 avril 2018, l'ONIAM, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi Avocats, conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre, qu'il est recevable à soulever, pour la première fois en appel, tout moyen nouveau à l'appui de ses conclusions.

Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Var déclare n'avoir aucune observation à formuler.

Par ordonnance du 4 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée à la même date en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté par la caisse primaire d'assurance maladie du Var a été enregistré le 15 mai 2018.

La requête a été communiquée à la Mutuelle des étudiants qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeD..., représentant l'ONIAM, et de Me B..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Le tribunal administratif de Marseille, estimant que Mme C...avait contracté une infection nosocomiale en février 2007 dans un établissement de soins entraînant une perte de chance de 25 % d'éviter le préjudice dont elle est atteint, a condamné l'ONIAM à payer la somme de 189 660,85 euros ainsi qu'une rente de 19,50 euros par jour versée par trimestre échu. L'ONIAM interjette appel de ce jugement et Mme C...demande à la cour de porter à la somme de 559 916,57 euros le montant de l'indemnité qui lui est due en réparation du préjudice subi.

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne le droit à réparation au titre de la solidarité nationale :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". Ces dispositions, qui prévoient la prise en charge par la solidarité nationale des dommages résultant d'infections nosocomiales ayant entraîné une invalidité permanente d'un taux supérieur à 25 % ou le décès du patient, trouvent également à s'appliquer dans le cas où une infection nosocomiale a entraîné la perte d'une chance d'éviter de tels préjudices. En outre, seule une infection, qu'elle soit exogène ou endogène, survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge et dont il n'est pas établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.

3. A la suite de l'accident vasculaire cérébral survenu le 15 février 2007, Mme C... a été admise dans un établissement de santé à Marseille où se sont manifestés, le 19 février 2007, les signes d'une infection entraînant une forte fièvre. La circonstance que l'ONIAM n'ait pas été appelé à participer à l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ne fait pas obstacle à ce que le juge prenne en compte les conclusions du rapport des experts, qui peuvent être discutées dans le cadre de l'instance contentieuse. En l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 8 mars 2012 de l'expertise, que l'hyperthermie était due à une infection d'un cathéter périphérique et que celle-ci n'était ni présente ni en incubation lors du début des soins. En outre, il n'est pas établi que cette infection a une autre origine que la prise en charge. Elle a donc un caractère nosocomial.

4. Selon le compte rendu de l'hospitalisation de Mme C...en service de réanimation du 20 février 2007 au 14 mars 2007 établi après l'achèvement des soins,

" la chirurgie du cavernome est reportée à la semaine prochaine " du fait de l'infection. Le rapport du 8 mars 2012 comporte également la mention d'un tel report, l'intervention initialement prévue " aux alentours du 20 février 2007 " n'ayant eu lieu que le 28 février 2007 en raison de la forte fièvre. Ces éléments ne sont contredits de manière suffisante, ni par les mentions du rapport en date du 20 novembre 2007 de l'expertise diligentée par la MAIF et réalisée par le docteur Malca qui ne précise pas les pièces médicales sur lesquelles il se fonde pour estimer que l'intervention devait avoir lieu dans la semaine du 26 février 2007 au 3 mars 2007, ni par celles du rapport en date du 11 septembre 2012 fait par le docteur Bloch à la demande de l'ONIAM qui indique d'une manière générale que la meilleure période pour pratiquer une opération chirurgicale était en l'espèce la troisième semaine suivant la date de l'accident vasculaire cérébral.

5. L'infection nosocomiale a donc entraîné un retard d'environ une semaine dans le traitement de la pathologie dont Mme C...était atteinte ainsi qu'une hyperthermie. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que la chirurgie pratiquée permet parfois d'obtenir une amélioration clinique partielle voire totale, que le retard dans l'opération du cavernome pédonculaire a vraisemblablement aggravé l'agression cérébrale subie et que la situation de forte fièvre a diminué les chances de récupération après l'accident vasculaire cérébral. L'ONIAM ne produit aucun élément de nature à confirmer la mention, qui n'est assortie d'aucune source bibliographique et qui est contestée par la victime, du rapport du docteur Bloch selon laquelle le délai de treize jours constaté entre la date de l'accident et celle de l'intervention était adapté et correspond à la pratique médicale habituelle.

6. Il résulte cependant de l'instruction qu'eu égard à la gravité de l'atteinte cérébrale dès le 15 février 2007, l'infection nosocomiale n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter que le dommage n'advienne. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le taux de cette perte doit être fixé à 25 %.

7. Enfin, pour l'application des dispositions précédemment mentionnées de

l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, le taux d'atteinte à l'intégrité du patient doit être calculé non pas par la différence entre sa capacité avant l'intervention et sa capacité après consolidation des conséquences de l'infection, mais en se référant à la capacité dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de cette infection, la différence de taux d'incapacité permanente devant être supérieure à 25 %.

8. Mme C...établit qu'elle réside, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, dans une résidence disposant d'un ascenseur. Ainsi qu'il ressort du rapport de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation et de l'ensemble des pièces produites, l'incapacité permanente dont la victime est atteinte s'élève à 80 %. En outre, il résulte de l'instruction que la chirurgie pratiquée sur une patiente jeune aurait pu permettre une guérison et que l'infection nosocomiale est à l'origine d'une perte de chance d'éviter une telle incapacité. Son taux étant supérieur à celui de 25 % mentionné à l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, le moyen soulevé par l'ONIAM tiré de ce que le dommage subi n'atteindrait pas le seuil de gravité requis n'est pas fondé et doit donc être écarté. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de ce moyen, contestée en défense.

9. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise portant notamment sur la prise en charge médicale, Mme C...a droit à une réparation au titre de la solidarité nationale du préjudice résultant de l'infection nosocomiale, en application de l'article

L. 1142-1-1 du code de la santé publique.

En ce qui concerne le montant de la réparation :

Quant aux préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

10. En premier lieu, Mme C...justifie avoir exposé une somme de 900 euros pour des frais d'assistance à expertise. Cette aide étant utile, il y a lieu de condamner, ainsi que l'ont fait les premiers juges, l'ONIAM à verser cette somme, sans appliquer de taux de perte de chance, l'expertise ayant porté uniquement sur les conséquences de l'infection nosocomiale contractée sur l'état de santé. Il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que, dès lors qu'il s'agit d'une réparation due au titre de la solidarité nationale, il conviendrait d'appliquer le taux de perte de chance à ce type de préjudice.

11. En second lieu, il résulte de l'instruction que Mme C...a besoin d'une assistance non médicalisée par une tierce personne pendant la période antérieure à la consolidation de son état de santé intervenue le 4 décembre 2008 s'élevant à deux heures quotidiennes pendant la période d'hospitalisation de jour d'une durée de 131 jours courant du

18 février au 27 juin 2008 et à quatre heures quotidiennes pendant les périodes, d'une durée totale de 116 jours, du 10 au 26 août 2007, du 24 au 25 novembre 2007, des 28 et 29 juin 2007 et du 1er septembre au 4 décembre 2008. Compte tenu du caractère familial de l'aide apportée, il n'y a pas lieu de majorer le montant de la réparation de ce préjudice pour tenir compte des congés payés et du surcoût de rémunération pour le travail effectué pendant les jours fériés et le dimanche. En prenant un taux horaire moyen de salaire augmenté des charges sociales de

12,20 euros pendant la période, le préjudice s'élève à 8 857 euros.

12. Le département des Alpes-Maritimes a cependant, ainsi qu'il ressort du document récapitulatif établi le 4 avril 2018, versé la somme de 11 784,16 euros pour la période de

trente mois courant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2009 au titre de la prestation de compensation du handicap. En l'absence d'élément sur la date à laquelle les paiements ont été effectués, il y a lieu de considérer que Mme C...a perçu, en proportion, pendant la période de dix-sept mois et quatre jours avant la consolidation de l'état de santé, la somme de

6 730 euros.

13. Par suite, le préjudice subi par Mme C...en raison des frais d'assistance par une tierce personne avant la consolidation de l'état de santé doit être ramené à la somme de 2 127 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

14. En premier lieu, s'agissant des frais d'assistance par une tierce personne après la consolidation de l'état de santé et jusqu'à la date de lecture du présent arrêt, Mme C...a besoin d'une aide non médicalisée de six heures par jour, sauf pendant les périodes d'hospitalisation. Ainsi, en enlevant la durée de 72 jours courant du 21 juin au 31 août 2010 correspondant à l'admission dans un établissement de soins, une telle assistance a été nécessaire pendant une durée de 3 362 jours, soit 2 666 jours avant la date du jugement du tribunal administratif et 696 jours pour la période postérieure. Eu égard au caractère familial de l'aide apportée, il n'y a pas lieu de majorer le montant de la réparation de ce préjudice pour tenir compte des congés payés et du surcoût de rémunération pour le travail effectué pendant les jours fériés et le dimanche. Il convient, en outre, de prendre un taux horaire moyen de salaire augmenté des charges sociales de 13 euros avant la date de lecture du jugement du tribunal administratif de Marseille et de 13,60 euros pour la période suivante précédant la date de lecture du présent arrêt.

15. Par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Marseille aurait insuffisamment évalué les frais d'assistance par une tierce personne entre le

5 décembre 2008 et le 4 juillet 2016 en fixant leur montant à la somme de 230 880 euros, qui n'est pas contestée par l'ONIAM. Il ressort cependant du document récapitulatif établi par le département des Alpes-Maritimes le 4 avril 2018 qu'elle a perçu, postérieurement à la consolidation de son état de santé et pour les motifs mentionnés au point 12, la somme de

50 052 euros au titre de la prestation de compensation du handicap jusqu'au 30 avril 2018. Aucun élément ne permet de déterminer les dates auxquelles les versements de la prestation de compensation du handicap pendant la période de soixante-quatre mois courant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2018 pour un montant total de 11 629,44 euros et pendant la période de quarante-sept mois courant du 1er avril 2014 au 28 février 2018 pour un montant total de 26 035,74 euros ont été effectués. Il y a donc lieu de considérer qu'en proportion, avant la date du jugement du tribunal administratif intervenue le 4 juillet 2016, Mme C...a perçu la somme de 35 070 euros. Ainsi, le préjudice, pour la période antérieure à la date du jugement du tribunal administratif, s'élève à la somme de 195 810 euros.

16. Pendant la période postérieure à cette date et antérieure à celle du présent arrêt d'une durée de 696 jours, le coût de l'assistance par une tierce personne s'élève à 30 115 euros. Pour les motifs mentionnés au point précédent, Mme C...doit être regardée comme ayant perçu la somme de 14 982 euros au titre de la prestation de compensation du handicap. Ainsi, le préjudice s'élève à la somme de 15 133 euros.

17. En deuxième lieu, s'agissant des frais d'assistance par une tierce personne futurs, il apparaît que le versement d'une rente trimestrielle constitue, dans les circonstances de l'espèce, la modalité de réparation la plus équitable. L'indemnité sera égale à la somme représentative de sa prise en charge déterminée sur la base d'un montant quotidien qu'il y a lieu de fixer, compte tenu du taux horaire devant être évalué à 15,80 euros étant donné le surcoût dû au paiement des congés payés et des compléments de rémunération pour le travail effectué pendant les jours fériés et le dimanche et de la durée d'assistance nécessaire de six heures, à 94,80 euros. Elle doit être versée pour les nuits que Mme C...aura passées au domicile familial ou personnel durant chaque trimestre écoulé. Eu égard au taux de perte de chance, il convient donc de retenir une rente d'un montant de 23,70 euros par jour qui sera revalorisé par la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction de la prestation de compensation du handicap perçue dont il sera justifié chaque trimestre par MmeC....

18. En troisième lieu, Mme C...produit tant en appel qu'en première instance des factures d'achat de fournitures et de prestations pour l'aménagement d'un logement. Cependant, elles ne permettent pas d'établir que de telles dépenses, destinées à l'habitation de la mère de MmeC..., sont rendues nécessaires par le handicap dont celle-ci est atteinte.

19. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que MmeC..., âgée de

dix-neuf ans à la date de l'infection nosocomiale, était étudiante en deuxième année à l'université dans une formation aux métiers du sport, appartenait à l'équipe de France féminine d'alpinisme et se destinait à une carrière de guide de haute montagne. Il sera fait une plus juste évaluation de l'incidence professionnelle supportée par la victime, qui ne peut exercer le métier envisagé, en portant sa réparation à la somme de 50 000 euros.

20. En cinquième lieu, Mme C...a été contrainte d'interrompre la formation universitaire qu'elle suivait. Le tribunal administratif n'a pas insuffisamment réparé ce préjudice d'étude et de formation en fixant le montant de sa réparation à la somme de 5 000 euros.

Quant aux préjudices personnels :

S'agissant des préjudices personnels temporaires :

21. Il résulte de l'instruction que Mme C...a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant une période d'une durée de 655 jours à compter du 19 février 2007 et jusqu'au

4 décembre 2008, date de la consolidation de l'état de santé. Il sera fait une plus juste appréciation de ce préjudice en portant le montant de sa réparation à la somme de 10 000 euros.

22. Les souffrances endurées par MmeC..., en tant qu'elles procèdent de l'infection nosocomiale, peuvent être évaluées à 3 sur une échelle allant de 1 à 7. Il n'y a donc pas lieu d'appliquer de taux de perte de chance à ce préjudice dont la réparation sera justement évaluée à la somme de 3 620 euros.

23. Le préjudice esthétique temporaire, lié notamment au maintien pendant une durée plus longue en service de réanimation en raison de l'infection nosocomiale, sera justement réparé par la somme de 350 euros. Il n'y a pas lieu d'appliquer de taux de perte de chance à ce préjudice qui est la conséquence exclusive de l'infection.

S'agissant des préjudices personnels permanents :

24. Les premiers juges ont fixé le montant de la réparation du préjudice tenant au déficit fonctionnel permanent à la somme de 380 000 euros. Les parties ne contestent pas cette évaluation.

25. Le préjudice d'agrément subi par MmeC..., eu égard à son jeune âge et à l'activité sportive de haut niveau qu'elle pratiquait, est très important. Les premiers juges n'ont toutefois pas fait une inexacte appréciation de ce préjudice en fixant le montant de sa réparation à la somme de 76 000 euros.

26. Mme C...présente une apparence physique très altérée. Cependant, le préjudice esthétique, évalué à 5 sur une échelle de 1 à 7, n'est pas insuffisamment réparé par la somme de 13 000 euros retenue par le tribunal administratif.

27. Dans les circonstances de l'espèce, le préjudice sexuel sera plus justement évalué en portant le montant de sa réparation à la somme de 10 000 euros.

28. Le handicap dont Mme C...souffre entraîne une perte de chance de réaliser normalement un projet de vie familiale. Ce préjudice d'établissement sera mieux réparé en portant le montant de sa réparation à la somme de 30 000 euros.

29. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise portant sur le préjudice subi, celui-ci, hors les frais futurs d'assistance par une tierce personne réparés par l'attribution d'une rente, s'élève à la somme de 791 940 euros. Pour les motifs précédemment indiqués, il y a lieu d'appliquer le taux de perte de chance de 25 % sur la somme de

787 070 euros. Ainsi, le montant de la réparation en capital s'élève à la somme de 201 638 euros. La condamnation de l'ONIAM étant inférieure à la somme demandée par Mme C...devant le tribunal administratif, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des conclusions présentées devant la cour en tant qu'elles excèdent la somme demandée en première instance.

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :

30. Lorsqu'ils ont été demandés et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

31. La demande indemnitaire a été reçue par l'ONIAM le 29 mai 2013. Mme C... a donc droit aux intérêts au taux légal à compter de cette date. Elle a demandé la capitalisation des intérêts dans la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Marseille enregistrée le 7 octobre 2013. A cette date, les intérêts n'étaient pas dus au moins pour une année entière. Il n'y a donc lieu de faire droit à la demande de capitalisation qu'à compter du

29 mai 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif.

32. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter, d'une part, à 201 638 euros au lieu de 189 660,85 euros la somme due par l'ONIAM à Mme C...et, d'autre part, à 23,70 euros au lieu de 19,50 euros le montant quotidien de la rente. Il y a lieu de réformer en ce sens les articles 1er et 2 du jugement attaqué du 4 juillet 2016 du tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

33. Il y a lieu, pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros à verser à Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : La somme de 189 660,85 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme C... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2016 est portée à la somme de 201 638 euros.

Article 3 : Le montant journalier de 19,50 euros de la rente que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme C...par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2016 est porté à la somme de 23,70 euros.

Article 4 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du

4 juillet 2016 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... est rejeté.

Article 6 : L'ONIAM versera une somme de 2 000 euros à Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à Mme A...C..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et à la Mutuelle des étudiants (LMDE).

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2018.

2

N° 16MA03550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03550
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CABINET DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-05-31;16ma03550 ?
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