Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1304752 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par un recours enregistré le 15 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;
3°) de condamner M. B... au reversement de la somme de 1 000 euros allouée par le tribunal administratif au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la majoration du prix de vente perçu par M. B... lors de la cession de ses actions de la SA Etablissements B...par rapport aux autres actionnaires cédants trouve sa source dans le contrat de travail qui le lie à la société cédée et constitue la contrepartie d'engagements contractuels relatifs à la gestion et au développement de cette société ; ainsi, le gain supplémentaire réalisé à ce titre doit être regardé comme un complément de rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires ;
- l'administration n'a remis en cause aucun acte, contrat ou convention et n'a pas fait application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- la lettre du 4 juillet 2012 de l'interlocuteur départemental ne fait que confirmer les motifs de fait et de droit des rectifications ;
- le gain réalisé sur l'opération de cession des titres de la SA Etablissements B...a été valablement déterminé par la différence entre le prix de cession unitaire préférentiel et la valeur vénale des titres de la société au moment de la cession ;
- l'intentionnalité des manquements est caractérisée en l'espèce et justifie l'application de pénalités.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2017, M. B..., représenté par Me Gateau, conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 25 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la valeur de la SA Etablissements B... a été librement déterminée par l'acquéreur et aucune majoration de ce prix n'a été fixée en contrepartie d'engagement des cédants ; la fraction du prix à laquelle Mme B... a renoncé ne constitue pas un complément de rémunération pour lui ;
- en remettant en cause le prix de cession, l'administration a procédé à la requalification de l'opération de vente et devait, à ce titre, recourir à la procédure de l'abus de droit ; ainsi, il a été privé de la garantie de pouvoir saisir le comité de l'abus de droit fiscal ;
- il peut se prévaloir des termes du courrier de l'interlocuteur interrégional du 4 juillet 2012 sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- la valeur vénale reconstituée par l'administration méconnait la règle du jeu normal de l'offre et de la demande ; de plus, le prix d'acquisition correspond à l'analyse effectuée par l'acquéreur, aux dossiers d'analyse des banques qui ont financé l'acquisition, aux offres faites par d'autres candidats acquéreurs et à la valeur retenue par l'expert près la cour d'appel ;
- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
- les observations de Me Gateau, avocat de M. B... ;
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 26 mars 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes d'un protocole d'accord conclu le 5 juillet 2007, Mme B... qui détenait 51,10 % du capital de la SA Etablissements B... et son fils, M. A... B...qui détenait 46,79 % de ce capital, sont convenus de céder leurs titres à la SAS Industrielle et Financière de Gold, en cours de constitution, dénommée Newco à la date de l'acte, elle-même détenue par la SAS Lamrock Capital Partners et M. B.... Celui-ci a perçu un prix de cession de ses titres majoré par rapport aux autres actionnaires cédants. A la suite d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. B... portant notamment sur l'année 2007, l'administration a regardé l'avantage qui lui a été consenti comme la contrepartie de ses engagements contractuels de continuer à exercer des fonctions dans la SA Etablissements B.... L'administration a réintégré la somme correspondante dans les revenus perçus par M. B... au titre de l'année 2007 dans la catégorie des traitements et salaires. Par un jugement du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a accordé à M. B... la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il avait été assujetti au titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes. Le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement.
2. Il résulte de l'instruction et notamment du point 6.1 du protocole d'accord du 5 juillet 2007 que M. B... et sa mère se sont engagés conjointement et solidairement à céder à la société Newco 34 626 actions de la SA Etablissements B.... Le point 6.4 de ce protocole fixe le montant global de cette cession à la somme de 7 290 014,82 euros et procède à sa ventilation entre M. B..., devant percevoir 3 790 073,62 euros, soit 267,17 euros par action et sa mère, devant percevoir 3 499 941,20 euros, soit 171,23 euros par action. L'administration, après avoir évalué et fixé la valeur vénale unitaire des actions de la SA Etablissements B... à 173,50 euros, a estimé que la différence entre le prix des actions cédées par M. B... et celui qu'elle a déterminé constituait un supplément de salaire imposable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires.
3. M. B... fait valoir que la majoration du prix de cession des titres cédés dont il a bénéficié a pour origine un accord de répartition du prix de cession des actions entre sa mère et lui-même. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. B... a conclu, avec la société cessionnaire, plusieurs engagements rattachables au contrat de travail le liant à la SA Etablissements B..., consistant notamment à demeurer en fonction au sein de cette société jusqu'au 31 décembre 2013 et à exercer les fonctions de directeur délégué et directeur technique. Ainsi, la majoration du prix de cession des titres litigieux au bénéfice de M. B... ne peut qu'être regardée comme la contrepartie des engagements qu'il a pris en vue du développement de la société dont il est demeuré salarié. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont accordé la décharge sollicitée au motif que le gain réalisé n'était pas taxable dans la catégorie des traitements et salaires.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant devant elle que devant le tribunal administratif de Lyon.
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. (...) ".
6. Pour imposer la somme en litige, l'administration s'est bornée, comme elle était en droit de le faire, à considérer que la valeur de rachat des parts sociales de M.B..., fixée par le protocole d'accord conclu le 5 juillet 2007, avait été majorée pour tenir compte des engagements contractuels que l'intéressé avait pris, destinés notamment à assurer la gestion et le développement de la SA Etablissements B.... Si M. B... conteste le bien-fondé de cette qualification, il n'en résulte pas que l'administration a implicitement mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit, en méconnaissance de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
8. Par une lettre du 4 juillet 2012, l'interlocuteur départemental a indiqué à M. B...que " (...) contrairement à ce qui a pu être affirmé au cours de 1'entretien, 1'administration n'a jamais entendu remettre en cause la valorisation globale de 1'entreprise, telle qu'elle résulte des documents de vente (8 683 000 €), mais a simplement voulu tirer toutes les conséquences fiscales de la répartition inégalitaire du prix de vente des titres entre Mme C... B...et M A...B... ". Toutefois, par ce même courrier, l'interlocuteur départemental a indiqué sans ambiguïté qu'il n'entendait pas revenir sur les rectifications envisagées. Par suite, cette correspondance ne comporte aucune prise de position de l'administration dont le requérant pourrait se prévaloir.
9. En troisième lieu, la valeur vénale des titres d'une société non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.
10. Il résulte de l'instruction que pour déterminer les rectifications en litige, l'administration a retenu une valeur vénale unitaire des actions de la SA Etablissements B... de 173,50 euros, correspondant à un montant supérieur à celui de la valeur de cession des titres détenus par Mme B... et les autres actionnaires minoritaires, s'élevant à 171,23 euros par action. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que l'administration a retenu un prix unitaire de la valeur vénale des titres cédés supérieur à 171,23 euros.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
12. En faisant valoir que M. B..., dirigeant de la SA Etablissements Bloc, qui a pris part à l'élaboration du protocole d'accord du 5 juillet 2007 ainsi qu'au pacte d'actionnaires auquel ce document se réfère, ne pouvait ignorer que l'opération en cause générerait une rémunération à son profit imposable dans la catégorie des traitements et salaires, l'administration établit l'existence d'un manquement délibéré justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées.
13. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a accordé à M. B... la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités en litige.
14. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, les conclusions du ministre tendant à la condamnation de M. B... à reverser la somme payée en exécution du jugement attaqué, infirmé en appel, sont sans objet et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. B... au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : M. B... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 en droits, intérêts et majorations, dans la catégorie des traitements et salaires.
Article 2 : Le jugement du 20 septembre 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 8 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2018.
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N° 16LY03763