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28/06/2018 | FRANCE | N°16LY01174

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 16LY01174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 décembre 2012 par laquelle la directrice adjointe de la direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes a autorisé l'association Organisation pour la santé et l'accueil (ORSAC) à le licencier.

Par un jugement n° 1300984 du 28 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour
>Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars et 3 novembre 2016, M. B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 décembre 2012 par laquelle la directrice adjointe de la direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes a autorisé l'association Organisation pour la santé et l'accueil (ORSAC) à le licencier.

Par un jugement n° 1300984 du 28 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars et 3 novembre 2016, M. B..., représenté par Me Turchet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 10 décembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la signataire de la décision contestée, qui est la même personne que celle qui a accordé la précédente autorisation de licenciement qui a été annulée, était nécessairement partiale et incompétente pour se prononcer sur la nouvelle demande d'autorisation de licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement était sans objet dès lors qu'il n'avait pas demandé sa réintégration au sein de l'association ; pour les mêmes raisons, la décision contestée est entachée d'erreur de fait ;

- l'employeur aurait dû reprendre l'ensemble de la procédure prévue par le code du travail pour le licencier ; ainsi, l'avis du comité d'entreprise devait être sollicité et il devait être convoqué à un nouvel entretien préalable ;

- l'autorisation de le licencier est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'avait plus de lien avec son employeur ;

- la décision de le licencier est en lien avec son mandat syndical ;

- les faits reprochés étaient prescrits en application de l'article L. 1332-4 du code du travail.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2016, l'association Organisation pour la santé et l'accueil (ORSAC), représentée par Me Rivoire, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'autorisation de licenciement a été prise par une autorité compétente et dont l'absence d'impartialité n'est pas établie ;

- les circonstances de fait et de droit n'ayant pas évolué entre la première et la seconde demande d'autorisation de licenciement, l'inspectrice n'était pas tenue d'effectuer une nouvelle enquête contradictoire ;

- M. B... a clairement demandé sa réintégration au sein de l'association et n'y a pas renoncé ;

- elle pouvait poursuivre la même procédure que celle de la première demande de licenciement dans le délai de deux mois suivant la réintégration du salarié ; elle n'était tenue ni de convoquer l'intéressé à un nouvel entretien préalable, ni de réunir le comité d'entreprise ;

- il n'était pas nécessaire d'énumérer à nouveau les faits fautifs dans le seconde demande d'autorisation de licenciement ;

- aucune prescription des faits ne peut lui être opposée ;

- il n'existe aucun lien entre le licenciement et le mandat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Organisation pour la santé et l'accueil (ORSAC) a saisi l'inspecteur du travail, le 4 décembre 2009, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de M. B..., salarié de l'association depuis2004, employé en qualité de responsable de l'atelier montage au sein de l'établissement de Péronnas et exerçant alors un mandat de délégué du personnel titulaire depuis le 13 octobre 2006. Par une décision du 13 janvier 2010, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B.... Cette décision a été confirmée par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, le 22 juillet 2010. Par un jugement du 12 juin 2012 devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé, pour vice de procédure, ces deux décisions. L'association ORSAC a présenté une nouvelle demande d'autorisation de licencier M. B..., le 11 octobre 2012. Par décision du 10 décembre 2012, la directrice adjointe de la direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Rhône-Alpes a fait droit à cette nouvelle demande. Par jugement du 28 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision du 10 décembre 2012. M. B... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, la circonstance que Mme A... C..., directrice adjointe de la DIRECCTE qui a accordé l'autorisation de licenciement en litige ait également accordé à l'association ORSAC, alors qu'elle était inspecteur du travail de la 4ème section de l'Ain, la précédente autorisation de licenciement du 13 janvier 2010 qui a été annulée par le tribunal administratif de Lyon, ne suffit pas à faire regarder l'intéressée comme ayant manqué, en statuant sur la nouvelle demande de licenciement, à son devoir d'impartialité. Cette même circonstance ne suffit pas plus à établir que Mme C... n'aurait pas été compétente pour prendre la décision en litige.

3. En deuxième lieu, l'article L. 2422-1 du code du travail dispose que : " Lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés ci-après, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Cette disposition s'applique aux salariés investis d'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical ou ancien délégué syndical (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la réintégration d'un salarié, intervenant à la suite de l'annulation, par la juridiction administrative, d'une autorisation de licenciement, est subordonnée à une demande du salarié intéressé. Elle n'est donc pas une conséquence directe et nécessaire de la décision juridictionnelle ayant prononcé l'annulation de l'autorisation de licencier le salarié.

5. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 6 août 2012 adressé à la juridiction prud'homale et dont il a transmis copie à son employeur, M. B... a demandé à être réintégré dans l'emploi qu'il occupait au sein de l'association ORSAC. M. B... ne conteste pas que cette demande a été portée à la connaissance de son employeur dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 juin 2012. Par courrier du 30 août 2012, son employeur l'a invité à réintégrer son poste le 10 septembre 2012. Par courrier du 6 septembre 2012, M. B... a informé son employeur qu'il ne pourrait reprendre son travail à la date du 10 septembre 2012, étant en arrêt de travail. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B... aurait expressément et clairement renoncé à sa demande de réintégration. La circonstance que l'intéressé ait fait état de son impossibilité de rejoindre son poste le 10 septembre 2012 compte tenu de son état de santé ne saurait être assimilée à une rétractation de sa demande de réintégration. Ainsi, ce salarié doit être regardé comme ayant réintégré son poste de travail à compter du 10 septembre 2012. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'à la date où elle a pris sa décision, la directrice adjointe de la DIRECCTE devait constater que la demande d'autorisation de licenciement était privée d'objet compte tenu de l'absence de lien entre M. B... et l'association ORSAC. Pour les mêmes raisons, le requérant n'est pas plus fondé à soutenir que l'autorisation de licenciement en litige serait entachée d'erreur de fait.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la seconde demande d'autorisation de licenciement se limite à solliciter une nouvelle instruction de la première demande d'autorisation de licenciement ainsi que la transmission à l'intéressé de l'ensemble des pièces dans le respect du principe du contradictoire. En l'absence de changements dans les circonstances de fait ou de droit, l'employeur n'était pas tenu de convoquer M. B... à un nouvel entretien préalable, ni de procéder à une nouvelle consultation du comité d'entreprise, dès lors que ces éléments de procédure avaient été régulièrement respectés lors de la première demande d'autorisation de licenciement.

7. En quatrième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 1132-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Aux termes de l'article L. 2422-1 de ce code : " L'annulation sur recours hiérarchique par le ministre compétent d'une décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié mentionné aux articles L. 425-1 et L. 425-2 emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. / Il en est de même dans le cas où, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d'État, le juge administratif a annulé une décision de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent autorisant un tel licenciement (...) ".

8. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le délai de deux mois ouvert par l'article L. 2422-1 du code du travail à l'employeur pour engager des poursuites disciplinaires à compter du jour où il a pleinement connaissance des faits reprochés au salarié a été régulièrement interrompu préalablement à une annulation d'une décision l'autorisant à licencier un salarié protégé, l'employeur dispose, après cette annulation, d'un délai de deux mois à compter de la réintégration du salarié, si celui-ci la demande, pour poursuivre la procédure disciplinaire pour les mêmes faits.

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment, à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Lyon de la première autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail, M. B... a sollicité sa réintégration au sein de l'association ORSAC. Par courrier du 30 août 2012, son employeur l'a invité à réintégrer son poste le 10 septembre 2012, interrompant ainsi le délai de prescription de deux mois prévu par les dispositions précités. Ainsi, l'association ORSAC pouvait reprendre la procédure disciplinaire pour les mêmes motifs que ceux qui avait été retenus lors de la première demande d'autorisation de licenciement. Par suite, les faits en cause ne pouvaient être regardés comme prescrits.

10. Aux termes de l'article R. 2421-7 du code du travail : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ".

11. M. B... fait valoir qu'il a exercé son mandat dans des conditions particulièrement pénibles qui ont eu des conséquences sur son état de santé. Toutefois, les pièces qu'il produit et les éléments qu'il décrit ne révèlent pas l'existence d'une discrimination personnelle à raison de son activité syndicale. Par suite, c'est à bon droit que la directrice adjointe de la DIRECCTE de Rhône-Alpes n'a pas retenu l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat de l'intéressé.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement à l'association ORSAC de la somme de 800 euros au même titre

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'association ORSAC la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. D... B..., à l'association ORSAC et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

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N° 16LY01174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01174
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : TURCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-28;16ly01174 ?
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