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25/10/2018 | FRANCE | N°16BX03066

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 25 octobre 2018, 16BX03066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe la restitution de la somme de 15 685 euros au titre de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1400546 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 5 septembre 2016 et un mémoire présenté le 30 janvier 2018, le ministre de finances et des comptes publics demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 19 mai 2016 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe la restitution de la somme de 15 685 euros au titre de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1400546 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 5 septembre 2016 et un mémoire présenté le 30 janvier 2018, le ministre de finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 19 mai 2016 ;

2°) de remettre à la charge de M. B...la somme de 15 685 euros afférente à la plus-value mobilière réalisée au titre de l'année 2012.

Il soutient que :

- en estimant que la réduction prévue au 7 de l'article 200 A du code général des impôts était applicable aux taux d'imposition afférent à l'année 2012 dès lors que la réfaction n'a été abrogée qu'à compter du 1er janvier 2013, le tribunal a fait une inexacte application de la loi ;

- l'article 10 I-N-4° de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour l'année 2013 dispose que le 7 de l'article 200 A du code général des impôts est abrogé ; ainsi, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'imposition de la plus-value globale réalisée par M. B...aux taux de 24 % sans application de l'abattement de 30 % est conforme à la règlementation applicable ;

- en 2012, les plus-values sont imposées au taux de 24 % ou de 19 % si l'intéressé bénéficie du régime " entrepreneurs " prévu par le 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts ;

- pour les revenus perçus en 2012, c'est par dérogation au 2 de l'article 200 A du code général des impôts que les plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées en 2012 sont imposées au taux forfaitaire de 24 % ; peu importe que la réfaction n'ait été abrogée qu'à compter du 1er janvier 2013 dès lors qu'elle n'est applicable qu'au taux de 19% lui-même inapplicable au titre de l'année 2012 ;

- la suppression de cette réfaction a été appliquée sur les imprimés n° 2074 - Déclaration spéciale des plus ou moins-values, via la suppression de la déclaration n° 2074-II-DOM, dès l'imposition des revenus 2012 ;

- dans sa décision 2012-662 DC du 29 décembre 2012 relative à la loi de finances pour 2013 et 2012-661 relative à la troisième loi de finances rectificative pour 2012, le conseil constitutionnel a jugé que les dispositions adoptées à la fin de l'année 2012, qui modifient des avantages antérieurement accordés mais qui sont applicables aux impositions qui seront dues en 2013 au titre de l'année 2012 n'affectent pas, pour cette seule raison, les situations légalement acquises ;

- si le bulletin officiel du 26 avril 2013 mentionne l'instruction n° 2074-II DOM et sa notice n° 2074-II DOM NOT, l'administration fiscale ne précise pas les années concernées et se borne à récapituler les obligations déclaratives qui peuvent encore produire des effets sur des années non prescrites ;

- enfin, le contribuable ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'énonciations contenues dans une revue spécialisées, même lorsqu'elles sont présentées comme l'interprétation admise par l'administration.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre 2016 et 21 février 2018, M. B..., représenté par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre des finances et des comptes publics et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article 10 V de la loi de finances pour 2013 n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 dispose que le I de ce même article, lequel prévoit l'abrogation du 7 de l'article 200 A du code général des impôts, n'est applicable qu'aux gains nets et profits réalisés à compter du 1er janvier 2013 ; ainsi, le législateur a clairement souhaité maintenir l'abattement DOM de 30 % prévu au 7 de l'article 200 A du code général des impôts pour les plus-values de cession réalisées jusqu'au 31 décembre 2012 ;

- une interprétation différente irait à l'encontre des actions entreprises par le législateur en faveur des " DOM " depuis plusieurs années, et en particulier de leurs résidents ; le législateur n'a pu souhaiter, dans le cadre de la loi de finances pour 2013, supprimer tout avantage pour les résidents réalisant des plus-values sur cession de valeurs mobilières alors qu'un abattement était applicable jusqu'au 31 décembre 2011 (en application de l'article 200 A 7) et qu'un autre devait être appliqué à compter du 1er janvier 2013 (sur le fondement de l'article 197 I 3) ; une telle analyse se serait heurtée à l'opposition de élus des DOM, ce qui ne fut pas le cas ;

- cette analyse reviendrait également à considérer que le maintien en vigueur en 2012 de l'abattement " DOM " de 30 %, expressément prévu par le législateur, n'aurait plus de justification puisque cet abattement, bien que non abrogé, se retrouverait sans application possible au titre de 1' exercice 2012 ;

- c'est également dans ce sens que s'est prononcée la doctrine ;

- l'administration fiscale a pris position en ce sens par la déclaration n° 2074-II-DOM publiée au bulletin officiel des finances publiques du 26 avril 2013 ; il est dès lors fondé à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 du LPF ;

- l'administration fiscale ne saurait se référer utilement aux seuls imprimés déclaratifs dont même les notices ont été reconnues comme non opposables au contribuable ; le simulateur de calcul de l'impôt sur le revenu 2013, sur les revenus perçus en 2012, prévoit toujours la possibilité de renseigner la case 3VE destinée au report des informations renseignées dans la déclaration n° 2074-II-DOM ;

- l'interprétation de l'administration est contraire au principe de clarté de la loi et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

- elle méconnaît également le principe de loyauté consacré dans la charte du contribuable ;

- l'arrêt dont se prévaut l'administration ne peut s'appliquer en l'espèce car il omet de se prononcer sur la date d'abrogation de l'abattement DOM de 30 % prévu par l'article 200 A 7 du code général des impôts, fixée, par le législateur, aux gains nets et profits réalisés à compter du 1er janvier 2013, qui constitue l'un des points essentiels retenu par le tribunal administratif dans le jugement attaqué.

Par ordonnance du 30 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 février 2018 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Katz ;

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...a cédé, au cours de l'année 2012, des titres détenus dans la SARL Géanchris, immatriculée au RCS de Pointe-à-Pitre, en réalisant à cette occasion une plus-value mobilière à hauteur de 522 867 euros. Cette plus-value a été soumise à l'impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 % pour un montant de 99 344 euros. Par une réclamation présentée le 12 mars 2014, M. B...a sollicité, en qualité de résident en Guadeloupe, l'application au taux d'imposition de cette plus-value de l'abattement de 30 % prévu par les dispositions du 7 de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010. Par une décision du 14 avril 2014, le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe a rejeté sa réclamation. Par un jugement n° 1400546 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé que la plus-value mobilière d'un montant de 522 867 euros réalisée par M. B...au titre de l'année 2012 devait être imposée au taux forfaitaire de 19 % diminué de 30 % et a déchargé l'intéressé des impositions correspondantes, à hauteur de 15 685 euros. Le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " -1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 : " ... 2. Les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A sont imposés au taux forfaitaire de 19 %. / 7. Le taux prévu au 2 est réduit de 30 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion et de 40 % dans le département de la Guyane pour les gains mentionnés à l'article 150-0 A résultant de la cession de droits sociaux détenus dans les conditions du f de l'article 164 B. Les taux résultant de ces dispositions sont arrondis, s'il y a lieu, à l'unité inférieure ". Aux termes du I de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 : " Le code des impôts est ainsi modifié : (...) N- L'article 200 A est ainsi modifié : 1° A la fin du 2, les mots : " imposés au taux forfaitaire de 19 % " sont remplacés par les mots : " pris en compte pour la détermination du revenu net global défini à l'article 158 " ; 2° Après le 2, il est inséré un 2 bis ainsi rédigé : " 2 bis. - Par dérogation au 2 du présent article, les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A peuvent être, sur option du contribuable, imposés au taux forfaitaire de 19 % lorsque les conditions suivantes sont remplies : (...) ". Aux termes des dispositions du IV de l'article 10 de la même loi : " A- Par dérogation au 2 de l'article 200 A du code général des impôts, (...) les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A du même code, à l'exception des gains mentionnés au 2 du II du même article, (...) réalisés en 2012, sont imposables au taux forfaitaire de 24 %. / Les gains nets mentionnés à l'article 150-0 A du code général des impôts réalisés au titre de l'année 2012 peuvent, sur option du contribuable, être imposés dans les conditions prévues au 2 bis de l'article 200 A du même code, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2013, lorsque l'ensemble des conditions prévues à ce même 2 bis sont remplies ". Il résulte de ces dispositions que, par dérogation au principe d'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu fixé par le 2 de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, les plus-values de cession de droits sociaux réalisées au titre de l'année 2012, lorsque les conditions fixées par le 2 bis inséré après le 2 de l'article 200 A sont remplies, sont imposables au taux forfaitaire de 19 % sur option du contribuable. Ainsi, s'agissant de l'imposition de telles plus-values réalisées en Guadeloupe, aucun abattement ne peut plus être pratiqué dès lors que la réduction de 30 % prévue antérieurement par le 7 de l'article 200 A dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 s'appliquait au taux prévu au 2 de l'article 200 A et pas à celui prévu au 2 bis de cet article.

3. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a accordé à M.B..., au motif qu'il pouvait bénéficier de l'abattement de 30 %, la décharge, à hauteur de 15 685 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012.

4. Il y a lieu toutefois, pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B...à l'appui de sa demande.

5. En premier lieu, M. B...ne saurait se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la déclaration n° 2074-II DOM (CERFA 11707) publiée au bulletin officiel du 26 avril 2013 (BOI-IR-DECLA-20-20-20130426 n° 80) et de sa notice n° 2074-II DOM NOT (CERFA 50791), lesquelles se bornent à récapituler les obligations déclaratives pouvant encore produire des effets sur des années non prescrites, mais ne précisent pas les années d'imposition au cours desquelles les résidents des départements d'outre-mer peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu applicable aux opérations de cessions mobilières, et qui ne comportent ainsi aucune interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt. M. B...n'est pas davantage fondé à se prévaloir des énonciations contenues dans une revue spécialisée, lesquelles ne constituent pas une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

6. En deuxième lieu, en soutenant que l'interprétation des dispositions précitées, retenue au point 2 du présent arrêt, méconnaitrait le principe constitutionnel de clarté de la loi et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, M. B...doit être regardé comme excipant de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012. Or, ces dispositions ayant valeur législative, le moyen tiré de leur inconstitutionnalité, à défaut d'avoir été soulevé dans un mémoire distinct, est irrecevable.

7. En troisième et dernier lieu, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'en estimant que les dispositions de la loi du 29 décembre 2012 ne lui permettaient pas de bénéficier sur les plus-values de cession mobilières réalisées en 2012, de la réduction de 30 % prévue par le 7 de l'article 200 A, l'administration aurait méconnu l'obligation de loyauté rappelée dans la charte du contribuable vérifié.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a accordé à M. B...la restitution de la somme en litige. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 1400546 du 19 mai 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 3 : La somme de 15 685 euros dont le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 1400546 du 19 mai 2016 a accordé la restitution à M. B...est remise à sa charge.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...et au ministre de l'action et des comptes publics. Une copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

M. David Katz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.

Le rapporteur,

David KATZLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX03066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03066
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Plus-values des particuliers. Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. David KATZ
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP LACOURTE RAQUIN TATAR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-25;16bx03066 ?
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